3e pilier

Ni égalitaire ni accessible à une large part de la population

Dans le système suisse de retraite, le 3e pilier profite uniquement aux revenus supérieurs et ne peut même pas servir de béquille en l’absence de 2e pilier. 

Une pancarte "Tandis que les spéculateurs s’enrichissent, les peuples s’appauvrissent" lors de la manifestation contre le Commodities Global Summit
Manifestation contre le Commodities Global Summit, Lausanne, 2015

La Suisse se targue d’un système de retraite basé sur 3 piliers, soi-disant pour garantir des montants suffisants pour vivre au moment de quitter la vie active. En réalité, si le 1er pilier est bien d’un accès ouvert à toutes et tous, avec toutefois des rentes trop basses pour survivre, le 2e pilier ne l’est pas et le 3e encore moins.

Le 3e pilier, seulement pour les revenus aisés…

Le 3e pilier existe depuis 1972 et est toujours présenté comme l’une des bases du système de retraite suisse, au même titre que les deux autres piliers. Pourtant, il n’est pas accessible pour une large majorité de la population, puisqu’il est constitué uniquement par une épargne individuelle facultative, que chacun·e finance selon ses moyens, sans cotisation de la part de l’employeur.

Ainsi, les salaires moyens supérieurs et les revenus élevés, autrement dit les personnes qui ont généralement déjà une prévoyance retraite garantie par un 1er et un 2e pilier, sont les seules pouvant se permettre une telle épargne. Impossible pour des personnes qui voient leurs fins de mois difficiles à boucler, de mettre de l’argent de côté en vue de s’assurer un troisième coussin en vue de la retraite. De plus, cette épargne présente un autre avantage pour les plus riches de ce pays, celui d’être fiscalement déductibles au niveau cantonal.

…et un mauvais plan B en cas d’absence de 2e pilier

L’accès au 3e pilier est impossible pour une large part de la population, mais il pourrait présenter une solution de renfort pour une partie de la population qui n’a pas accès au 2e pilier. En réalité, un bien mauvais plan B !

Pour cotiser au 2e pilier, il faut gagner au minimum 21 510 francs par emploi (et non au total de ses revenus). Or, les bas salaires, les personnes travaillant à temps partiel et les emplois précaires (contrats à l’heure, zéros heures, etc.) se situent bien souvent au-dessous de ce montant. De plus, lorsque ce minimum est atteint, un nouvel obstacle se profile. Un montant de coordination (de 25 095 francs en 2021) doit être atteint avant de commencer à cotiser. Ce montant de coordination est censé garantir que le 2e pilier ne prélève des cotisations que sur les parties du salaire pour lesquelles le 1er pilier ne verse pas déjà des prestations. Concrètement, cela représente un obstacle de plus pour assurer une retraite décente.

Ainsi, une personne qui cumule deux emplois à mi-temps pour un revenu moyen ne peut souvent pas cotiser au 2e pilier, car aucun de ses salaires ne dépasse le montant de coordination. Par contre, il est possible que ses revenus lui permettent d’épargner un peu pour le 3e pilier. Mais ce dernier présente un maximum de rentes bien inférieur au 2e pilier, et additionné au simple 1er pilier, il ne garantit pas une retraite décente. Une cotisation régulière au 3e pilier durant une carrière d’une personne salariée, lui permettra tout juste d’atteindre 800 francs de revenus mensuels. Un bien maigre renfort pour celles et ceux qui touchent uniquement l’AVS !

Face à un système qui ne répond pas aux besoins d’une large part de la population, une révision d’ampleur du système des retraites suisses s’impose. Elle devra prévoir une adaptation aux nouvelles formes d’emploi, le refus de la capitalisation et des investissements écocides ainsi que la garantie de rentes décentes pour toute la population.

Aude Martenot

Deux fois plus de pauvres que de millionnaires !

En 2020, environ 438 000 millionnaires, et 29 milliardaires vivaient en Suisse, pays de 8,6 millions d’habitants.

L’image d’un pays de petit·e·s épargnant·e·s, travaillant durement pour assurer leur retraite avec leur capital ne constitue pourtant pas une image exacte.

Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), 15 % du budget des ménages était consacré à l’épargne (2015-2017). Ce chiffre rassurant cache d’énormes disparités.

Une des sources de privations matérielles les plus fréquentes est liée à l’absence de réserves financières : 20,7 % des personnes vivant dans un ménage privé n’ont pas les moyens de faire face à une dépense imprévue d’un montant de 2500 francs.

En 2018, 7,9 % de la population résidente permanente vivant en ménage privé était touchée par la pauvreté, soit 660 000 personnes.

Le seuil de pauvreté moyen était de 2286 francs par mois pour une personne seule et de 3968 francs par mois pour un ménage de deux adultes avec deux enfants. La part de la population touchée par le risque de pauvreté était de 13,9 %, soit environ 1 165 000 personnes. Le seuil de risque de pauvreté (60 % de la médiane du revenu disponible équivalent) était, pour une personne seule, de 2495 francs par mois et, pour deux adultes avec deux enfants, de 5240 francs.

En 2018, 133 000 personnes, soit 3,7 % de la population active occupée, étaient touchées par la pauvreté alors qu’elles avaient un emploi. Et incapables d’épargner pour le 3e pilier. JS