La résistance attend simplement de s’organiser





1

La résistance attend simplement de s’organiser

Il y a un peu plus d’une année, Ani DiFranco avait du annuler tous ses concerts suite à une tendinite aiguë, qui l’a tenue éloignée des scènes pendant de nombreux mois. L’artiste à repris la route en juin et a annoncé la sortie de Reprieve, pour le 8 août. Il émane de ce nouvel album une délicatesse et une douceur qui ravira les fans de la première heure. C’est un disque particulièrement abouti où, une nouvelle fois, le privé et le politique s’entremêlent dans une poésie envoûtante.

Reprieve a été mis en chantier au début de l’année 2005, à la Nouvelle-Orléans. Après l’interruption forcée de sa tournée, Ani DiFranco y passe le plus clair de son temps, jusqu’à l’arrivée de l’ouragan Katrina. Comme tout le monde, l’artiste est évacuée, en abandonnant tout sur place. Elle ne retrouvera les enregistrements réalisés qu’à son retour, après plusieurs mois passés à Buffalo.

Le patriarcat, la racine du mal

Ani DiFranco a vécu la tragédie de la Nouvelle-Orléans comme une mise en abyme de l’Amérique de Georges W. Bush, sentiment qu’elle traduit dans Reprieve. Elle nous livre une collection de chansons engagées, en particulier contre ce qu’elle considère comme l’origine de la plupart des maux de nos sociétés: le patriarcat. «Ça peut paraître étrange, à notre époque, de devoir encore parler du patriarcat. Certains pensent que les enjeux actuels de nos sociétés sont la guerre ou la politique de nos gouvernements mais, selon moi, le patriarcat est à la racine, c’est la maladie dont découlent ces symptômes.»

Selon Ani DiFranco, les femmes doivent prendre leur place dans la société, pas simplement en occupant des sièges au Congrès pour devenir des instruments du système, mais en instaurant un changement permanent des mentalités et des rapports de genre.

De nombreux exemples ont montré qu’il ne suffisait pas d’avoir quelques femmes placées dans un gouvernement pour changer l’ordre des choses. L’artiste en appelle à un changement radical, venant des hommes et des femmes ensemble, contre le patriarcat, contre la guerre, contre l’administration Bush qui, dans sa gestion de la catastrophe de l’ouragan Katrina, a dévoilé les sombres racines racistes qui fondent son action.

Sursis

Aux yeux de la protest singer, nos sociétés sont en sursis, le temps que les mouvements sociaux s’organisent et que la révolte se lève. Dans «Millenium Theatre», elle écrit: «Under darkening skies / The resistance is just waiting / To be organized». Une note d’espoir dans les capacités de la jeunesse états-unienne de se lever et de rebondir face à la tyrannie conjuguée du capitalisme et du machisme. Les chansons «Decree», «A Spade» et «Reprieve» sont quant à elles des odes au pouvoir qu’ont les femmes de changer l’Histoire, si elles se mobilisent.

Médias aliénants

Ani DiFranco marie dans ce nouvel album des compositions musicales simples, douces et délicates à des textes engagés, poétiques et déterminés. Reprieve est une nouvelle salve contre l’aliénation des citoyennes et des citoyens par des médias complaisants et asservis par les pouvoirs politique et économique.

Et la chanteuse de rappeler que la guerre en Irak n’avait rien à voir avec le 11 septembre. De la même façon, la tragédie de la Nouvelle-Orléans n’était pas une catastrophe naturelle, mais la conséquence de la politique du gouvernement, aux yeux duquel les populations pauvres et noires ne valaient pas les investissements nécessaires à sécuriser cette région face à un péril prévisible.

«Mesdames et Messieurs, bienvenue au spectacle. Le Théâtre du Millenium vous demande de ne pas fumer. Veuillez éteindre vos téléphones cellulaires et oubliez ce que vous croyez savoir

Erik GROBET

Ani DiFranco, Reprieve, Righteousbabe Records