Tunisie: rassembler la gauche contre la dictature

Tunisie: rassembler la gauche contre la dictature

Nous publions ici de larges extraits d’une déclaration signée par vingt-trois militant-e-s de la gauche tunisienne, en marge du Sommet mondial de la société de l’information, qui dénonce la dictature, ses liens avec l’impérialisme et son bilan social et démocratique désastreux. Ils/elles revendiquent une mobilisation commune en vue d’un processus constituant qui lie inextricablement les droits sociaux et démocratiques de l’ensemble de la population, en particulier des masses exploitées et des femmes. Le texte complet de cet appel se trouve sur le site de notre journal (www.solidarites.ch).

La dictature tunisienne vient de fêter le 18e anniversaire de son putsch originel (…). L’héritage de ces années est lourd de la soumission complète du pays à l’ordre des puissances impérialistes, d’une exploitation et d’une répression qui ont marqué tous les aspects de la vie économique, politique, sociale, culturelle et éducative.

Les liens rattachant le pays au capital monopoliste mondial et la cession pure et simple de son économie, de l’ensemble de ses richesses et potentialités à celui-ci à travers l’adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce ne cesse de se renforcer. Il en va de même de la souscription à la convention abusivement nommée «Traité d’association» avec l’Union Européenne.

Le sommet mondial pour la société de l’information, qui vient de se tenir à Tunis, n’est d’ailleurs qu’une étape (…) de cette période de déploiement du capitalisme mondialisé, où les technologies de l’information constituent l’un des axes principaux sur les plans économique, culturel et politique. Le gouvernement tunisien a d’ailleurs choisi de se limiter au rôle d’hôte et d’organisateur de l’accueil de ce sommet (…). La presse officielle n’a en effet à aucun moment abordé ne serait-ce qu’une proposition ou une prise de position quant à l’ordre du jour du sommet ou quant aux enjeux de coopération entre pays soumis à la domination néo-coloniale, premières victimes du système mondialisé de l’information.

La transformation du pays en une zone de libre échange économique s’est traduite par la destruction méthodique du tissu économique local, par la mise en faillite de milliers de petites et moyennes entreprises et la disparition d’une multitude de métiers artisanaux. La privatisation des institutions et des sociétés publiques n’est qu’un pillage des plus acharnés jamais connu en Tunisie. En outre, l’abandon par l’Etat de l’essentiel des prestations et services sociaux a remis en cause la gratuité de l’enseignement et a fortement alourdi la part salariale des dépenses et cotisations de la couverture sanitaire. Enfin, les secteurs de l’enseignement, de la santé, du logement et du transport ont été complètement livrés à la privatisation et à la spéculation.

La dégradation continue du pouvoir d’achat des salarié-e-s, l’élargissement et la féminisation du champ de la marginalité et de la grande pauvreté, le licenciement de milliers de personnes, la précarisation généralisée des conditions de travail, l’augmentation massive du chômage et son extension à des milliers de titulaires de diplômes universitaires, l’explosion du phénomène de l’émigration clandestine et des embarcations de la mort, l’expansion de la criminalité et de la violence, l’augmentation de la pratique de la prostitution et de l’usage de stupéfiants… Toutes ces évolutions sont à inscrire au bilan de la dictature (…).

L’effort pathétique engagé par la dictature en vue de satisfaire l’impérialisme états-unien – parcitipation au projet du Grand Moyen-Orient et approfondissement du processus de normalisation des relations avec l’entité sioniste – est illustré aujourd’hui par l’invitation adressée au criminel de guerre Ariel Sharon et à ses représentant-e-s à participer au sommet de Tunis et par la répression qui s’est abattue sur les masses tunisiennes leur interdisant de manifester leur soutien à la résistance nationale en Irak et en Palestine.

Tout cela est rendu possible par le quadrillage policier de la totalité de l’espace public (université, quartiers populaires, locaux syndicaux, locaux associatifs, espaces culturels et de loisirs, etc.) (…) Afin d’ériger ce lourd édifice, la dictature s’est appuyée sur les réseaux de corruption institutionnelle et sur l’hypertrophie monstrueuse de l’appareil sécuritaire. (…)

Le combat contre la dictature ne peut prendre toute son ampleur qu’à travers un programme de lutte démocratique et populaire se basant sur une Constitution démocratique nouvelle garantissant les libertés publiques et individuelles, où les droits civils et politiques sont liés aux droits sociaux, économiques et culturels de l’ensemble des classes populaires exploitées; et assurant une citoyenneté entière à chacun sur la base d’une égalité totale et effective entre les sexes dans tous les domaines y compris l’héritage, rompant ainsi avec le système masculiniste et patriarcal.

Les fondements de cette Constitution doivent être la laïcité de l’Etat et de la société, et elle doit être promulguée par une assemblée constituante qui fonde le principe de souveraineté populaire et qui produit les lois garantissant la liberté de culte, de pensée, d’organisation, de manifestation, d’information et de communication, de réunion et de déplacement.

Le rassemblement des militantes et des militants de gauche autour de telles positions partagées est le prologue à la construction d’un mouvement populaire opposé à l’impérialisme, au sionisme et aux réactionnaires.

Pour une gauche unifiée: Anis Mansouri (militant de la gauche anti-capitaliste et internationaliste, Suisse), Chikri Beaid, avocat, Jalel Zoghlami, journaliste indépendant, Mohammed Azouzi, syndicaliste, Abdelrahmane Hedhili, activiste des droits humains, Mongia Hedfi, féministe syndicaliste, Nizar Amami, directeur du RAID-ATTAC, Afifa Ben Souissi, féministe et syndicaliste, Adel Gh’Zala, éducateur spécialisé, Habib Trifi, syndicaliste, Mohammed Ben Henda, militant associatif, Suisse, Faouzi Ben M’Rad, avocat, Abdebnasser Aouini, étudiant, Kamel Zaghbani, romancier et universitaire, Habib Ammar, syndicaliste, Khemais Chafi, syndicaliste, Wassila Ayachi, féministe syndicaliste, Sami Souihli, médecin généraliste, Abdelwahed Hamri, syndicaliste, Moncef Ge douar, militant du MIB, France, Faouzi Hadhbaoui, syndicaliste, Chedly Zayed, juriste militant associatif à l’étranger, Najib Zoghlami, retraité militant.