Santé: tout va de travers

Santé: tout va de travers

Les projets de restructurations (lisez
projets d’économies) de l’Hôpital
Neuchâtelois, qui regroupe l’essentiel des hôpitaux
du canton, avaient vu s’élever les régions
touchées par les mesures prises. A part Neuchâtel ville,
qui voit «son» hôpital se développer, toutes
les régions ont fortement réagi (lire nos
précédentes éditions).

De nouvelles contestations de taille attestent que manifestement, la
pilule ne passera pas aussi facilement que voulaient le supposer les
responsables de ces diverses mesures. En débat public à
La Chaux-de-Fonds, la direction de l’Hôpital
Neuchâtelois venue jeudi 8 mars «sinon pour convaincre, du
moins pour rassurer» s’est fait fortement chahuter au
moment même où était annoncée publiquement
la démission des quatre médecins adjoints du service de
pédiatrie (postes à 20%) de l’Hôpital de La
Chaux-de-Fonds. Tous refusent de travailler avec une maternité
sans service de pédiatrie hospitalière annexée et
espèrent par leur démission forcer les autorités
à prendre plus au sérieux les 15 000 signatures de la
population qui n’ont pas suffi à remettre en cause les
décisions prises. On le voit, de tous côtés les
appels à rediscuter l’avenir des hôpitaux se font
pressants. Mais pour l’heure, le Conseiller d’Etat
Debély continue à faire la sourde oreille. Il
répète inlassablement que les décisions sont
prises, qu’elles sont les meilleures possible et qu’on le
veuille ou non «la pédiatrie hospitalière sera concentrée à Neuchâtel».

Janvier 2007, c’était aussi l’entrée en
vigueur des nouveaux contrats de tout le personnel de la santé
du canton. Suite logique de l’autonomisation (le Conseil
d’Etat n’aime pas que l’on appelle cela
privatisation) des hôpitaux, une convention collective de travail
a été signée entre les organisations
représentatives du personnel et la direction
d’Hôpital Neuchâtelois.

Les mauvaises surprises de la nouvelle grille des salaires

A la suite des mobilisations de l’été 2001, qui
exigeaient des augmentations salariales dans le secteur de la
santé, une revalorisation partielle des salaires avait
été consentie et des promesses de faire mieux encore dans
le cadre d’une nouvelle grille salariale à
l’étude avaient convaincu le personnel d’attendre
patiemment les propositions élaborées par les partenaires
sociaux. Les syndicats et associations du personnel se sont assis
à la table de négociation en toute confiance: assurance
leur avait été donnée que le nouveau
système apporterait des améliorations notables pour la
majorité du personnel sans prétériter personne.

En janvier 2006, une assemblée générale du SSP
donnait son aval aux critères retenus pour définir la
nouvelle grille salariale. L’outil semblait bon et les garanties
données paraissaient suffisantes. Mais une chose est de
négocier des grilles salariales abstraites et de les
présenter comme positives en assemblée du personnel sans
pouvoir chiffrer les salaires individuels, autre chose est de se
retrouver avec des fiches de paie où l’on voit pour
certaines personnes, des baisses de salaire allant de 5 à 15%
sans diminution de la charge de travail ! Ainsi, des cuisiniers ou des
jardiniers ont vu leur salaire de janvier diminué de 900
à 1000 francs. On imagine le choc.

Aujourd’hui, c’est dans tous les services de la
santé que la révolte gronde. Les baisses de salaires ne
sont d’ailleurs pas le seul problème; certaines personnes
ont été placées au maximum de leur
catégorie, ce qui ne leur donne plus aucune chance de voir leur
salaire évoluer. Se trouver bloqué –
«à vie» – à moins de 4000 francs par
mois, alors qu’on espérait grimper peu à peu dans
l’échelle salariale démotive plus d’un-e
employé-e. Autre problème: les infirmières de
l’hôpital du Locle (pour ne prendre qu’un exemple)
ont été colloquées dans une classe
inférieure que celles qui travaillent à Pourtalès
(Hôpital de Neuchâtel) alors que toutes ont le même
diplôme. Fait d’autant plus inacceptable que leur contrat
de travail précise qu’elles devront à
l’avenir accepter de monter au Locle ou à La
Chaux-de-Fonds ou descendre à Neuchâtel selon les besoins
du service.

Une bataille de longue haleine

Une assemblée du personnel convoquée par le SSP a
décidé d’une marche de protestation le 27 mars
devant le Grand Conseil pour appuyer une motion populaire qui demande
que le canton «alloue des ressources supplémentaires en
faveur du personnel soumis aux conventions collectives de travail
santé 21, afin que le salaire brut 2007, indexé à
l’évolution du coût de la vie, ne subisse aucune
diminution par rapport au salaire brut de 2006».

Le programme de législature 2005-2009 du Conseil d’Etat,
approuvé par les forces politiques dominantes du canton (PS,
Radicaux, Libéraux), annonçait clairement la couleur: 25
millions d’économies dans la santé. On ne peut pas
réduire fortement le budget de l’Etat sans que
quelqu’un paie. Et qui est ce quelqu’un? Sans surprise, le
personnel de la santé et la population en général
qui voit se réduire l’offre de prestations
hospitalière.

Fin mars ce sera au tour des soins psychiatriques d’entrer dans
la tourmente de l’autonomie de gestion: la création du
Centre neuchâtelois de psychiatrie, calqué sur le
modèle d’Hôpitaux Neuchâtelois, va être
présentée au Grand Conseil au cours de la prochaine
session. Celle-là même qui verra le personnel de la
santé en masse dans la cour du Château. Si le Conseil
d’Etat persiste dans sa volonté de passer en force, il
faudra autre chose qu’une manifestation devant le siège du
gouvernement, car la majorité du Grand Conseil est acquise au
principe de réduction des prestations de l’Etat.
C’est une bataille de longue haleine qui s’engage, à
la fois syndicale et politique, où il faudra du courage et
beaucoup de détermination.

Marianne Ebel