Les sept boules de cristal de la CIA

Les sept boules de cristal de la CIA


Dessine-moi un cauchemar… Quand les experts de la CIA envisagent l’avenir du monde à l’horizon 2015


Jean Batou


Après Global Trends 2010 (Tendances Globales 2015), voici Global Trends 2015, le nouveau rapport des think tanks (réservoirs de «pensée») de la CIA sur les perspectives de ces 15 prochaines années, publié en décembre dernier1. Il révèle les principaux pronostics à moyen terme rendus publics par la plus puissante agence de renseignement impérialiste.



  1. Révolution technologique majeure dans les domaines de l’information et des biotechnologies. «Une progression sans précédent de l’innovation (…). La transformation la plus significative depuis la révolution industrielle.»
  2. Retour durable de la croissance, comparable à celle des années 60, au profit surtout des économies les plus avancées, mais plus fragile: il y aurait des risques d’accident, «des cassis sur la route» (crises financières et énergétiques), avec dangers de contagion vu l’interconnexion accrue des principales économies.

    «Un mouvement anti-globalisation croissant devient une puissante force politique et culturelle durable menaçant les intérêts des entreprises et des gouvernements occidentaux»


  3. Poursuite durable de l’hégémonie américaine, conçue avant tout en termes technologiques et militaires, avec une inquiétude tout de même, liée à l’imprévisibilité de la Chine.
  4. Développement inégal accéléré à l’échelle planétaire, avec des régions entières «à la traîne» ou totalement sinistrées. Parmi elles, la Russie, «un large segment du continent eurasiatique, de l’Asie Centrale au Sud-Est de l’Europe, en passant pas le Caucase», leMoyen-Orient, plusieurs Etats d’Amérique Latine et l’essentiel de l’Afrique subsaharienne. Pour cette partie du monde, selon les cas, le rapport parle de dépression économique, de famine, de pénurie d’eau, de développement rapide du sida et de la tuberculose, de déclin de la scolarisation, d’explosion des inégalités sociales et de dépopulation absolue.
  5. Déséquilibre écologiques croissants à l’échelle globale (réchauffement, désordres climatiques, trou d’ozone), avec une insistance particulière sur la péjoration de la situation du Sud et de l’Est (pénuries d’eau, pollutions diverses).
  6. Montée du mécontentement populaire dû aux «aux effets négatifs de la globalisation: (…) volatilité financière chronique et inégalités sociales croissantes, (…) augmentation massive de la mobilité des personnes (…) Un mouvement anti-globalisation croissant devient une puissante force politique et culturelle durable menaçant les intérêts des entreprises et des gouvernements occidentaux».
  7. Répondre politiquement à la contestation. Insistance sur la centralité de la gouvernance, définie comme «la capacité des Etats de se confronter à des acteurs non étatiques bons et mauvais». La CIA estime qu’il faudra faire face à des «secteurs de la société qui s’expriment de plus en plus fortement et de façon organisée»; de même, certains mouvements «deviendront plus confiants dans leurs forces et plus portés à la confrontation.» Elle décrit pêle-mêle une série de dangers: les revendications des indigènes, les protestations des milieux religieux contre l’accroissement des écarts entre riches et pauvres, les narcotrafiquants, les terroristes et les soulèvements étrangers… A propos de la Colombie, du Venezuela, de l’Equateur et du Pérou, elle note que la crise économique et sociale croissante «causera la montée de la colère des travailleurs et alimentera des tactiques plus agressives dans le futur.» Le Plan Colombie n’est pas loin !

1 En anglais sur le site www.cia.gov/cia/publications/globaltrends2015/index.html