Il faut sauver la Maison de la Culture de Saint-Gervais!

 Dans les froides journées de la fin du mois de décembre, le référendum «Sauvons la Maison de la culture de Saint-Gervais!» a démarré en Ville de Genève. Il entend défendre l’héritage de l’ancienne Maison de la culture, soit un foyer d’initiative et de création vivant, indépendant, lié à des enjeux citoyens, et répondant pleinement à la demande du public et des usager-ères. 


Au moment où nous publions cet article, vendredi 16 janvier, ce référendum a déjà recueilli 3000 signatures… Il doit être déposé avec 4000 signatures valables d’ici le 26 janvier. Merci donc à nos lecteurs et lectrices de la Ville de Genève de signer et de faire signer le référendum téléchargeable ici en PDF.

Rappelons que ce référendum s’oppose directement à la suppression de 1,09 million de la subvention de la Fondation Saint-Gervais, destiné au Centre pour l’image contemporaine (CIC), et à son transfert au Centre pour l’art contemporain (CAC), ainsi qu’au Fonds municipal d’art contemporain (FMAC), sans garantie de la poursuite de ses activités.

En clair, il s’agit de refuser aujourd’hui le démantèlement du CIC, un élément emblématique de la culture vivante de ce canton. «Avec lui, disparaîtrait un centre fondé en 1985, qui a popularisé la vidéo et les arts électroniques par des expositions et des biennales, qui a accumulé une collection d’oeuvres unique en Suisse, qui a aidé les artistes et en particulier les jeunes à créer des oeuvres nouvelles. Genève se verrait privée d’un outil pour les jeunes créateurs, les écoles, le public, d’une institution vivante, au rayonnement international avec la Biennale de l’Image en Mouvement (BIM) et Version. Le personnel, les archives et le matériel du CIC seraient dispersés» (extrait de l’argumentaire du référendum).

Mais cette démarche entend aussi défendre le théâtre Saint-Gervais, prochaine victime désignée de la politique de démantèlement de l’ancienne Maison de la culture par la Fondation qui en a la charge, en collaboration étroite avec le Département des affaires culturelles de la Ville de Genève.

Le 19 juin 2007, on se souvient que le magistrat vert Patrice Mugny avait déclaré à la Tribune de Genève: «Il y aurait une certaine logique à ce que Saint-Gervais soit fermé». Il y a moins d’une année, la Présidente libérale de la Fondation lui emboîtait le pas en applaudissant à une motion radicale proposant de déménager le théâtre, dans la foulée du CIC… «L’idée est bonne», confiait ainsi Renate Cornu au gratuit 20 Minutes.

Ce référendum a été lancé par un comité de citoyens et de citoyennes qui s’étoffe de jour en jour (109 membres à l’heure où nous mettons sous presse). Les médias se sont fait l’écho de la présence en son sein de personnalités de tout premier plan comme Jean-Luc Godard…

En vérité, il s’agit d’une association de créateurs, d’enseignant-e-s, de syndicalistes, de militants politiques, d’usagers, de femmes et hommes indignés par une politique culturelle de plus en plus marquée par l’arbitraire, qui gère des volumes, des surfaces et des enveloppes financières à défaut de défendre un véritable projet et d’en débattre ouvertement.

En ce qui concerne les organisations, ce référendum est soutenu à ce jour par solidaritéS, le Syndicat des services publics (SSP), la Commission du personnel de St-Gervais, les Indépendants de gauche, le cinéma Spoutnik, la Maison du peuple de Genève, la Maison Populaire de Genève, Titus et Compagnies, United Black Sheep, la Compagnie des Cris, la Jeunesse Socialiste, le Parti du Travail et le Comité de soutien au CIC…

Pour les enjeux d’ensemble de ce dossier, nous renvoyons à notre précédent numéro (139), que l’on peut trouver en ligne sur le site: www.solidarites.ch.

Jean Batou



A quoi joue la Fondation Saint-Gervais? Le démantèlement du Centre pour l’image contemporaine a été décidé par la Fondation Saint-Gervais (FSG), qui est une fondation de droit privé, indépendante en principe du Département des affaires culturelles (DAC). Cela fait-il sens de le contester par référendum?

La FSG est certes juridiquement une fondation de droit privé, mais elle est financée exclusivement par des fonds publics (90% par la Ville et 10% par le canton). Ses membres sont désignés par les partis représentés au Conseil municipal (1 délégué par groupe, soit actuellement 7), par le DIP (2 délégué-e-s) et par le Conseil administratif (le magistrat responsable du DAS plus 4 délégué-e-s).

A qui peut-on faire croire qu’une fondation dont les membres émanent tous-toutes des partis politiques et des exécutifs municipal et cantonal puisse gérer des fonds publics et prendre des décisions essentielles qui engagent d’autres entités culturelles (le Centre d’art contemporain et la Fondation municipale d’art contemporain) sans en référer aux autorités?

Et si, par hypothèse, la FSG n’avait aucun compte à rendre au DAS, au DIP et au Conseil Municipal, ne devrait-elle pas au moins respecter ses statuts, dont l’art. 2 stipule qu’elle «a pour but d’assurer l’existence à Genève d’une institution culturelle contribuant à l’épanouissement des arts de la scène et de l’image»? Or, elle les a violé de façon évidente en dépeçant le Centre pour l’image contemporaine (CIC) et en menaçant l’existence du théâtre Saint-Gervais.

Le statut de droit privé de la FSG est d’ailleurs absurde, sauf s’il s’agit de permettre à un petit groupe de délégué-e-s des partis et de hauts fonctionnaires de prendre de façon discrétionnaire des décisions irréversibles en matière de politique culturelle, et ceci sur un mode fort peu démocratique, dans le dos des élu-e-s et de la population.

C’est la raison pour laquelle le démantèlement du CIC et le partage de ses dépouilles entre d’autres institutions n’a fait l’objet d’aucun débat sérieux au Conseil municipal, auquel il a été soumis dans le cadre du débat sur le budget d’ensemble de la Ville, âprement négocié, comme «une modification de la subvention à la FSG, transférée sur diverses lignes». Et vive la transparence!

Le lancement d’un référendum contre la modification d’une affectation du budget municipal est une ressource démocratique offerte par la constitution cantonale, fort mal connue d’ailleurs, qui est utilisée pour la première fois dans le canton. Elle va permettre de porter devant la population le débat de politique culturelle que la FSG et le DAC voulaient précisément éviter. (jb)