Préparation du G8: Vague d’arrestations en Russie





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Préparation du G8: Vague d’arrestations en Russie

Depuis des semaines déjà, les servicessecrets et la police s’intéressent de près aux militants russes liés aux réseaux altermondialistes ou aux mouvements sociaux de protestation. A l’approche du Contre-Sommet et du Forum social de Russie du 13 au 16 juillet 2006, la tension monte. Depuis le 5 juillet les «arrestations préventives» de militants s’apprêtant à prendre le train pour Saint-Pétersbourg se sont multipliées.

Dans la nuit du 6 au 7 juillet, six militants de l’association «Pour le développement de la région de Nakhodka» (Extrême-Orient russe) ont été débarqués du train manu militari. Tatiana Kortchevnaïa a réussi à joindre par téléphone les organisateurs du Forum social à la gare de Tchita, puis leurs traces se perdent dans la nature. Juste avant de disparaître, les militants ont fait savoir qu’ils avaient été tabassés à la sortie du train.

Jeudi 6 juillet, alors qu’il était déjà dans le train en partance pour Saint-Pétersbourg, Roman Bourlak, du mouvement des jeunes communistes de Krasnoïarsk a été interrogé par les services de sécurité. Il s’est très vite fait «voler» son passeport, ce qui le soumet à des contrôles d’identité incessants. A un énième contrôle, les policiers ont découvert, oh surprise!, de la dynamite dans le wagon où il voyageait. A la gare d’Atchinsk (région de Krasnoïarsk), il a été embarqué au poste de police local.

A Novossibirsk, Vadim Ivanov, un jeune militant d’une organisation radicale appelée «Avant-garde de la Jeunesse Rouge», est porté disparu depuis jeudi. Alors que ses camarades l’attendaient au départ du train, il ne s’est pas présenté. Son portable ne répond pas…

A Ijevsk (République d’Oudmourtie), un jeune anarchiste membre du Soviet (Conseil) local de coordination des luttes a été arrêté en pleine rue, jeudi également. Il a passé toute la journée et la nuit au poste. Accusé d’avoir harcelé des gens dans la rue, il était menacé de quinze jours d’arrêt. Il s’est heureusement trouvé des juges honnêtes pour le disculper de ces accusations mensongères. Il a été libéré dans la nuit du jeudi au vendredi, en grande partie grâce à la mobilisation des militants du Conseil des luttes, eux aussi du voyage pour le Contre-Sommet.

A Tomsk un syndicaliste de la Confédération Sibérienne du Travail a été également arrêté le 6 juillet, à la veille de son départ pour Saint-Pétersbourg, mais il a eu moins de chance. Après un jugement tronqué et sur une accusation fabriquée, il a été emprisonné pour dix jours. A l’heure actuelle, il est en grève de la faim pour protester contre ce procès inique.

A Moscou même, autour de 22 heures jeudi, un groupe de jeunes anarchistes tranquillement assis dans un parc du centre-ville a été embarqué par les policiers, attirés par des affiches anti-G8 qui traînaient dans les parages… Après interrogatoire, ils ont été libérés au bout des trois heures réglementaires, mais les affiches ont été confisquées…

A Saratov un militant du Parti National-Bolchévique a été sorti du train le 5 juillet et a passé neuf heures dans les locaux des services de lutte contre l’extrémisme. Motif invoqué: il serait recherché par la police fédérale. Or c’est un étudiant de 2e année de l’Institut de polytechnique de Saratov qui n’a rien d’un criminel en fuite.

A Barnaoul (Altaï) plusieurs membres des jeunes communistes subissent depuis quelques jours des interrogatoires répétés. Leurs parents reçoivent des coups de téléphone de policiers «inquiets» pour le sort de leurs enfants. Tout cela pour dissuader les jeunes de participer au Contre-Sommet de Saint-Pétersbourg.

Des incidents de ce type ont été déclarés encore dans plusieurs autres villes de Russie, ce qui n’augure rien de bon quant à l’attitude du pouvoir à l’encontre du Contre-Sommet. Rappelons que du 13 au 16 juillet aura lieu le second Forum Social Russe au stade Kirov de Saint-Pétersbourg, où sera érigé un village de tentes. Les autorités fédérales et régionales ne se privent pas de faire la publicité pour leur grandeur d’âme à l’encontre des «antiglobalistes» auxquels ils ont accordé le stade. Mais elles se gardent bien d’afficher la répression en coulisses. De plus, selon les informations en provenance du Comité d’organisation du Contre-Sommet, l’autorisation de manifester (le 15 juillet dans l’après-midi) aurait été refusée aux altermondialistes et militants des mouvements sociaux.

A la veille du G8 la tension monte, et les nuages se concentrent au-dessus du stade Kirov, rappelant de mauvais souvenirs chiliens…

Carine CLÉMENT*

 *Carine Clément est journaliste et membre du Comité d’organisation du Forum social de Russie et du Contre-Sommet.