L’Autonomie corporelle en sursis
De nombreuses analyses féministes ont récemment mis en évidence l’impact disproportionné de la pandémie de Covid-19 sur les femmes, en raison notamment de leurs rôles traditionnels.
Durant la crise sanitaire actuelle, de nombreuses responsabilités sont assumées par les femmes du fait de leurs rôles traditionnels dans la société. Elles sont à la fois les principales dispensatrices de soins dans les sphères publiques et privées, en tant qu’actrices majoritaires du travail de reproduction sociale, et du fait de leur représentation significative au sein du personnel de santé. Dans le même temps, elles doivent faire face à un risque accru de violences genrées dans le cadre du confinement.
Les femmes confrontées à la discrimination intersectionnelle seront encore plus touchées, subissant discriminations et oppressions du fait du racisme, de leur statut juridique et migratoire, du classisme, du validisme et de l’âgisme, pour n’en nommer que quelques-uns. Cette dynamique sera aggravée par les réponses répressives, inadaptées à leurs situations spécifiques.
Malgré la gravité de la situation, les décisions prises par certains gouvernements (y compris les plus coutumiers de l’instrumentalisation des enjeux féministes et de l’égalité de genre) face à la pandémie ne prennent non seulement pas en compte les droits des femmes* mais au contraire contribuent activement à les éroder. Certaines mesures excluent par exemple l’avortement de la liste des services de santé essentiels dans certains États aux États-Unis. D’autres refusent de supprimer les obstacles inutiles à l’accès à l’avortement médicamenteux par télémédecine, ou d’étendre les limites légales d’accès à l’avortement (en France notamment). Certaines mesures imposent également des interdictions ou des restrictions aux partenaires des femmes enceintes dans les salles d’accouchement ou d’examen.
Les soins de santé sexuelle et reproductive, y compris l’avortement et les contraceptifs, sont des soins de santé essentiels et urgents. Les conséquences de l’impossibilité d’avorter ont un impact profond sur la vie, la santé et le bien-être d’une personne. Ainsi, les soins d’avortement ne devraient pas être classés comme non essentiels, ni refusés ou retardés dans le cadre d’une réponse à la crise Covid-19.
Cette instrumentalisation du corps des femmes pour faire avancer un programme politique conservateur viole le droit des femmes à l’autonomie corporelle. En réponse, les mouvements féministes n’ont de cesse de réclamer la mise au centre des questions de genre dans les politiques publiques de réponse au Covid-19.
Paola Salwan Daher