Mettre un terme à l’occupation israélienne

Mettre un terme à l’occupation israélienne

L’armée d’occupation israélienne mène actuellement à Rafah une opération brutale de destruction et de carnage à grande échelle. Des dizaines de maisons appartenant à des réfugiés palestiniens de 1948 sont rasées par des bulldozers D9 fabriqués par la multinationale américaine Caterpillar. Des centaines de familles palestiniennes doivent fuir, alors que les forces israéliennes ne leur permettent même pas d’emporter leurs affaires personnelles. Le 19 mai, quatorze Palestinien-ne-s, dont plusieurs enfants, ont été tués dans les rues de Rafah par l’armée israélienne, qui a tiré sur une manifestation pacifique qui protestait contre cette offensive. A Rafah, les blessés et les morts se comptent par dizaines. Des membres de solidaritéS ont participé à deux missions de solidarité avec la Palestine le mois dernier: la 13ème mission civile suisses et la mission syndicale internationale. Nous publions ci-dessous un témoignage d’Astrid Astolfi, membre du Collectif Urgence Palestine de Genève, qui a visité la bande de Gaza la dernière semaine d’avril 2004 dans ce cadre. (réd.)

J’ai été reçue par le PCHR (Palestinian Center for Human Rights) avec lequel j’ai pu visiter toutes les zones difficiles, du nord au sud de la bande de Gaza. J’ai rencontré le gouverneur de Rafah et plusieurs responsables d’organisations de soutien et d’aide à la population, des femmes engagées dans des projets de développement et de soutien aux femmes, j’ai récolté des témoignages de réfugiés dont l’armée a détruit les maisons.

La situation est extrêmement difficile. Il y a deux ans à Rafah, au Sud du camp de réfugiés, l’armée avait déjà détruit des maisons sur 70 mètres, le long du mur en ciment qui délimite la frontière avec l’Egypte. Ceci parce que l’armée israélienne a décidé de façon arbitraire, qu’il faut une zone de sécurité, qui peut varier entre 50 et 300 mètres. Aujourd’hui, là où arrivaient les maisons en juin 2002, il y a un deuxième mur, celui-ci est en fer, et l’armée israélienne a de nouveau démoli les maisons sur une largeur de 70 mètres depuis ce mur jusqu’aux habitations restantes, pour élargir encore la zone de sécurité.

J’ai été choquée de voir ce qui se passe à Rafah. Il n’y a pas de mots pour décrire la souffrance des gens qui ont encore le courage de rester dans leurs maisons malgré les tirs incessants, surtout la nuit, de l’armée israélienne. Il n’y a pas de mots pour dire l’indignation et la colère que j’ai ressenties face à cette arrogance, face à la violation de tous les droits les plus élémentaires, face à cette violence guerrière inhumaine et surtout face à ce que doit subir et endurer un peuple entier pour «sécuriser» la présence israélienne dans la région. C’est un crime de guerre massif que l’armée israélienne perpètre au sud de la bande de Gaza.

Il y a trois semaines, à Rafah, on avait déjà détruit 1026 maisons complètement et 776 partiellement, ce qui laissait près de 20000 Palestinien-ne-s sans toit. Sans compter les 246 Palestinien-ne-s tués, dont seulement 42 étaient des combattants et 67 des enfants1. Depuis deux semaines, sous les ordres de Sharon, l’armée israélienne, avec ses missiles et ses bulldozers est en train de raser encore des centaines d’autres maisons pour élargir cette zone de «no man’s land» jusqu’à 2-300 mètres. Avec le prétexte des tunnels souterrains creusés par les Palestiniens pour aller du côté égyptien, l’armée israélienne utilise des charges dix fois supérieures au nécessaire pour les faire sauter, ainsi toutes les maisons environnantes s’écroulent ou sont endommagées.

Où vont aller tous ces gens? Dans le camp de réfugiés de Rafah, que l’armée israélienne est en train de détruire, il y a 92000 habitant-e-s entassés sur quelques kilomètres carrés. Dans le camp de Khan Yunis il y a 62000 habitant-e-s sur 2 km2, dans celui de Jabaliya, près de Gaza, il y en a 120000 habitants sur 3 km2. C’est l’horreur! Dans la bande de Gaza, il y a huit camps de réfugiés et la densité de population est l’une des plus élevées au monde.

Nous avons visité les familles qui logent dans les vestiaires du champ de football de Rafah depuis décembre 2003, en attendant de retrouver un logement.

Abou Mahmud est père de huit enfants et nous a raconté que l’armée israélienne a démoli trois fois sa maison. Maintenant il ne trouve pas de logement car il n’y en a plus et, même s’il y en avait, il n’aurait pas les moyens de payer un loyer de 150 dollars par mois. Je lui ai demandé si l’armée israélienne les avait avisés et leur laissé le temps de sortir. Il m’a dit que celle-ci n’avertissait pas, elle arrive avec tanks et bulldozers, les gens les entendent et sortent dans la rue avec leur famille, sinon on les écrase avec les maisons! Abou Mahmud a tout perdu. Les familles des sans-abri ont constitué un comité d’aide et d’écoute aux personnes qui comme lui sont sans maison.

Ce comité a essayé de faire pression sur les autorités palestiniennes, mais la réponse est toujours la même: «Nous n’avons pas d’argent». Mahmoud me dit: «Je travaille sans salaire, il y a de plus en plus de gens, chaque nuit le nombre de réfugiés augmente. Personne ne nous écoute, ni l’autorité palestinienne, ni l’autorité israélienne». Mahmoud a travaillé 16 ans en Israël avant la première Intifada, depuis il n’a plus de travail et se retrouve enfermé à Gaza, sans maison. «Israël ne m’a jamais demandé mon avis sur rien», dit-il. Israël lui a pris sa première maison avec les accords de Camp David et la décision sur le contrôle des frontières. Ils ont voulu une zone de sécurité à la frontière. «Ils ne m’ont rien demandé, ni dit. Ils n’ont pas averti de ce qu’ils allaient faire!». Il ajoute: «Israël doit payer pour ça et reconstruire notre maison». Depuis, l’Etat d’Israël a construit un deuxième mur et une deuxième zone de sécurité, au total 140
mètres de maisons détruites et Mahmud a eu sa maison détruite encore deux fois par l’armée.

Astrid ASTOLFI

  1. Depuis le début de la deuxième Intifada. Chiffres du PCHR.