Transports publics: gratuits ou presque, pour le Conseil d’État, c’est toujours non

Après l’invalidation des initiatives fribourgeoise et vaudoise demandant la gratuité des transports publics par le Tribunal fédéral au printemps dernier, c’est au tour de la nouvelle initiative «pour des transports publics presque gratuits» d’être déclarée nulle par le Conseil d’État vaudois. Celle-ci demandait que l’État garantisse à toute personne habitant le canton de Vaud le droit à un abonnement de transports publics, valable sur l’ensemble du territoire cantonal, dont le tarif annuel n’excède pas le prix de la vignette autoroutière, soit 40 francs.

Dépôt de l'initiative vaudoise pour des transports publics gratuits
solidaritéS Vaud avait largement contribué à l’initiative « Pour des transports gratuits ». Dépôt des 14 226 signatures valables, Lausanne, 19 janvier 2022.

Dans sa réponse, le Conseil d’État a mis en avant l’incompatibilité du projet sur la base du fameux article 81a al. 2 de la Constitution fédérale, qui exige que les prix payés par les usager·ères des transports publics couvrent «une part appropriée des coûts». Au-delà du fait que cette dernière est sujette à débats – qu’est-ce qu’une part appropriée? – et donc une question de rapport de force politique, il s’agit surtout d’une grave violation des droits populaires et démocratiques. 

Après l’invalidation de la première initiative «pour des transports publics gratuits», le Conseil d’État semble déterminer à priver le peuple vaudois de se prononcer sur une question pourtant primordiale: celle de l’accès à une mobilité écologique à prix abordable. Or, la jurisprudence du Tribunal fédéral est claire: les gratuités ciblées et les réductions importantes de tarifs restent possibles. Exemple récent à Genève où le Canton prendra en charge, à partir de 2025, la totalité de l’abonnement de transports des jeunes de moins de 25 ans habitant ou étudiant sur le territoire genevois. 

Mais si cette mesure permet à une population précaire de se déplacer sans dépenser, elle n’encourage pas celles et ceux, plus âgé·es, qui continuent d’utiliser leur voiture, principalement pour se rendre au travail. Or, c’est également à cette population que doit s’adresser une politique de mobilité cohérente, qui ne soit pas uniquement faite d’interdictions et de taxes, mais d’alternatives concrètes: interdire les voitures à essence, c’est nécessaire, le faire sans proposer un système de transports publics efficace, peu cher et bas carbone est illusoire. 

En pleine urgence climatique, dans une période de baisse des salaires réels et de hausse du coût de la vie, et alors que le Conseil fédéral veut financer à coup de milliards l’extension des autoroutes, le Conseil d’État vaudois, irresponsable, joue donc la montre et espère retarder au maximum le lancement d’initiatives dans le domaine des transports publics en se cachant derrière un article constitutionnel qui lui permet de décider arbitrairement du montant qu’il juge «approprié»

Face à cette obstination et déterminé à faire aboutir ce projet nécessaire pour la justice sociale et la transition écologique, le comité unitaire se réunira dans les plus brefs délais pour décider de la suite à apporter à cette réponse du Conseil d’État et se réserve le droit de déposer un recours auprès de la Cour constitutionnelle du Canton de Vaud. Affaire à suivre!

Térence Durig