Inspirons-nous de la constitution bolivienne!

La Bolivie traverse un processus de refonte constitutionnelle complète, pour permettre un développement équilibré du pays et mieux garantir les droits individuels, le développement social et les droits des peuples indigènes. Un texte définitif est aujourd’hui disponible, qui sera sans doute soumis au vote populaire en janvier 2009.

 

Certains aspects de cette nouvelle constitution sont spécifiquement locaux – ainsi la question des droits des nations indigènes. D’autres méritent d’être examinés soigneusement par le constituant genevois, qui devrait s’en inspirer. Voici quelques exemples concrets de règles qui pourront être incorporées à la future Constitution genevoise:

 

LE DROIT À L’ENVIRONNEMENT

 

La nouvelle Constitution bolivienne est novatrice en ce sens qu’elle garantit à chacun le droit de vivre dans un environnement sain, protégé et équilibré. Chaque individu et communautés a le droit d’exercer les actions légales pour défendre son droit à un environnement sain (art. 33 et 34).

 

Ce texte est beaucoup plus avancé que ceux qu’on peut trouver aujourd’hui dans le système suisse, où les autorités ont pour simple mission d’assurer l’équilibre entre homme et nature (art. 72 Cst. Féd.) et de prévenir les atteintes à l’environnement (art. 73 Cst. Féd.). Avec le texte bolivien, c’est non seulement l’Etat qui a une obligation de protéger l’environnement, mais aussi chaque citoyen et chaque collectivité qui a le droit d’agir pour exiger le respect de ce droit. Cette innovation est un modèle qui devrait être repris.

 

Notons par ailleurs que la nouvelle Constitution bolivienne prévoit que l’Etat a l’obligation de promouvoir la production et la commercialisation de produits agricoles écologiques (art. 406). Là aussi, cette règle progressiste serait la bienvenue à Genève.

 

LE DROIT À LA SANTÉ

 

La nouvelle Constitution bolivienne prévoit que l’Etat, à tous ses niveaux, protège le droit à la santé, doit promouvoir des politique publiques orientées vers une meilleure qualité de vie, le bien-être collectif et l’accès de la population aux services publics (art. 35). Le droit à la santé inclut l’accès aux médecines traditionnelles indigènes. L’Etat reconnaît le droit de la population de participer à la gestion du système de santé (art. 40). L’accès au système de santé est gratuit (art. 18). Le droit d’accès aux médicaments ne peut pas être limité par le droit de propriété intellectuelle. Nul ne sera soumis à un examen médical ou à une intervention médicale sans son consentement, sauf cas de danger de mort imminent.

 

Tous ces principes sont bons, novateurs, et inconnus à Genève. L’accès aux médecines indigènes devrait évidemment être adapté pour devenir un accès aux médecines douces. Il semble aussi essentiel d’interdire à l’Etat d’imposer des traitements médicaux, comme cela se pratique encore parfois chez nous en particulier dans le domaine psychiatrique – comment peut-on d’ailleurs prétendre qu’un traitement forcé puisse véritablement être efficace? Enfin, la participation de la population à la gestion du système de santé est essentielle pour décider de l’attribution des ressource et de leur saine gestion dans l’intérêt public.

 

LE DROIT À LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE

 

La nouvelle Constitution bolivienne réussit à formaliser ce qui nous semble intuitivement juste: la propriété privée, individuelle ou collective, est positive dans certains cas mais abusive dans d’autres. Il ne faut pas que la propriété privée soit utilisée de manière improductive ou contraire à l’intérêt public: dans ce cas, elle doit être transférée à l’Etat, qui doit la rendre productive (art. 56 et 57).

 

En Suisse, nous connaissons une protection presque absolue de la propriété privée, quel que soit l’usage qui en est fait. On voit ainsi que certains propriétaires laissent des immeubles entiers vides pendant des années, à des fins purement spéculatives. On voit aussi des brevet qui permettraient de grands progrès dans l’intérêt général, laissés à l’abandon faute d’intérêt économique immédiat.

 

Dans un petit canton comme le nôtre, chaque mètre carré compte! Nous ne pouvons pas permettre à des investisseurs de garder des terrains improductifs. Il faut ancrer dans la nouvelle Constitution genevoise le principe de la propriété privée conditionnée à l’usage utile qui en est fait.

 

LES DROITS SPÉCIFIQUES DE CERTAINES PERSONNES: LES HANDICAPÉS, LES AÎNÉS, LES DÉTENUS

 

Là encore, le constituant genevois trouvera une excellente source d’inspiration dans la nouvelle Constitution bolivienne, qui prend en compte la vulnérabilité de certaines catégories de personnes. Les handicapés se voient ainsi reconnaître le droit à la protection de l’Etat, le droit à l’éducation et au travail (art. 70). Les aînés se voient reconnaître le droit à une vieillesse digne, à la chaleur humaine, et à la protection contre l’abandon (art. 67). Les détenus se voient reconnaître le droit de communiquer librement avec leur famille, sauf restriction exceptionnelle dans les vingt-quatre premières heures de détention (art. 73). Tous ces droits essentiels sont aujourd’hui inconnus à Genève, et sont bafoués au quotidien.

 

Nous avons devant nous une page blanche, profitons-en pour y inscrire le progrès social et le respect des plus vulnérables d’entre nous. Rappelons nous que nous serons tous un jour des aînés, que nous pourrions tous, suite à quelque malheur, être un jour handicapé ou détenu. Protéger les autres, c’est aussi nous protéger nous-même!

 

Ceux qui sont particulièrement intéressés trouveront ci-dessous un résumé du deuxième titre de la nouvelle Constitution bolivienne, relative aux droits fondamentaux:

 

 

LES DROITS FONDAMENTAUX DANS LA NOUVELLE CONSTITUTION BOLIVIENNE

 

1: LES PRINCIPES GÉNÉRAUX (art. 13-14)

 

Le titre II de la nouvelle Constitution prévoit d’abord quelques principes généraux:

 

L’article 13 § II pose ainsi le principe de l’égalité des droits entre eux. La classification des droits établie dans la Constitution n’implique aucun rapport de supériorité d’un droit sur les autres.

 

L’art. 14 § II prévoit que les droits garantis dans la Constitution le sont pour tout être humain. L’Etat interdit toute forme de discrimination fondée sur le sexe, la couleur, l’état, l’orientation sexuelle, l’identité, l’origine, la culture, la nationalité, la citoyenneté, la langue, la religion, l’idéologie, l’affiliation politique ou philosophique, la condition économique ou sociale, le type d’emploi, le niveau d’instruction, le handicap, la grossesse et autres.

 

L’article 14 § III prévoit que l’Etat garantit à toute personne et collectivité le libre et efficace exercice des droits garantis par la Constitution, par la loi et par les traités internationaux.

 

2: LES DROITS « FONDAMENTALISSIMES » (art. 15-20)

 

La nouvelle Constitution prévoit des droits « fondamentalissimes » (derechos fundamentalisimos). Ceux-ci sont:

 

  • le droit à la vie;

  • le droit à l’intégrité physique, psychologique et sexuelle;

  • le droit à ne pas être soumis à la torture ou à d’autres traitements inhumains, cruels, dégradants ou humiliants;

  • l’interdiction de la peine de mort;

  • le droit pour toute personne, en particulier les femmes, de ne pas souffrir de violences physiques, sexuelles ou psychologiques, que ce soit en famille ou en société;

  • la protection contre les disparitions forcées;

  • l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé;

  • le droit à l’eau et à l’alimentation;

  • le droit à une éducation gratuite, à tous les niveaux, dispensée de manière universelle et interculturelle, sans discriminations;

  • le droit à la santé, qui se traduit par l’accès gratuit au système de santé;

  • le droit au logement;

  • le droit à l’accès équitable à l’eau potable et aux égouts, à l’électricité, au gaz, aux postes et télécommunications. Il est précisé que l’accès à l’eau et aux égouts ne peut ni être ni privatisé ni être remis en concession.

 

3. LES DROITS CIVILS (art. 21 à 25)

 

La nouvelle Constitution garantit une série de droits fondamentaux traditionnels qui sont appelés « droits civils » (derechos civile). Ceux-ci comprennent la liberté d’information et d’expression, la liberté et la dignité de la personne, le droit à la liberté et la sécurité personnelle, le droit de pétition, l’inviolabilité du domicile et de la correspondance.

 

 

4: LES DROITS POLITIQUES (art. 26-29)

 

La nouvelle Constitution garantit les droits politiques. Elle prévoit le droit de chaque citoyen de participer à la formation, à l’exercice et au contrôle du pouvoir politique directement ou par l’intermédiaire de représentants, de manière individuelle ou collective. Les étrangers résidant en Bolivie participent aux élections municipales. Le droit d’obtenir l’asile politique est également garantit dans cette section.

 

5. LES DROITS DES NATIONS ET PEUPLES INDIGÈNES ORIGINAIRES (art. 30-32)

 

La nouvelle Constitution garantit les droits des nations et des peuples indigènes et paysans originaires. Chaque peuple a notamment le droit d’exister librement, le droit à son identité culturelle, religieuse, à sa propre vision du monde, le droit à sa libre détermination et à son territoire, le droit à ce que ses institutions fassent partie de l’Etat, le droit à des titres de propriété collectifs sur ses territoires, le droit à vivre dans un environnement sain, le droit au respect, à la promotion et à la propriété intellectuelle de ses connaissances traditionnelles, le droit à une éducation dans sa langue, le droit à un accès à la santé qui respecte les pratiques traditionnelles, le droit à l’exercice de son propre système politique, juridique et économique, le droit d’être consulté pour tout projet le concernant, le droit de participer aux bénéficies de l’exploitation des ressources naturelles situées sur son territoire.

 

6: LE DROIT À L’ENVIRONNEMENT (art. 33-34)

 

La nouvelle Constitution garantit, à ses articles 33 à 76, des droits sociaux et économiques. Le premier droit mentionné est le droit à un environnement propre (art. 33-34), avec un droit d’action judiciaire individuel ou collectif ouvert à chacun.

 

7: LE DROIT À LA SANTÉ ET À LA SÉCURITÉ SOCIALE (art. 35-45)

 

L’Etat, à tous ses niveaux, protège le droit à la santé, promeut des politique publiques orientées vers une meilleure qualité de vie, le bien-être collectif et l’accès de la population aux services publics (art. 35). Le droit à la santé inclut l’accès aux médecines traditionnelles indigènes. L’Etat reconnaît le droit de la population de participer à la gestion du système de santé (art. 40). La Constitution prévoit que le droit d’accès aux médicaments ne peut pas être limité par le droit de propriété intellectuelle. La Constitution prévoit que nul ne sera soumis à un examen médical ou à une intervention médicale sans son consentement, sauf cas de danger de mort imminent. Enfin, la Constitution prévoit le droit à la sécurité sociale, gouvernée par le principe de solidarité. La sécurité sociale est placée sous le contrôle de l’Etat, avec contrôle et participation populaire (art. 45).

 

8: LE DROIT AU TRAVAIL ET À L’EMPLOI (art. 46-55)

 

La nouvelle Constitution garantit le droit au travail et à l’emploi. Ceci implique notamment:

 

  • le droit à un travail digne, sûr, hygiénique et sain, sans discrimination, avec une rémunération équitable, qui permette une existence digne au travailleur et à sa famille;

  • le droit de chacun de s’adonner à un commerce, à une industrie ou à une activité économique licite, à condition que cela ne nuise pas au bien commun;

  • le droit des travailleurs de petites unités de productions de bénéficier du soutien de l’Etat par une politique d’échange commercial équitable et des prix justes pour leurs produits, ainsi que par l’allocation préférentielle de ressources pour stimuler leurs production;

  • la protection de l’Etat pour les formes communautaires de production;

  • en cas de litige, l’inversion du fardeau de la preuve en faveur des travailleurs;

  • la nullité de toute convention par laquelle un travailleur renoncerait à ses droits;

  • l’égalité de sexes en emploi, notamment sur le plan salarial;

  • le droit à la négociation collective;

  • le droit à un salaire minimum qui sera prévu par la loi;

  • le droit des travailleurs et des entrepreneurs de s’organiser en syndicats;

  • le droit de grève;

  • la possibilité de former des coopératives qui doivent notamment fonctionner sur un principe de solidarité et d’équité.

 

9: LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE (art. 56-57)

 

La nouvelle constitution garantit le respect de la propriété privée (art. 56 et ss.). Toute personne a le droit à la propriété privée individuelle ou colletive, aussi longtemps que celle-ci remplit une fonction sociale. La propriété est garantie tant qu’il n’en est pas fait un usage contraire à l’intérêt collectif; l’expropriation s’impose, contre indemnisation, en cas de nécessité ou d’utilité publique ou lorsque la propriété privée ne remplit plus de fonction sociale.

 

Cette question est précisée aux articles 393 et ss., relatifs à la terre et au territoire, pour ce qui concerne la propriété foncière. L’article 397 est essentiel; il prévoit notamment que le travail est la source fondamentale pour acquérir et conserver la propriété foncière. Les propriétaires doivent accomplir la fonction sociale et économique de la terre pour en conserver la propriété. L’article 398, non moins essentiel, interdit de conserver de la terre improductive. L’article précise qu’en aucun cas une personne ne pourra posséder plus de 10’000 ou 5’000 hectares de terre. La limite précise sera déterminée par le peuple dans une question subsidiaire, lors du référendum constitutionnel.

 

10. LA FAMILLE (art. 62-66)

 

La nouvelle Constitution garantit les droits des famille, auxquelles sont assimilées les unions libres stables. Elle prévoit l’obligation des parents d’assurer l’éducation de leurs enfants, avec l’aide de l’Etat

 

11. LES DROITS DES PERSONNES AGÉES (art. 67-69)

 

La nouvelle Constitution garantit les droits des personnes âgées de vivre une vieillesse digne dans la chaleur humaine. L’Etat fournit une rente de vieillesse. L’Etat adopte des politiques publiques pour l’occupation des personnes âgées; il interdit et réprime toute forme de maltraitance et d’abandon des personnes âgées.

 

12. LES DROITS DES PERSONNES SOUFFRANT D’UN HANDICAP (art. 70-72)

 

La nouvelle Constitution garantit les droits de la personne handicapée d’être protégée par sa famille et par l’Etat, d’avoir un accès gratuit à l’éducation et à la santé, de bénéficier de moyens de communication alternatifs, de travailler selon ses capacités et de développer son potentiel individuel.L’Etat adopte des moyens d’action positif pour assurer l’intégration des personnes souffrant d’un handicap.

 

13. LES DROITS DES PERSONNES PRIVÉES DE LIBERTÉ (art. 73-74)

 

La nouvelle Constitution garantit le droits des personnes privées de liberté d’être traitée avec le respect dû à la dignité humaine. La personne privée de liberté a le droit de communiquer librement avec son défenseur, son interprète, sa famille, ses proches. La mise au secret est interdite. Une restriction des communications est possible seulement pour les enquêtes sur des délits (au sens du droit bolivien), et pendant une durée de ving-quatre heures au maximum. Les personnes privées de liberté ont le droit de travailler et d’étudier en détention. L’Etat est responsable de leur réinsertion sociale.

 

14. LES DROITS DES CONSOMMATEURS (art. 75-76)

 

Le chapitre des droits fondamentaux se termine avec le droit des consommateurs à un approvisionnement suffisant et de qualité en aliments, médicaments et autres produits nécessaires. Les consommateurs ont droit à des informations adéquates sur les qualités des produits. L’Etat garantit l’accès à un système de transport intégral dont les modalités devront être déterminées par la loi.

 

Texte intégral disponible sous:

abi.bo/coyuntura/asamblea/nueva_cpe_aprobada_en_grande_en_detalle_y_en_revision.pdf