Israël «pacifie», Bush approuve
Liban: Israël «pacifie», Bush approuve
A la suite dune opération militaire menée de main de maître par lorganisation libanaise de résistance nationale Hezbollah, et la capture de deux prisonniers de guerre, larmée israélienne a bombardé la capitale libanaise et de nombreux autres sites au sud du Liban. A lheure où sont écrites ces lignes, le gouvernement israélien est en train de discuter de lopportunité denvahir le territoire libanais pour une opération de longue durée. Certes, les souvenirs du fiasco sanglant quavait signifié linvasion du Liban en 1982-1985 sont encore vivants dans la mémoire des généraux israéliens qui, à lépoque, nétaient encore que des officiers subalternes; mais lhumiliation ressentie à la suite de lopération du Hezbollah est si forte et la volonté de vengeance à ce point ancrée dans leurs têtes obtuses, que léventualité dune telle invasion nest pas à exclure.
Il est donc important de remettre les choses à leur place, et les événements dans leur ordre chronologique: ce nest pas lopération militaire menée il y a trois semaines par un commando palestinien et lenlèvement du caporal Gilad Shalit qui ont poussé le gouvernement israélien à lancer son offensive sanguinaire contre les habitants de la bande de Gaza; ce sont les bombardements quotidiens de lartillerie israélienne et les dizaines de morts palestiniens, dont une majorité de civils et de nombreux enfants, qui ont poussé ces militants palestiniens à rompre la trêve déclarée par les principales organisations palestiniennes et scrupuleusement respectée par ces dernières depuis plus dun an.
La libération du soldat Gilad Shalit est le dernier des soucis de ces mêmes autorités israéliennes, et même le plus stupide des ministres sait parfaitement que les attaques militaires mettent sa vie en danger et risquent sans doute de provoquer son assassinat par ses ravisseurs. La seule chose qui importe aux généraux israéliens et aux marionnettes qui les représentent au gouvernement, cest de «leur apprendre» ce que cela coûte de sattaquer à Israël. «Leur apprendre» est le concept le plus utilisé dans les déclarations officielles des dirigeants civils et militaires, dans le plus banal des langages coloniaux. Pour ce faire, tous les moyens sont bons, et aucune retenue, convention internationale ou lois de la guerre ne sont de mise.
La Suisse vient de le rappeler; lopération en cours à Gaza est faite de violations systématiques et généralisées de toutes les règles du droit international. Il faudrait même parler de crimes de guerre. Dabord, parce quil sagit dune punition collective: cest la population de Gaza tout entière qui doit «apprendre» à bien se conduire, même si celle-ci na évidemment rien à voir avec la capture dun prisonnier de guerre israélien. Ensuite parce quil sagit dun véritable massacre, le nombre de victimes civiles «collatérales» étant disproportionné avec le nombre de victimes «ciblées».
Aux côtés de la prise de position helvétique, le silence de lUnion européenne est éloquent, et sert de contrepoint au soutien déclaré de ladministration américaine à lagression israélienne. Ce soutien participe de la stratégie du «choc des civilisations» prônée par une partie de lentourage de Georges W. Bush: ce nest pas le soldat otage qui doit être sauvé, ce nest pas non plus le commando responsable de son enlèvement qui doit être puni; ce nest même pas le parti Hamas ou le gouvernement quil dirige qui doivent être sanctionnés, mais le peuple palestinien lui-même, peuple voyou appartenant à une civilisation dont le terrorisme est une des caractéristiques.
Tant que les parrains américains dIsraël seront dans cette stratégie du choc des civilisations et de la guerre globale et permanente, il ne faut pas sattendre à un tournant de la politique israélienne, et la «guerre» quil vaudrait mieux appeler pacification permanente contre les Palestiniens, et plus généralement contre les Arabes va suivre son cours. Avec son lot croissant de victimes, y compris israéliennes.
Ceci est à prendre en considération par le mouvement social international et plus particulièrement par le mouvement de solidarité: nous sommes tous confrontés non pas à un événement, aussi tragique et sanglant soit-il, mais à une guerre de longue durée. Cette réalité exige des stratégies à long terme et du souffle. Elle exige aussi dagir dans une perspective globale. Face à la guerre globale de recolonisation du monde, la reconstruction dun fort mouvement antiguerre qui englobe la Palestine comme un de ses objectifs les plus emblématiques nest plus un luxe quon peut repousser à plus tard, mais une urgence pour tous les habitants de notre planète.
Michel WARSCHAWSKI*
*Directeur de lAlternative Information Center de Jérusalem.