La droite sabre les droits de l'opposition au parlemen

La droite sabre les droits de l´opposition au parlement

Au Grand Conseil genevois, la droite a refusé l’élection à la vice-présidence (et à la présidence l’an prochain) du vert Antonio Hodgers, sous prétexte de sa participation à la manif anti-G8 en juin. Pour justifier ce «coup de force», selon les termes du radical Kunz, on aura tout entendu: des explications sur le caractère peu «rassembleur» du candidat aux invectives UDC le traitant de… «terroriste»! Ce sont bien sûr des prétextes, Antonio Hodgers ayant, par le passé, péché moins par engagement altermondialiste radical, que par penchant pour le consensus. Comme en 2001 suite à la manif interdite contre le World Economic Forum à Davos, après laquelle – comme membre du bureau du parlement – il avait accepté que celui-ci reçoive le boss du WEF, Klaus Schwab pour un «dialogue» avec ce représentant des multinationales.


Le fond de l’affaire, Kunz l’a dit au Temps: «La droite a le pouvoir à Genève, elle doit assumer…». De 1993 à 97, sous le gouvernement «monocolore», c’était la même chanson, mais alors la droite se sentait portée par un vent néolibéral qu’elle défendait ouvertement. Aujourd’hui, elle a plus de peine à affirmer publiquement son projet politique. Elle a vu que nous pouvons gagner des batailles, quand les cartes ne sont pas trop pipées, de l’échec des privatisations prévues sous le monocolore, à l’acceptation par le peuple du principe de notre initiative pour une contribution de solidarité des grandes fortunes et bénéfices, en passant par la mise en échec de la LME visant la privatisation de l’électricité…

Loi du bâillon pour l’opposition

Ainsi son but aujourd’hui est d’abord de bâillonner et délégitimer toute opposition. L’affaire de la présidence du Grand Conseil n’est que la pointe d’un iceberg inquiétant. La droite genevoise – appuyée sur l’UDC – s’en prend aux règles du jeu parlementaire. Cela va des attaques sur le caractère «inadmissible» de venir en plénum avec des amendements à un projet, à un bidouillage constant du règlement du Grand Conseil, pour limiter l’expression de l’opposition.


Cette entreprise là est moins visible que l’affaire, symbolique, de la présidence du Grand Conseil, mais se traduit par des «réformes» dangereuses, présentées comme «neutres» et motivées par un souci d’«efficacité». Le Grand Conseil vient ainsi de supprimer les interpellations urgentes permettant d’obliger le Conseil d’Etat à répondre immédiatement aux questions de député-e-s. Dans un premier temps, l’idée était de les «rationner» avec, plutôt que deux interpellations par député, une seule par groupe. Mais cette possibilité réduite de se confronter à l’Exécutif a été jugée trop large encore et les interpellations urgentes sont rayées des droits des député-e-s, qui devront se contenter de questions écrites avec réponse ultérieure du Conseil d’Etat.


Autre mesure grave: la suppression du débat de «préconsultation» sur tout projet de loi. Ce bref débat, d’entrée en matière permettait au public d’avoir connaissance d’un projet et des positions des partis à son sujet, donnant la possibilité aux secteurs concernés, de se mobiliser, de demander à être entendus, etc. Il est éliminé au profit d’un renvoi immédiat de tout projet de loi en commission. Or, un projet renvoyé peut dormir dans les tiroirs pour un temps indéterminé, comme nombre de nos propositions sous la majorité monocolore. Ainsi c’est la majorité de droite qui décidera quels sont les projets qui accéderont aux débats publics en plénière.

Majorité dopée dans les commission?

Dans la foulée, les libéraux ont tenté de modifier jusqu’aux équilibres issus de l’élection du parlement en changeant les règles de représentation des partis dans les commissions. Au motif notamment de «limiter les conséquences d’un absentéisme compréhensible», celui des bourgeois qui ont des activités plus lucratives que leur mandat parlementaire, ils ont proposé – selon les termes du rapporteur – un «nouveau système permettant aux groupes composant la majorité de concrétiser leur avantage de manière plus marquée dans les commissions couvrant leurs domaines d’action prioritaire». En clair, de rajouter un député de droite dans les commissions qui les intéressent, pour limiter les «dissidences» possibles et bétonner leur majorité…


Mais ce n’est qu’un début, la droite du bureau a déposé un projet visant à pouvoir liquider tout projet de loi, sans avoir à le renvoyer en commission, sans non plus de discussion immédiate: un vote sans débat et tout projet de l’opposition pourra se retrouver à la poubelle. Pour les motions et résolutions, les mêmes proposent de supprimer les débats, remplacés par une prise de position par groupe.


Et l’escalade continue, un nouveau projet Entente-UDC vient d’être déposé supprimant le droit de parole pour tous les député-e-s, le remplaçant par un quota de temps de parole par groupe: 10 minutes par exemple pour le premier débat sur tout projet de loi, les rapporteurs ne pourront défendre leurs rapports que 5 minutes seulement. Au lieu d’être la tribune d’un large débat public, le «parlement» rêvé des bourgeois est une chambre d’enregistrement de leurs diktats. Par-delà les droits des député-e-s, c’est ceux des citoyen-ne-s qu’on attaque. Un débat parlementaire vigoureux, relayé dans les médias, est en effet une étape nécessaire pour tout référendum. Mais c’est aux droits populaires eux-mêmes auxquels la majorité de droite va s’en prendre directement: un avant-projet de loi libéral circule qui vise le droit de pétition, celles-ci ne feraient plus l’objet de rapports et de débats en plénière du parlement… La droite a peur de la démocratie, c’est un signe de faiblesse! A nous de nous mobiliser pour lui faire barrage…


Rémy PAGANI