Le débat UDC-Acor-SOS Racisme

Le débat UDC-Acor-SOS Racisme

La salle des Cantons pleine à
craquer a accueilli mardi 2 octobre le débat entre O. Freysinger
(UDC) et J.-M. Dolivo, membre d’Acor-SOS Racisme. Critiqué
par certains à gauche, qui voyaient là une tribune de
plus offerte à l’épouvantail Freysinger,
l’échange fut «vif, mais sans
débordements» selon 24 Heures. On peut en tirer quelques
enseignements.

D’abord le fait que, hors du format des émissions de
télévision de type «Infrarouge»,
taillé pour ce genre d’intervenant, O. Freysinger ne
brille pas dans la durée de l’argumentation, dans
l’échange de fond de court diraient les joueurs de tennis.
Ou, pour rester dans la métaphore sportive, c’est un
boxeur qui joue sur un coup. Ensuite, rapidement, le Café du
Commerce ouvre ses portes. Ce qui nous a valu quelques excursions en
Afrique digne de Tintin au Congo et des protestations en forme
d’autogoal («c’est grâce à l’UDC
que l’extrême droite, le PNOS, n’existe pas en Suisse
romande»).

Mais justement, et c’est là la deuxième
leçon, si ce discours simpliste a un impact, c’est bien
à cause de la formidable dépolitisation que connaît
la discussion politique dans le pays. Repolitiser le débat
public est la meilleure manière de mettre en difficulté
la rhétorique sommaire des partisans du Volkspartei. Ce
n’est pas facile, tant la mobilisation des affects et la
manipulation des émotions leur sont familières. Il faut
donc, troisième enseignement, progresser ici dans
l’articulation entre la dénonciation du discours
antiraciste et le dévoilement des effets de la politique
économique et sociale prônée par ce parti. Cet
apprentissage est encore devant nous, mais c’est la seule voie,
actuellement, pour arriver à purger la légitimité
sociale de cette xénophobie mâtinée de
néolibéralisme. On ne fera pas l’économie de
cette empoignade quotidienne sous prétexte de ne pas faire de
pub à l’UDC, qui sait par ailleurs parfaitement s’en
faire toute seule.

Pour les absent-e-s ce soir-là, voici quelques extraits de l’intervention de Jean-Michel Dolivo:

• «L’UDC se veut le parti du peuple (Volkspartei),
mais représente en fait le parti le plus antipopulaire, le parti
du grand patronat industriel et bancaire qui mène une guerre
sociale contre le peuple, contre l’immense majorité de la
population. Exemple le plus récent: le groupe UDC au Conseil
national a voté le 24 septembre dernier contre
l’exonération fiscale des personnes qui ne touchent que le
minimum vital pour vivre. Par contre, l’UDC est à la
pointe du combat pour les énormes cadeaux fiscaux
accordés aux multimillionnaires.

• «Pour camoufler cette politique violemment antipopulaire,
vous cherchez à diviser les salariés, vous cherchez
à opposer les salariés avec passeport suisse à
ceux qui n’en ont pas. Vous désignez des boucs
émissaires: les faux malades, les jeunes, etc. pour mieux
dissimuler les vrais responsables du chômage, de la
pauvreté et de la précarité, les grands patrons de
l’industrie et des banques. D’ailleurs, votre parti dispose
d’un montant scandaleusement élevé d’au moins
15 millions de francs pour l’affichage et les annonces de
presse.»

• «Les chiffres sont à l’UDC ce que les
lampadaires sont aux ivrognes: ils fournissent bien plus un appui
qu’un éclairage».

• «L’UDC fustige le rôle des femmes dans la
société musulmane. Mais en Suisse l’UDC vote contre
le congé de maternité et contre le congé parental.
L’UDC se prononce contre la séparation de l’Eglise
et de l’Etat quand il s’agit de musulmans, mais pour
l’enseignement des valeurs chrétiennes à
l’école en Valais.»

Daniel Süri

Racisme en contrebande

Licencié ès lettres, poète, membre de
l’Association des écrivains serbes, Oskar Freysinger sait
en principe parfaitement ce que les mots veulent dire. Relisons donc
l’introduction de son exposé sur «Les phares du
Jihad», à savoir les minarets:

Quel homme sensé pourrait bien s’opposer à ces
asperges géantes que sont les minarets? Qui oserait refuser aux
musulmans le droit de disposer d’un carré
séparé où leurs morts seraient ensevelis dans une
terre sacrée et tournée vers La Mecque?
L’acceptation de ces deux aménagements devrait
assurément être, pour l’esprit le plus lapidaire,
marqué d’une pierre noire.

Passons sur la délicate expression «asperges
géantes» dont la seule fonction est le dénigrement.
Qu’entendrions-nous si un musulman traitait publiquement de
«grands manches à balai» les clochers de nos
villages si chers à l’UDC?

Concentrons-nous donc sur la dernière phrase: elle paraît
obscure. Que font ici cet esprit lapidaire et cette pierre noire?
Pourquoi cette tournure compliquée pour dire,
éventuellement, qu’un esprit vif marquerait
l’acceptation de ces deux aménagements d’une pierre
noire, c’est-à-dire, si on comprend bien, l’inverse
d’une pierre blanche. L’expression «marquer
d’une pierre blanche» signifiant se souvenir, garder en
mémoire, l’esprit vif (ou concis) devrait donc oublier
rapidement l’acceptation de ces deux aménagements…?!

En réalité, ce galimatias de poète serbe se
débattant avec la langue française n’est là
que pour juxtaposer des images: lapidaire suggère
évidemment la lapidation, une association encore
renforcée par le mot pierre, dont la teinte sous-entend un
aspect négatif (comme dans «journée noire»
ou«noir pressentiment»). Les mots du
«poète» disent sa volonté de nuire et de
discriminer. Comme Bernard-Henri Lévy, autre bateleur
médiatique, il écrit «avec son intelligence et son
inconscient»

(ds)