Swissport
Quand l’État sert la soupe au capital !
Cet entretien avec Jamshid Pouranpir, secrétaire au Syndicat des Services Publics de l’Aéroport, permet de mettre en lumière la complicité de l’État avec une multinationale avide de profits, mais aussi de conforter l’urgence d’une réponse écosocialiste.
Depuis début décembre, Swissport, leader mondial de l’assistance aéroportuaire, tente de profiter de la crise pour imposer un nouveau contrat de travail défavorable aux salarié·e·s. Après plusieurs belles mobilisations, le Conseil d’État a nommé un médiateur afin de tenter de trouver une solution au conflit social. Où en êtes-vous ? Les pourparlers sous l’égide du médiateur n’ont pas abouti et le personnel a refusé la proposition patronale. Ensuite, le Conseil d’État a saisi la Chambre des relations collectives de travail pour tenter une conciliation ou d’émettre une recommandation. Selon les règles en vigueur, nous sommes tenu·e·s de ne pas communiquer dans l’attente de la clôture de ce processus.
C’est quand même incroyable qu’un sous-traitant d’un aéroport public ne puisse être contraint par l’État de garantir les droits de ses employé·e·s. La signature d’une Convention collective de travail avec les syndicats devrait être une obligation pour une entreprise privée qui obtient une concession publique. Tu me le disais lors d’une manifestation, cette concession qui est renouvelée régulièrement attire nombre de multinationales qui se battent pour bénéficier des revenus de cette activité (le chiffre d’affaires de Swissport est par exemple supérieur à 3 milliards d’euros). Dans la mesure où cette activité est rentable et que, dans le même temps, le privé ne garantit pas des droits dignes à ses employé·e·s, pourquoi l’État ne l’internalise pas ? C’est le sens de notre revendication. Ce qui est possible à Paris ou à Munich, deux aéroports qui traitent l’assistance au sol par leurs propres moyens, doit être possible à Genève. Par ailleurs, feu Swissair faisait de même. La libéralisation est le maître mot de nos dirigeant·e·s. L’État de Genève ne s’en souciera que si les conflits sociaux prennent de l’ampleur. Dont acte…
En parallèle au conflit chez Swissport, l’État de Genève s’apprête à injecter 200 millions en faveur de l’Aéroport. Est-ce que le Syndicat a demandé que ce prêt soit conditionné à des exigences de mieux disant social ? Oui. Notre Syndicat a écrit aux député·e·s pour demander la création d’un fonds social en faveur des travailleuses et travailleurs de l’Aéroport. Alors que des centaines de personnes sont tombées dans la précarité, les directions de l’Aéroport et des multinationales qui y sont actives ont délaissé les plus précaires depuis bientôt un an. Des millions de deniers publics ont pallié les salaires des employé·e·s. Plusieurs entreprises ont pourtant licencié du personnel contrevenant ainsi au but des RHT. Aucune aide ne doit servir ces entreprises qui ont des finances opaques, qui taillent dans la protection sociale et qui pratiquent la sous-enchère salariale.
La direction de l’Aéroport échappe à tout contrôle démocratique. Les scandales n’ont pas manqué d’entacher sa réputation durant ces dernières années. Pour cette raison et pour garantir un réel contrôle des conditions salariales, nous avons proposé aux député·e·s d’exiger une prise en main de la direction de l’Aéroport par le Conseil d’État.
Ton syndicat participe, avec d’autres, au collectif Urgence Convergences ou aux actions pour une sortie de crise qui n’oublie personne de la CGAS. Dans ces collectifs, la prise en compte de l’urgence climatique développée notamment par les jeunes de la Grève du Climat est fortement présente. Comment le SSP intègre ces nouvelles exigences du mouvement syndical tout en continuant à défendre l’emploi et les conditions de travail dans un secteur aussi polluant que l’aéroportuaire ? Nous restons convaincu·e·s que les casses climatique et sociale ont toujours les mêmes responsables. Nous ne voulons pas de la concentration des profits ici et les déchets polluants ailleurs. Pour nous, de nombreux emplois sont condamnés si on en juge sur le trafic aérien prévu durant les prochaines années et des objectifs de Green deal pour ne pas mentionner l’initiative « Pour un pilotage démocratique de l’Aéroport » acceptée par le souverain en novembre 2019.
Le transport est un bien commun de la population, trop sérieux pour le livrer aux appétits des multinationales. Qu’il soit aérien ou terrestre, le transport doit être garanti par les pouvoirs publics. Il faut revenir aux trains de nuit, développer des transports non-polluants et faire le deuil d’un week-end dans une mégapole européenne.
Nous faisons la promotion de la reconversion professionnelle. Le personnel actif à l’Aéroport détient des compétences de haut niveau recherchées dans d’autres branches économiques. L’État a un rôle moteur à jouer pour la reconversion professionnelle des emplois perdus à l’Aéroport.
Propos recueillis par Thomas Vachetta