La priorité: les droits humains

La priorité absolue pour l’assemblée constituante devra être de garantir le respect des droits humains. Aujourd’hui à Genève, ceux-ci sont constamment mis en danger.

Le droit le plus fondamental est la protection contre la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants. Genève n’est pas à l’abri de telles violations, comme en témoignent différents rapports (Conseil de l’Europe, experts nommés par le Grand Conseil, Amnesty International) qui dénoncent les exactions fréquentes des policiers, subies par les cibles les plus vulnérables: les jeunes, les étrangers démunis d’autorisations de séjour, les criminels.

Le plus grave n’est pas qu’un policier frappe un citoyen sans besoin légitime –  il y a partout des criminels, y compris dans la police, et nous n’aurons jamais une gendarmerie parfaite. Le plus grave est que la justice genevois traine des pieds lorsqu’il s’agit d’enquêter sur les allégations de violations. La Convention contre la torture prévoit qu’une enquête doit être immédiatement ouverte dès qu’une autorité est informée d’un possible cas de violation. Or, à Genève, c’est aux plaignants de se battre pour faire ouvrir des enquêtes. Le Procureur général, qu’il soit de gauche ou de droite, a tendance à « couvrir » les policiers, qui sont en quelque sorte ses subordonnés. Les citoyens renoncent à déposer plainte et la majorité des affaires sont classées au bénéfice du doute, lequel profite à l’accusé et donc… aux policiers!

Il faut instaurer à Genève une obligation pour l’Etat d’ouvrir enquête sur tous les possibles cas de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants qui parviennent à sa connaissance. Il faut une procédure simple, indépendante d’un éventuel acquittement pénal des policiers, et qui ouvre la voie à une juste indemnisation.

Bien d’autres droits doivent être protégés. Pour certains nos ancètres ont déjà fait le travail mais nous sommes en train de le défaire – par exemple pour l’accès à l’éducation gratuite, ou le droit à la santé. Pour d’autres tout reste à faire – par exemple le droit au logement ou au travail. Je ne prétends pas que c’est chose facile, et qu’il suffirait d’inscrire ces principes dans la future Constitution. J’affirme au contraire que tout l’appareil d’Etat doit être construit autour des droits humains. L’Etat ne se justifie que s’il a pour objectif la réalisation des droits humains.

On objecte parfois qu’il y a trop de droits et pas assez d’obligations. Au contraire. Sur les dizaines de milliers de pages de lois et ordonnances qui façonnent Suisse, l’immense majorité concerne des obligations – fiscales, militaires, environnementales, pénales, etc., et bien peu acccordent des droits au citoyen.

D’ailleurs, on ne peut pas opposer droits et obligations: les droits humains ont pour corrolaire des obligations! Le droit à la vie est en partie garantit par l’interdiction de l’homicide. Mais au lieu de concevoir notre société comme imposant de multiples obligations, nous devons la construire comme garante des droits qui permettent à chacun de s’épanouir.

 

Pierre BAYENET