Du bon usage de l’internationalisation

Du bon usage de l’internationalisation

Pendant
un débat dans une université aux États- Unis, le
ministre de l’Éducation brésilien
Cristovam Buarque, fut interrogé sur ce qu’il pensait au sujet de l’internationalisation de
l’Amazonie, proposée par les USA. Le jeune étudiant américain commença
sa question en affirmant qu’il espérait une réponse d’un humaniste et
non d’un Brésilien. Nous publions ci-dessous de larges extraits de la
réponse du ministre, que la presse américaine a
soigneusement ignorée.

«En
effet, en tant que Brésilien je m’élèverais tout simplement contre
l’internationalisation de l’Amazonie. Quelle que soit l’insuffisance de
l’attention de nos gouvernements pour ce patrimoine, il est nôtre.

En
tant qu’humaniste, conscient du risque de dégradation du milieu ambiant
dont souffre l’Amazonie, je peux imaginer que l’Amazonie soit
internationalisée, comme du reste tout ce qui a de l’importance pour
toute l’humanité. Si, au nom d’une éthique humaniste, nous devions
internationaliser l’Amazonie, alors nous devrions internationaliser les
réserves de pétrole du monde entier.

Le pétrole est aussi
important pour le bien-être de l’humanité que l’Amazonie l’est pour
notre avenir. Et malgré cela, les maîtres des réserves de pétrole se
sentent le droit d’augmenter ou de diminuer l’extraction de pétrole,
comme d’augmenter ou non son prix. De la même manière, on devrait
internationaliser le capital financier des pays riches. Si l’Amazonie
est une réserve pour tous les hommes, elle ne peut être brûlée par la
volonté de son propriétaire, ou d’un pays. Brûler l’Amazonie, c’est
aussi grave que le chômage provoqué par les décisions arbitraires des
spéculateurs de l’économie globale. Nous ne pouvons pas laisser les
réserves financières brûler des pays entiers pour le bon plaisir de la
spéculation. […]

Si les États-Unis veulent internationaliser
l’Amazonie à cause du risque que fait courir le fait de la laisser
entre les mains des Brésiliens, alors internationalisons aussi tout
l’arsenal nucléaire des États-Unis. Ne serait-ce que par ce qu’ils sont
capables d’utiliser de telles armes, ce qui provoquerait une
destruction mille fois plus vaste que les déplorables incendies des
forêts brésiliennes. Au cours de leurs débats, les actuels candidats à
la présidence des États-Unis ont soutenu l’idée d’une
internationalisation des réserves forestières du monde en échange d’un
effacement de la dette. Commençons donc par utiliser cette dette pour
s’assurer que tous les enfants du monde aient la possibilité de manger
et d’aller à l’école. Internationalisons les enfants, en les traitant,
où qu’ils naissent, comme un patrimoine qui mérite l’attention du monde
entier. Plus encore que l’Amazonie. Quand les dirigeants du monde
traiteront les enfants pauvres du monde comme un patrimoine de
l’humanité, ils ne les laisseront pas travailler alors qu’ils devraient
aller à l’école, ils ne les laisseront pas mourir alors qu’ils
devraient vivre. En tant qu’humaniste, j’accepte de défendre l’idée
d’une internationalisation du monde. Mais tant que le monde me traitera
comme un Brésilien, je lutterai pour que l’Amazonie soit à nous. Et
seulement à nous!»