Une nouvelle ère politique au Kosovo

Le mouvement Vetëvendosje (Autodétermination), qui se présente comme « un parti social-démocrate », a fait l’objet d’un véritable plébiscite en remportant les élections législatives avec 48 % des suffrages.

Partisan·ne·s de Vetëvendosje portant de ballons, Pristina, 12 février 2021
Partisan·ne·s de Vetëvendosje, Pristina, 12 février 2021

Une victoire sans précédent dans l’histoire politique du jeune État balkanique. Un cri d’espoir dans un pays gouverné pendant plus de 20 ans par une classe politique qui a imposé le népotisme, le clientélisme et la corruption comme la norme. Ce sont précisément les échecs successifs des gouvernements précédents et la volonté clairement établie du parti de Vetëvendosje de lutter contre la corruption et de mettre en place des politique sociales qui l’ont hissé comme la principale force politique du Kosovo.

Albin Kurti et Vjosa Osmani

Albin Kurti, un brillant orateur issu de la gauche radicale, est un personnage central du parti Vetëvendosje. Il est connu notamment pour avoir été emprisonné dans les geôles serbes à la fin de la guerre du Kosovo en raison de son activisme dans les mouvements estudiantins.

En février 2020, Albin Kurti avait été nommé premier ministre au sein d’un gouvernement de coalition avec la Ligue démocratique du Kosovo0 (LDK), un parti de centre droit. Toutefois, son gouvernement tombe en pleine pandémie après 52 jours, suite à une motion de censure initiée par son partenaire de coalition. En effet, Albin Kurti prévoyait de remplacer la taxe de 100 % des produits serbes instaurée par son prédécesseur, par un traitement réciproque de leurs relations commerciales. L’administration Trump, en désaccord avec ces modalités, a fait pression sur la LDK pour faire éclater le gouvernement de coalition.

Un gouvernement illégitime est ensuite élu, sans le vainqueur des élections. Ce coup d’État institutionnalisé orchestré, également par la cour constitutionnelle du Kosovo, a eu pour effet de donner du crédit à Vetëvendosje. En outre, Vjosa Osmani, la tête de liste du LDK, fermement opposée à la motion de censure sera, quant à elle, démise de toutes ses fonctions au sein de son parti politique. 

Elle rejoint la liste d’Albin Kurti pour les élections législatives de 2021, en compagnie de neuf de ses partisans du LDK afin de contrecarrer tous les plans empêchant Vetëvendosje d’accéder au pouvoir.

La chute du gouvernement d’Albin Kurti aura raison des partis politiques ayant signé la motion de censure. La LDK est réduite à un score de 13 %, près de la moitié des voix obtenues lors des élections précédentes. Quant au Parti démocratique du Kosovo (PDK), le principal parti responsable du chaos politique régnant au Kosovo depuis l’indépendance en 2008, il se voit attribuer 17 % des suffrages. 

Ce chiffre, le plus faible depuis la création du parti, est en partie dû à l’emprisonnement des deux figures majeures du PDK, accusées de crimes de guerre, sous les verrous à La Haye depuis novembre 2020.

Une aspiration populaire pour le changement

L’alliance entre Albin Kurti et Vjosa Osmani a séduit de nombreux·euses électeurs·trices désireux·ses de profonds changements politiques, sociaux et économiques, mais aussi un renouvellement de leurs représentant·e·s politiques. Dans leur majorité, la diaspora, la jeunesse et les femmes (à 61 %) ont voté pour le parti Vetëvendosje. 

Vetëvendosje entend en finir avec l’ancien régime en répondant à des priorités sociales, comme assurer la gratuité des frais de scolarité pour les étudiant·e·s, des congés parentaux et des services de protection sociale notamment pour les mères célibataires et les personnes âgées. 

Le défi est de taille pour le nouveau binôme. En effet, les institutions du Kosovo demeurent fragiles, les privatisations abusives durant plusieurs années ont coupé l’herbe sous le pied des ressources du pays et un taux de chômage de 40 %, poussent les jeunes à émigrer.

Sur la scène internationale, le Kosovo est également empêtré depuis de nombreuses années dans un dialogue avec la Serbie, mené par l’Union européenne, dans le but de normaliser leurs rapports. Toutefois, le jeune État est constamment amené à faire des concessions alors que la Serbie ne reconnaît toujours pas l’indépendance du Kosovo. 

Nombreuses sont les tentatives de s’immiscer dans sa politique interne, par le biais notamment de la Liste Serbe, un parti politique dirigé par Belgrade qui a manipulé les votes des minorités pour s’accaparer les sièges assurés par la Constitution.

Le dialogue avec la Serbie ne demeure pas une priorité pour Albin Kurti, qui s’est pourtant exprimé en faveur d’un dialogue avec la communauté serbe au Kosovo.

Les autorités du Kosovo avaient pour défi de construire un État de droit et démocratique, pourtant la trajectoire du Kosovo est celle d’une désillusion constante. Les attentes populaires sont donc énormes après la victoire du Vetëvendosje. 

Edon Duraku