Iran Irak Liban

les manifestations populaires se poursuivent !

En représaille à l’assassinat de Qassem Soleimani, l’Iran a lancé des missiles balistiques sur des bases américaines en Irak, faisant des victimes irakiennes et non états-uniennes. Cependant, les efforts du régime iranien et de ses alliés en Irak et au Liban pour tenter de faire dérailler ou de mettre fin aux manifestations n’ont pas réussi à atteindre leurs objectifs.

Dessin de Brady Black en hommage aux blessé·e·s des manifestations des 18–19 janvier à Beyrouth.

En Iran de nouvelles mobilisations massives

En Iran, de nouvelles manifestations de grande ampleur sont survenues après la reconnaissance par le gouvernement iranien de sa responsabilité, qu’il a dans un premier temps démenti, dans le crash d’un avion ukrainien au-dessus de Téhéran. Un missile iranien a abattu par erreur l’avion civile, quelques heures après les attaques de missiles iraniens contre des bases américaines en Irak. La grande majorité des 176 passager·ère·s de l’avion ukrainien étaient des Iranien·ne·s ayant la double nationalité, qui rendaient visite à leur famille pendant les vacances d’hiver et retournaient au Canada ou en Grande-Bretagne.

Tout en maintenant la pression sur l’Iran, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a mis en cause les États-Unis, déclarant lundi que sans la récente escalade des tensions régionales, les 176 passager·ère·s du Boeing ukrainien seraient encore en vie.

Les manifestant·e·s à Téhéran et dans de nombreuses villes du pays ont exprimé leur solidarité avec les familles en deuil des passager·ère·s et de l’équipage, et ont également lancé des slogans hostiles contre les dirigeants de la République Islamique d’Iran et du Corps des Gardiens de la Révolution (Pasdaran), y compris le Guide Suprême Ali Khamenei, aux cris de « Mort au Dictateur ». Les portraits de Soleimani ont également été déchirés, brisés et enlevés par les manifestant·e·s, tandis que la demande de la chute de Khamenei et du régime retentissait dans les rues. La répression a été violente avec l’arrestation de plus d’une trentaine de personnes et des vidéos sur les réseaux sociaux montrant la police réprimant des manifestant·e·s avec des matraques et des coups de feu, faisant de nombreux blessé·e·s.

Des artistes et des intellectuel·le·s se sont joints à la protestation en annulant leur participation aux festivals de Fajr (musique, cinéma, théâtre et arts visuels) qui ont lieu chaque année en février, à l’occasion de l’anniversaire de la révolution islamique.

Face aux manifestations contre le régime, Ali Khamenei, guide suprême de la République Islamique d’Iran, a répondu par un discours de fermeté contre les Etats-Unis et les états européens, et contre la contestation populaire, tout en louant le rôle des gardiens de la révolution iranienne et le général Soleimani, dans le maintien de la sécurité dans la région et dans le pays. De son côté, Rohani, président de la République islamique d’Iran, a tenu un discours plus modéré en plaidant pour une meilleure gouvernance et davantage de pluralisme et de transparence.

Irak et Liban, la résistance populaire se maintient

Au Liban et en Irak, les manifestations populaires continuent également, même si la répression augmente.

En Irak, l’Iran et ses alliés dans le pays tentent toujours de détourner le mouvement de contestation populaire en limitant leur demande au départ des troupes états-uniennes, sans aucun changement du système politique confessionnel et néolibéral irakien. Le leader fondamentaliste islamique chiite Moqtada Sadr a notamment appelé à une manifestation massive pour dénoncer la présence américaine en Irak et demandé à ses supporters (qui ont participé aux protestations et installé des tentes sur la place principale de Bagdad) de quitter les lieux pour rejoindre son mouvement.

Malgré les pressions et les menaces, les manifestations et les actions de désobéissance civile se poursuivent à Bagdad et dans de nombreuses villes du sud, tout en dénonçant les actions des Etats-Unis et de l’Iran qui cherchent à transformer le pays en une zone de règlement de compte au détriment des classes populaires du pays et de leurs luttes.

Au Liban, la révolte populaire contre la classe dirigeante confessionnelle et néolibérale est entrée dans son quatrième mois de lutte, avec une nette tendance à la radicalisation, comme en témoignent les attaques presque quotidiennes contre le siège de la Banque du Liban et d’autres banques privées, et les altercations de plus en plus violentes avec les forces de l’ordre. La répression s’est considérablement renforcée contre les manifestant·e·s, avec plusieurs centaines de blessé·e·s lors du weekend du 18–19 janvier. En même temps, les classes populaires au Liban font face à une crise économique de plus en plus grave, avec notamment des restrictions bancaires draconiennes et une perte de plus de 60 % de la valeur de la monnaie nationale.

Face aux tensions géopolitiques instrumentalisées par la puissance impérialiste des États-Unis et des puissances régionales telles que l’Iran, les classes populaires en lutte restent la boussole des progressistes et internationalistes à travers le monde.

Joe Daher