LPP: une réforme inique pour sauver un système malade
Le 22 septembre prochain, les citoyen·nes devront se prononcer sur la réforme de la prévoyance professionnelle. Celle-ci vise principalement à baisser de 6,8% à 6% le taux de conversion sur la part obligatoire de l’avoir vieillesse, diminuant fortement les rentes.
Les arguments avancés par les partisan·es de la réforme sont quasiment les mêmes que pour AVS21: l’espérance de vie augmente et la population vieillit. S’ajoute à ces derniers, la baisse des rendements produits par les près de 1200 milliards de fortune gérés par les caisses de pension. Pour pallier cet état de fait, il faudrait donc augmenter l’âge de la retraite, baisser les rentes et augmenter les cotisations–mais seulement dans le deuxième pilier (LPP)! Lorsqu’il s’agit du premier pilier (AVS), on le voit, c’est l’augmentation antisociale de la TVA, qui est privilégiée par le Conseil fédéral pour financer la treizième rente AVS.
D’autres solutions existent!
Ces solutions sont toutes dans l’intérêt des plus riches. Il y en a pourtant d’autres, beaucoup plus avantageuses pour la majorité de la population. Lesquelles? La première est la lutte contre la sous-enchère salariale, dont sont principalement victimes les personnes étrangères et les femmes*. De meilleurs salaires, et donc une masse salariale plus grande, permettent de prélever plus de cotisations (sans toucher à leurs taux) pour financer les retraites.
La seconde est une meilleure répartition des gains de productivité. Puisqu’une grande partie des tâches autrefois réalisées par des salarié·es sont aujourd’hui automatisées, il faut bien moins de temps et d’énergie humaine pour réaliser une tâche ou une activé de production (compensé par de l’énergie fossile dans la grande majorité des cas!). Cette deuxième solution est volontairement omise par la bourgeoisie, puisque cela supposerait également de reconnaître qu’une part de plus en plus importante du «gâteau de la croissance» et de ces gains de productivité finissent dans les poches des propriétaires, sous forme de profits, plutôt que dans le salaire des travailleurs et travailleuses. Or, ces gains de productivité compensent largement la diminution du ratio entre populations retraitée et encore en emploi. Comme nous produisons plus de richesses avec moins de travail, les contre-réformes de notre système de retraite ne sont pas du tout «nécessaires». Au contraire, l’âge de départ à la retraite devrait être abaissé.
Troisième solution: considérer que le travail de soins aux autres (dit du care) et le bénévolat sont bien du travail et que comme tout travail, ils méritent salaire et cotisations sociales. C’est exactement ce que fait l’AVS, avec les bonifications pour tâches éducative et d’assistance, et que ne fait pas le deuxième pilier (LPP).
Le système de retraite n’est pas en crise, seul le deuxième pilier l’est!
Le deuxième pilier n’est en rien une assurance sociale. C’est de l’épargne forcée. Épargne par ailleurs fortement inefficace puisque sur 100 francs de cotisations, seulement 76 alimentent directement le capital vieillesse et donc à terme les rentes, le reste servant à financer les frais de gestion gigantesques–plus de 8,1 milliards de francs par année: un coût pour les salarié·es et un juteux profit pour les caisses de pension. En comparaison, pour 100 francs de cotisation, l’AVS assure une rentre de 99 francs.
Mais ce n’est pas le seul domaine où le deuxième pilier s’avère bien médiocre en comparaison du premier. Le seul modèle stable, social, égalitaire, écologique, transparent, facilement pilotable et efficace est celui de l’AVS.
Social parce qu’il prend en compte le travail dans sa globalité et pas seulement celui réalisé dans le cadre de l’emploi capitaliste.
Égalitaire, car il permet d’octroyer une rente minimale (certes insuffisante!) et une rente maximale (le double de la première) assurant une redistribution pour les personnes n’ayant que peu cotisé durant leur carrière.
Écologique, car contrairement aux caisses de pensions du 2e pilier qui investissent dans les énergies fossiles, la majeure partie des cotisations versées servent à financer directement les rentes, même si le fonds de compensation AVS n’a, lui aussi, pas les investissements les plus écologiques du monde.
Transparent: il est en effet facile de savoir combien on touchera à la retraite en fonction du salaire moyen annuel perçu, quel que soit son travail/emploi et sa caisse AVS.
Facilement pilotable: en fonction de l’évolution démographique et de la masse salariale, il suffit d’adapter les taux de cotisations pour permettre de verser des rentes correctes aux personnes à la retraite.
Contrairement au deuxième pilier, qui nécessite des dizaines d’années pour constituer un capital générant assez de rendement pour verser les rentes, avec, on l’a dit, des investissements nocifs, les rentes AVS issues du flux de cotisations peuvent être versés directement, sans passer par la case investissement sur le marché des capitaux, avec son lot de fluctuations et ses crises.
Enfin, son efficacité est implacable : en 2022, le taux de cotisation AVS est en moyenne de 8,7% au cours de la vie active pour des rentes médianes de 1876 francs contre 12% et 1647 francs pour la LPP.
En attendant de lancer des batailles offensives pour un véritable système de retraites, votons non le 22 septembre dans l’un des incessants gestes défensifs auquel la droite nous contraint.
Térence Durig