Pour une démocratie économique

La difficulté des révolutionnaires a souvent été qu’ils souhaitaient mettre la société en cale sèche, comme un navire, afin d’en refaire la coque et le pont. Mais notre république n’a pas de port d’attache: tant qu’elle ne coule pas, nous n’avons d’autre choix que de procéder à des réparations en cours de route. Pas vraiment de révolution, plutôt une évolution.

Le travail est immense puisqu’il y va de notre survie: le système actuel nous mène droit à la catastrophe.

Catastrophe écologique: réchauffement planétaire, pollution chimique de l’air, du sol et de l’eau, bétonnage, l’emprise de l’être humain sur notre planète est en train de l’étouffer. Catastrophe sociale: 2% de la population mondiale possède la moitié de la richesse des ménages. d’un côté la satiété, de l’autre la malnutrition voire la famine. Catastrophe politique: le respect des droits de l’homme est peu à peu relégué aux oubliettes, avec par exemple l’usage autorisé aux Etats-Unis d’Amérique des traitements dégradants pendant la détention de personnes soupçonnées d’actes terroriste.

Je suis candidat à la Constituant car je pense que les solutions aux problèmes globaux se construisent au niveau local. Les solutions qui permettront aux peuples de retrouver leurs souverainetés politiques et économiques doivent être élaborées, testées, améliorées chez nous et ailleurs, avant de pouvoir être appliquées à plus grande échelle.

Genève a déjà fait des pas dans ce sens; des expériences économiques et sociales progressistes prennent place chez nous. Le rôle de la future constitution sera d’encourager ces innovations et d’autres à venir. J’aimerais en citer deux, expliquer pourquoi elles sont importantes et comment elles devraient être encouragées par notre communauté.

 

1) Les coopératives d’habitation. Elles sont bien connues à Genève mais on sous-estime souvent leur importance fondamentale, puisqu’elles permettent à des citoyens d’acquérir leur indépendance vis-à-vis des propriétaires fonciers. Elles favorisent la concertation entre habitants d’un immeuble, la responsabilisation collective et la gestion communautaire. Et surtout, elles coupent court à la spéculation immobilière. Elles sont une tentative réussie de sortir, à petite échelle, du fonctionnement capitaliste du marché du logement dans lequel les propriétaires s’enrichissent aux dépens des locataires.

L’Etat encourage déjà les coopératives mais pourrait faire beaucoup plus. Par exemple, permettre aux locataires d’obliger un propriétaire à vendre l’immeuble dans lequel ils habitent pour crééer une coopérative, à un prix contrôlé par une instance indépendante.

 

2) Les liens directs entre consommateurs et producteurs de produits agricoles. Là aussi, il existe un certain nombre d’initiatives privées bien connues à Genève (Jardins de Cocagne, Affaire Tourne-Rêve, Jardin des Charottons, Cueillettes de Landecy etc.) qui permettent aux producteurs et aux consommateurs de court-circuiter la grande distribution, et d’assurer une production agricole locale de haute qualité, respectueuse de l’environnement (peu de transports, usage nul ou limité des produits chimiques). Alors qu’on trouve sur les étals des fruits et légumes du monde entier, ces systèmes novateurs permettent de manger ce qui est produit chez nous en échappant à la voracité des supermarchés et en diminuant d’autant les dividendes des actionnaires.

L’Etat fait peu de choses pour favoriser ces initiatives qui sont pourtant d’intérêt public. Des prêts, des garanties, un soutien dans la promotion de ces produits locaux, un soutien technique pour le développement de ces systèmes d’échanges: c’est dans ce sens que la communauté se doit d’agir.

 

En résumé, l’Etat doit encourager activement toute activité économique qui favorise l’émancipation et la responsabilisation des citoyens. Notre démocratie politique doit petit à petit se doubler d’une démocratie économique, dans laquelle les consommateurs et les travailleurs gèreront ensemble les entreprises. Dans ce sens, les services publics (SIG, TPG, santé et éducation) sont aussi à réformer car ils sont actuellement gérés selon les modèles développés dans le privé, alors qu’ils devraient être gérés selon le modèle associatif ou coopératif.

C’est un immense chantier; la constituante n’en viendra pas à bout mais permettra de poser les première pierres. La partie sera difficile puisque la droite va à son habitude tenter de favoriser les grandes entreprises existantes, les grands groupes économiques, au détriment de l’économie réelle et locale. Mais nous ne devons pas céder à la paresse: se battre pour un monde meilleur, s’est avant tout se battre pour des relations économiques plus équitables, ce qui commence au niveau local.