Incendie au foyer des Tattes: l’État responsable
En novembre 2014, un incendie dans le foyer surpeuplé des Tattes à Genève provoquait la mort d’un requérant d’asile et la défenestration de dizaines d’autres. Ce terrible événement relançait aussi un solide mouvement de solidarité.
En février 2015, le collectif Solidarité Tattes se constituait pour soutenir les personnes affectées par l’incendie, pour comprendre les causes du désastre et réclamer que justice soit faite. Depuis, chaque année en novembre, un rassemblement s’est tenu aux Tattes, sous la plaque apposée au mur du Bâtiment I.
En 2022, le père de Fikre Seghid, le jeune Érythréen mort dans l’incendie, a participé au procès, de même que Steve, toujours affecté dans sa santé physique, avec des douleurs qui ne lui laissent pas de répit ni le jour ni la nuit. Ayop Aziz était également présent, débouté de l’asile et totalement bloqué au niveau de sa formation et de son travail, alors qu’il est une des victimes gravement affectées par cet incendie. Mais à l’issue de ce procès, les victimes se trouvaient toujours sur le banc des accusés et l’État, lui, disculpé.
Dix ans pour la justice
Il aura fallu dix ans pendant lesquels les avocates, Solidarité Tattes (et d’autres associations) et surtout les victimes (une partie d’entre elles, certaines ayant été expulsées) n’ont rien lâché. Pendant toutes ces années, l’histoire a été présentée de telle manière que le principal responsable, le coordinateur incendie de l’Hospice général, en est toujours sorti blanchi. Les avocates ont dû entreprendre une enquête longue et méticuleuse pour faire éclater la vérité.
Début avril 2024, après un ultime épisode du procès, le verdict a été rendu. L’ancien coordinateur incendie a été reconnu coupable en appel d’homicide et de lésions corporelles par négligence. La justice peut-elle donc être rendue dans ce canton? Peut-être bien pour finir. Mais après 10 ans, comment réparer à leur juste valeur, les dommages physiques et psychiques des victimes, abandonnées jusqu’à aujourd’hui? Comment fournir une réparation aux personnes qui ont été renvoyées au fil des années par l’un des responsables même de l’incendie, c’est-à-dire l’État, au prétexte qu’elles n’avaient pas les bons papiers?
Une victoire à fêter, des papiers à exiger!
Aujourd’hui, c’est une victoire que nous devons fêter! Mais n’oublions pas que trop peu de procès tournent en faveur des droits humains, et que trop de procès n’ont pas lieu parce que les personnes n’osent pas ou ne peuvent pas demander justice. Et nous continuons d’exiger des dédommagements pour les sinistrés des Tattes! Et des permis B pour toutes les victimes!
Aude Martenot