Itinéraire d’un salaud ordinaire





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Itinéraire d’un salaud ordinaire

Clément Duprest, brillant étudiant en droit, intègre la police nationale en 1942. Contrairement à certains de ses collègues, Duprest ne «fait pas de politique»: il va se contenter de mettre au service de ses patrons son intelligence et son sens de l’observation. Au sein de «la brigade des propos alarmistes», il est chargé de repérer et de neutraliser les individus hostiles à Vichy… Ainsi commence la longue carrière d’un fonctionnaire que certains diraient irréprochable. Duprest sera mêlé, au cours de sa vie, à nombre d’événements qui ont marqué la chronique.

Didier Daeninckx, à travers les faits et gestes quotidiens d’un salaud tout à fait ordinaire, nous invite à revisiter quarante ans d’histoire française, depuis la rafle du Vel’d’Hiv jusqu’à la candidature de Coluche à l’élection présidentielle de 1981: Occupation, Libération, décolonisation, affaires politico-mafieuses, mouvements étudiants, grèves ouvrières, répression policière…

Comme dans «Meurtres pour mémoire», roman (Folio, Gallimard) ayant pour thème les violences de la police française (commandée par Papon) contre les Algériens manifestant en octobre 1961, le savoir-faire du Daeninckx s’appuie à la fois sur une analyse très fine des comportements humains et sur une multitude de détails véridiques, qui rendent captivante cette traversée du dernier demi-siècle.  (jf)

Didier Daeninckx, Itinéraire d’un salaud ordinaire, Gallimard, 2006 (315 pages)

Transition chinoise

Voulez-vous pénétrer dans cette hybride société chinoise, qui bascule à des rythmes divers dans le capitalisme, tout en conservant son impénétrable bureaucratie? Sans passer par d’austères études socio-économiques? Alors lisez les romans policiers de Qiu Xialong. Ce natif de Shangaï, qui restera aux Etats-Unis après la répression de Tiananmen, promène son «camarade inspecteur» Chen à travers tous les déséquilibres du pays. Chen lui-même est un drôle de flic, enquêteur mais aussi traducteur et lettré, en prise sur son époque sans cesser toutefois de se ressourcer à la poésie traditionnelle, membre du Parti communiste et se méfiant en permanence de sa «bureaucratie céleste».

Alors, quand meurt une ancienne héroïne du travail ou qu’une ex-garde rouge écrit un ouvrage dissident sur la Révolution culturelle, c’est, au fil des pages, une radiographie de la société chinoise qui apparaît, avec ses pesanteurs et ses accélérations inouïes. De plus, comment ne pas s’intéresser à un policier capable de vous citer le poète Daifu: «Ivre. J’ai frappé un cheval précieux / Je ne veux pas que la beauté croule sous trop de passion» comme de vous initier aux subtilités du goût des nouilles chinoises en fonction de leur fraîcheur?

Qui Xaoling, Le Très corruptible mandarin; Encres de Chine; Mort d’une héroïne rouge; Visa pour Shangaï. Tous parus aux éd. Liana Levi.