Lutter pour la santé, à Genève
Cet été, une délégation de l’Asamblea Popular de Carabanchel, un quartier populaire de Madrid, s’est rendue à vélo depuis Madrid jusqu’à Genève pour réclamer des médecins pour leur centre de santé. Entretien avec Jorge Aranda, l’un des quatre représentant·es de la délégation.
Quelle est la situation sanitaire dans votre quartier?
Situé dans le quartier de Carabanchel à Madrid, le centre de santé Abrantes est le centre de santé de référence pour plus de 30000 personnes. Selon la loi et les besoins de la population, ce centre de santé publique devrait compter au moins 17 médecins de famille et 4 pédiatres. Actuellement, il ne compte aucun pédiatre et à peine la moitié du nombre de médecins de famille requis par la loi.
La lutte et les revendications autour de ce centre de santé durent depuis quatre ans. Fin août 2020, au plus fort de la deuxième vague de la pandémie de Covid 19 à Madrid, les employé·es du centre lui-même ont mis une pancarte sur la porte du centre disant «Il n’y a pas de médecins le matin et l’après-midi». Depuis l’Assemblée populaire de Carabanchel, nous avons compris que cette situation était inacceptable et qu’il fallait y remédier. C’est pourquoi nous avons organisé des manifestations tous les jeudis pour réclamer le personnel médical dont le centre a besoin. Nous avons également recueilli des signatures pour dénoncer cette situation. Nous avons remis plus de 4000 plaintes au ministère de la santé de la Communauté de Madrid. Nous avons occupé à plusieurs reprises le centre de santé. Des habitant·es du quartier ont également dénoncé cette situation devant le tribunal d’instance.
Pourquoi venir à Genève?
Face au refus constant du ministère régional de la santé de résoudre cette situation et en raison de la gravité des faits, nous avons décidé de saisir une instance supérieure. Le gouvernement de la Communauté de Madrid est de la droite extrême, proche des idées de Trump, qui démantèle et étrangle les services publics, pour les remplacer par des services de santé privés. Ce dernier ignore nos demandes et nos droits et n’apporte pas de solutions au problème. C’est ainsi qu’est née l’idée de se rendre à Genève pour porter la situation du manque de personnel médical et des violations constantes de la loi par la Communauté de Madrid à l’attention du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits humains et d’autres agences de l’ONU.
Comment s’est déroulé le voyage?
L’itinéraire a couvert un total de 1653 km en 19 jours, soit un total de 18 étapes avec un jour de repos. Dans de nombreux cas, les températures étaient supérieures à 40°C. Nous avons réussi à terminer ce voyage à vélo grâce aux énormes manifestations de solidarité et de soutien que nous avons reçues tout au long du voyage et à notre propre entraide.
Une solidarité et une affection dont nous avons également bénéficié, et fondamentalement, dans la ville de Genève elle-même. L’accueil, le soutien et la solidarité que nous avons reçus des organisations sociales et politiques de la ville suisse ont été fondamentaux. Sans elles, ce succès aurait été impossible!
Qu’avez-vous fait à Genève?
Nous avons eu des contacts avec des médias suisses intéressés par le voyage. Les organisations syndicales, solidaritéS et la présidente du conseil municipal nous ont également rencontré·es et soutenu·es. Nous tenons également à souligner la collaboration généreuse, enthousiaste et précieuse du CETIM, qui a été fondamentale pour faciliter nos contacts avec les agences de l’ONU.
Nous avons été écouté et reçu par le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les Droits Humains, avec lequel nous espérons collaborer et qui servira à mettre fin à l’impunité des politiques antisociales du gouvernement de droite de la Communauté de Madrid. Nous sommes en train de rassembler et de centraliser des informations et nous explorons différentes pistes d’action. Nous avons également rencontré l’Organisation mondiale de la santé et les missions permanentes de l’Espagne et de la Colombie auprès de l’ONU.
Quel bilan faites-vous?
Nous faisons un bilan très positif de ce voyage dans la mesure où il a eu un écho médiatique en Espagne et qu’il ouvre les portes à l’internationalisation d’un conflit social qui a débuté il y a quatre ans. Nous continuons à combiner cette portée internationale de l’appel aux institutions avec le travail de rue.
Le 12 septembre, nous manifesterons à nouveau dans le quartier de Carabanchel pour réclamer des améliorations pour les centres de santé, et nous avons déjà commencé à effectuer un travail de propagande et d’agitation dans la rue pour donner les moyens à cette manifestation d’être un succès.
Nous devons construire un tissu social et des éléments communautaires pour défendre et gagner des droits sociaux. Nous devons tisser des alliances et des liens entre les peuples afin de favoriser et étendre les luttes pour la défense des droits humains, sociaux et environnementaux.
Propos recueillis par Juan Tortosa