Sahara occidental:missions d'observation et solidarité internationale

Sahara occidental

Missions d´observation et solidarité internationale


La ligue suisse des droits de l’homme (LSDH), l’association américaine des juristes, Mémoria Viva ainsi que d’autres ONG ont récemment envoyé plusieurs missions d’observation afin d’assister aux procès en recrudescence de militant-e-s des droits humains sahraouis. Doris Leuenberger, avocate et vice-présidente de la LSDH, section de Genève et Anita Cuénod, membre de la ligue et députée, assistaient mercredi 30 octobre au dernier en date.



Jugé en Cour d’appel pénale, sans possibilité de recours, Ahmed Nassiri est accusé d’avoir participé et encouragé une manifestation, d’avoir bouté le feu à un bâtiment et des voitures. Il encourt une peine de prison jusqu’à cinq ans, il est détenu depuis le 19 juin de cette année.

Report sans surprise


Ce mercredi, le procès a été reporté pour la quatrième fois, les témoins de l’accusation faisant défaut alors même que le président de la Cour avait ordonné au Parquet de les faire amener si nécessaire par la force publique ; les témoins de la défense étaient tous présents. Les avocats ont donc plaidé la libération provisoire, sans succès. L’audience a été néanmoins renvoyée au 13 novembre prochain, étant signalé que le Ramadan commence le 7 novembre.



Arrivées trois jours avant le procès, nous sommes allées tout de suite nous présenter et remettre nos mandats au Procureur général, signalant l’intérêt de la communauté internationale, en particulier de nombre de genevois-e-s défenseurs des défenseurs des droits humains. Nous avons demandé à visiter la prison d’El Ayoun eu égard à nos fonctions, Me Leuenberger comme experte et la soussignée en tant de membre de la commission des prisons genevoises. Insistant sur les rumeurs persistantes de terribles conditions de détention – 100 détenus dans des cellules de 16 m2 – et du fait que nous voulions voir le prévenu ainsi que d’autres détenus. Nous avons été priées de demander l’autorisation à Rabat. Nous ne manquerons pas de revenir à la charge…



Nous sommes retournées voir le Procureur après le renvoi du procès pour lui signaler qu’à Genève, puisque nos institutions se ressemblent se plaisait-il à rappeler, le prévenu aurait été libéré provisoirement, puisque ce sont les témoins de l’accusation qui étaient absents. Nous avons précisé que des observateurs se déplaceraient le 13 novembre.

L’horreur des bagnes


Parmi les avocats de M. Nassiri, Me Leili a lui aussi subi l’horreur des bagnes secrets, ainsi que toutes les personnes que nous avons rencontrées. Sans mise en accusation, ni procès, il a été détenu et torturé durant 17 ans, notamment à Kalat Megouna (à l’Est de Ouarzazate), avec toute sa famille. Ils étaient 120 les premiers mois, plus de 300 ensuite et 263 à leur libération en 1991. Parmi eux 43 personnes sont mortes sous la torture et de sous-alimentation.



La section Sahara Occidental du Forum Vérité et Justice, qui compte plusieurs centaines d’adhérents, a été créée en 1999. Tous ses membres sont d’anciens détenu-e-s, ces femmes et ces hommes concentrent leur tâche sur la recherche des disparu-e-s, nombre évalué encore à plus de cinq cents personnes. Ils et elles recueillent des informations précises concernant les noms, dates et lieux de disparitions et ont à ce jour des dossiers complets sur 118 disparu-e-s. L’objectif de cette association est aussi de savoir exactement ce qui s’est passé – vérité, désignation et sanctions des responsables, sort des disparu-e-s, excuses et réparation – durant «les années de plomb».

Avant 1991


En 1987 à El Ayoun, coïncidant avec l’arrivée d’une commission des Nations Unies, une manifestation en préparation donne lieu à une razzia où près de 250 personnes sont interpellées, dont 68 détenues sans jamais avoir été présentées à la justice, les yeux bandés jour et nuit et torturées quotidiennement durant 3 ans et 7 mois. Dans une caserne secrète en ville, ils ont survécu, répartis dans quatre pièces de 3 m sur 3 dont une réservée aux 11 femmes. L’une d’entre elle est devenue folle, le plus jeune est mort sous la torture, trois autres sont morts de maladie, deux de tuberculose et un de gangrène. Deux femmes et trois hommes parmi eux nous ont décrit les conditions infra humaines dans lesquelles elles et ils ont été confronté-e-s à une mort lente. Ils et elles ont été libéré-e-s en 1991, année de la signature du cessez-le-feu entre le Front Polisario et le Maroc. Pourtant aujourd’hui, ces défenseurs des droits humains font appel à nous, à la présence de représentant-e-s de la communauté internationale. Ils et elles ont compris que leur liberté ne leur sera rendue qu’avec la solidarité et les pressions internationales.



Anita CUENOD