Migrant·e·s

Migrant·e·s : La solidarité en péril

Une succession d’événements a révélé la situation absurde dans laquelle les discours antimigrant·e·s enferment l’Europe. Un piège dans lequel tombe même d’une certaine gauche, qui prône de plus en plus ouvertement la fermeture des frontières et le contrôle de la migration.


Rassemblement contre la politique d’asile inhumaine de l’Italie, Lausanne, août 2018 – Gustave Deghilage

De l’arrestation du maire de Riace à la criminalisation des personnes sur le chemin de l’exil en passant par l’arrêt forcé de l’Aquarius (un navire qui se charge de sauver des migrant·e·s en Méditerranée), les attaques contre la solidarité avec les réfugié·e·s pleuvent depuis quelques semaines.

Liberté pour le maire de Riace

Le 2 octobre, Mimmo Lucano, le maire de Riace (Calabre, Italie), est arrêté, accusé d’avoir « favorisé l’immigration clandestine ». En réalité, une arrestation en représailles à l’action du maire qui s’était mis en grève de la faim cet été pour protester contre la politique migratoire inhumaine du gouvernement italien. La solidarité devient donc un délit, comme le rappelle le scandale, ce printemps, des « 3+4 de Briançon », et de tant d’autres répressions en France, en Suisse et ailleurs.

À ce jour, plus de 9000 personnes dans le monde ont signé un appel lancé par solidaritéS, Potere al Popolo Suisse et un groupe de responsables syndicaux de différentes fédérations de Genève, exigeant la remise en liberté immédiate de Mimmo Lucano. Parmi elles, des maires et des autorités de villes ou de régions en France (la municipalité de Tarnac a voté à l’unanimité pour soutenir l’appel), mais aussi en Suisse, en Grèce, en Italie. On compte également des député·e·s français·es (Clémentine Autain), des conseillers·ères nationaux·ales (Lisa Mazzone ou Laurence Fehlmann Rielle), ainsi que des député·e·s européen·ne·s comme Miguel Urban (Podemos). Et des syndicalistes de nombreux pays, des porte-paroles politiques comme Olivier Besancenot du NPA (France), des membres de diverses organisations, des intellectuel·le·s (Etienne Balibar, Noam Chomsky, Enzo Traverso), des femmes et des hommes du monde de la culture (Rokhaya Diallo, La Parisienne libérée), des éditeurs·trices comme Rémy Toulouse (La Découverte), et des écrivain·e·s et traducteurs·trices comme Serge Quadruppani ou Gérard Mordillat.

Mais le gouvernement italien continue, imperturbable, sa politique. Il a récemment décidé de mettre un terme au « système Riace » et a validé le transfert de 600 migrant·e·s de la ville vers des centres d’« accueil ». La bataille n’est pas près de s’achever.

Un pavillon pour l’Aquarius

Autre scandale: le maintien à quai de l’Aquarius depuis que le Panama lui a retiré, il y a une dizaine de jours, son pavillon (l’équivalent d’un passeport permettant de naviguer). Le 9 octobre, 25 000 signatures ont été déposées à Berne afin de demander au Conseil fédéral d’intercéder pour remettre le pavillon suisse à l’Aquarius et lui permettre de repartir en mer. Rappelons que depuis 31 mois, les 230 opérations de l’Aquarius ont permis de sauver près de 30 000 vies.

La Suisse, élève modèle dans l’application des renvois Dublin et dans l’enfermement des demandeurs·euses d’asile, aurait-elle enfin un rôle positif à jouer dans la catastrophe humaine que représente l’exil aujourd’hui? Nous ne pouvons que l’espérer.

Les migrant·e·s, ces boucs émissaires

Le 26 septembre, les revues Regards, Politis et Médiapart lançaient une pétition pour dénoncer les discours prônant le tarissement des flux migratoires comme une solution à tous les malheurs de l’Europe. L’occasion de rappeler l’utilité, pour les technocrates du capitalisme, de pointer du doigt les migrant·e·s.

La pétition évoque, entre autres, deux éléments fondamentaux du système capitaliste. Premièrement, il permet et encourage la libre circulation des marchandises et des capitaux, et seule la main-d’œuvre ne peut pas se déplacer librement. Deuxièmement, la surveillance, l’enfermement, les forteresses et les barbelés, les contrôles de plus en plus policiers des migrant·e·s servent à les criminaliser et à produire des clandestins. Car les personnes sans papiers sont corvéables à merci, un avantage indéniable pour le patronat.

Cette pétition dénonce enfin les discours soi-disant de gauche de partis comme #Aufstehen ou une frange de la France Insoumise, qui en viennent à soutenir la fermeture des frontières. Il n’est pas possible de s’y tromper: cette position ne peut qu’alimenter le jeu des capitalistes et de la droite xénophobe tout en continuant à laisser les victimes des inégalités payer la facture.

Aude Martenot

Signez l’appel pour la remise en liberté immédiate de Mimmo Lucano: bit.ly/appel-mimmo