Palestine
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MARAD: révolte, justice et solidarité
Le mot marad est la racine commune à toutes les langues sémitiques pour «révolte» ou «soulèvement», qui a donné tamarrud en arabe et mered en hébreu. Reprenant cette symbolique, le collectif homonyme s’est créé il y a quelques mois à Genève. Il regroupe des militant·es juif·ves décoloniaux. Entretien.
Pouvez-vous présenter Marad? Comment s’est créé ce collectif et pour quelles raisons?
Marad est un collectif qui a vu le jour en mars 2024 à Genève. Nous sommes cinq co-fondateur·ices ; nous ne nous connaissions pas auparavant, notre rencontre est issue des manifestations genevoises de soutien à la Palestine qui ont suivi le 7 octobre 2023. Bien que nous militions chacun·e de notre côté, un sentiment d’isolement s’est installé face à l’escalade de violence d’Israël contre la société civile à Gaza. Indigné·es par l’instrumentalisation de l’antisémitisme et la récupération de nos identités juives à des fins destructrices, il nous a semblé essentiel de se lier au mouvement de résistance et de révolte de la diaspora juive décoloniale, tout en l’ancrant dans le contexte suisse.
Quelle est l’importance d’une voix juive antisioniste dans le contexte actuel?
Les voix juives antisionistes contemporaines rappellent qu’historiquement l’antisionisme juif est aussi vieux que le sionisme. Pour nous, c’est aussi se réapproprier nos judéités qui se font effacer et réduire à des fins criminelles. Il s’agit de les redéfinir par la diversité et la pluralité, historique, mais aussi d’identité, de genre, d’origine, etc.
Combattre son instrumentalisation est très important pour nous puisqu’elle nuit à la solidarité avec la Palestine et, plus largement, aux communautés arabo-musulmanes sur lesquelles on tente de transférer l’antisémitisme dans sa forme européenne, mais aussi à la lutte contre l’antisémitisme. L’islamophobie débridée et l’essentialisation des juif·ves sont une manière pour l’Occident de camoufler son négationnisme, de se déresponsabiliser de son antisémitisme historique et de permettre à la droite l’ascension de ses politiques conservatrices et xénophobes.
Nous espérons, à notre manière, faire barrage aux attaques diffamatoires dont sont victimes les personnes solidaires de la Palestine (dont le dernier exemple est le lynchage qui s’abat sur la CUAE et son agenda), offrir un rempart à celleux qui fuient le sionisme ou en sont des victimes collatérales – parfois même rejeté·es par leurs familles pour leurs positions politiques – et être une des marches dans la construction d’un front commun antiraciste et antifasciste.
Le soutien inconditionnel et aveugle des pays d’Europe à Israël n’a en rien réglé les questions d’antisémitisme sur le Vieux Continent, et il est insupportable que le peuple palestinien en paye les frais depuis 75 ans.
Quels sont les objectifs politiques actuels de Marad?
Nous participons à la création d’un mouvement fédérateur qui regroupe en Europe de nombreux collectifs juifs antisionistes et décoloniaux actifs. European Jews for Palestine se présentera début octobre au Parlement européen. Nous continuons à soutenir les mouvements de solidarité pour la Palestine, notamment les CEP et autres collectifs. Nous prévoyons aussi des actions culturelles: programmes de projections, des traductions, des ateliers, et ça en collaboration avec d’autres groupes ou collectifs. Nous nous associons aussi avec les autres collectifs juifs décoloniaux de la région, en Suisse et en France voisine, pour proposer différentes activités. La gestion, par exemple, des directions des écoles est si scandaleuse que nous aimerions opérer dans les milieux éducatifs et politiques, notamment en ce qui concerne l’antisémitisme, pour le redéfinir au sein des luttes antiracistes en général.
Comment vous intégrez-vous dans la lutte pour une Palestine libre?
Nous pensons que la solidarité et l’aide que nous pouvons apporter de l’extérieur, afin que la société palestinienne survive, passent par l’établissement d’un maximum de rapports de force pour obliger nos gouvernements, nos institutions et les médias à cesser d’être complices d’Israël. Il faut multiplier les modes et les fronts d’action. C’est un combat de longue haleine: comme Césaire le rappelait en 1955, notre «seule consolation est que les colonisations passent, que les nations ne sommeillent qu’un temps et que les peuples demeurent». Le boycott a fait ses preuves à l’époque en Afrique du Sud, il fait et fera ses preuves pour la Palestine.
Les Palestinien·nes demandent la liberté, la fin de la colonisation, la libération des prisonnier·ères, l’égalité des droits quelque confession que l’on soit, le retour des réfugié·es et la condamnation des criminels de guerre. En somme, iels réclament la justice dont la paix découlera. Nous les soutenons dans toutes ces revendications. Ce n’est qu’à ces conditions que la création d’un État démocratique pourra être envisagée.
Propos recueillis par la rédaction
Instagram: @maradcollectif