AVS 21
Un Conseil des États à la botte du patronat contre les femmes
Le Conseil des États a approuvé le projet d’une retraite à 65 ans pour les femmes. Cet acharnement vise notre système de retraite en creusant les inégalités économiques entre les genres.
Le 15 mars dernier, l’Union Syndicale Suisse déposait, à la Chancellerie, une pétition « Pas touche aux rentes des femmes » signée par plus de 314 000 personnes et visant directement la réforme AVS 21. En parallèle, l’ensemble des collectifs de la Grève féministe, qui ont vu le jour notamment après la bataille contre PV 2020 en 2017, exige depuis juillet 2019 déjà le retrait du projet. Les assises romandes et alémaniques du mouvement, qui ont réuni plus de 500 femmes en ligne en février dernier, ont fait de cette question une bataille politique prioritaire du mouvement : 65 ans c’est toujours non !
Malgré cette mobilisation importante des forces féministes et syndicales combatives, le conseil des États a adopté AVS 21 le 16 mars, à 31 voix contre 13. Les représentant·e·s de la chambre haute ne se sont pas contenté·e·s d’approuver ce projet, iels l’ont remanié, à la baisse. Ainsi, les compensations prévues pour les femmes appartenant aux générations transitoires passent de 700 à 340 millions de francs. Iels ont également refusé le déplafonnement de la rente de couple et ont fixé l’âge minimum du départ à la retraite anticipée à 63 ans, contre 62 dans le projet initial. Finalement, l’augmentation proposée de la TVA de 0,7 point est passée à 0,3 point. Si la TVA demeure une taxe antisociale, cette volonté de diminuer encore sa participation au financement de l’AVS révèle la stratégie de la droite et du patronat pour assécher le premier pilier.
Au terme des débats, journalistes et représentant·e·s politiques ont déclaré que le déséquilibre de cette nouvelle mouture n’était pas viable. Alain Berset s’est même demandé « qui souhaitait encore que ce projet ait une chance devant le peuple ». Si la position de l’USS et des milieux féministes est présentée comme idéaliste et irréaliste, le patronat ne cache pas sa joie : l’appel d’Economiesuisse, de l’Usam et des employeurs « a été entendu », selon le communiqué de l’Union patronale suisse.
Une réforme sur le dos des femmes
Il faut pourtant relativiser la gravité de la « crise de l’AVS ». L’arrivée à la retraite des babys boomers cette prochaine décennie est transitoire. Les solutions pour financer cette transition ne manquent pas, par exemple du côté des 21 milliards de bénéfices de la BNS en 2020.
Ce qui se cache réellement derrière AVS 21, c’est, d’une part la volonté de la bourgeoisie et du patronat de repousser l’âge de départ à la retraite pour tou·te·s, allongeant ainsi la durée du temps de travail général. D’autre part, c’est le refus des autorités suisses d’aller chercher l’argent là où il se trouve. Le message envoyé par le Conseil fédéral et maintenant le Conseil des États est clair : aux femmes de payer ! Celles-ci sont pourtant largement pénalisées par le système de retraite actuel.
Parce que ce sont elles qui gèrent la grande majorité du travail du care, les femmes travaillent moins dans le secteur salarié. En travaillant majoritairement à temps partiel, elles ont beaucoup moins facilement accès au 2e pilier : leurs rentes sont ainsi réduites de 50 à 63 % par rapport à un temps plein. Le départ à la retraite à 64 ans au lieu de 65, ce n’est pas un cadeau, c’est un minimum !
Pour des retraites féministes et solidaires
À l’heure actuelle, 44 % des nouvelles rentières et 15 % des nouveaux rentiers n’ont pas de prestation du 2e pilier. Pour un quart des travailleur·euse·s, l’AVS représente le revenu principal au moment de la retraite.
En parallèle, le 2e pilier n’est pas viable économiquement. Son taux de rendement a d’ailleurs fortement baissé depuis les années 1980, pour passer de 4 % (1986) à un minimum de 1 % (2019). Il n’est pas viable écologiquement, puisque les caisses de pension investissent leurs capitaux dans des multinationales responsables de la destruction d’écosystème entiers. Il est discriminant pour les femmes, qui sont bien moins nombreuses que les hommes à atteindre le seuil d’entrée de 21 330 francs par an. En moyenne, les femmes touchent 1547 francs mensuel du 2e pilier contre 2949 francs pour les hommes. Au niveau de l’AVS, la rente est pour ainsi dire la même. Finalement, le 2e pilier coûte extrêmement cher en frais de gestion (en 2018, plus de 5 milliards de francs, soit 6 % des prestations versées par le 2e pilier), contrairement à l’AVS (214 millions de francs en 2018, soit 0,5 % des prestations versées par l’AVS).
Pour penser un système de retraire solidaire, féministe et écologiquement responsable, il nous faut changer de paradigme. Nous devons dès à présent œuvrer pour des rentes basées sur la solidarité intergénérationelle, et non pas sur la capitalisation individuelle. En ce sens, l’intégration du 2e pilier à l’AVS est la réforme dont nous avons réellement besoin.
Rosie Moser