Nouveau musée d'ethnographie


Nouveau musée d’ethnographie


Voici le texte de l’intervention de notre camarade Jacques François au Conseil municipal de la Ville de Genève qui reflète la position adoptée par solidaritéS au sujet du projet de nouveau musée d’ethnographie.

Jacques François

Pour aborder ce projet, peut-être faut-il, avant toute chose, balayer quelques idées reçues: ce nouveau musée d’ethnographie n’est pas un jouet pour intellos, comme il n’est pas non plus une simple vitrine où seraient exposés quelques objets fabuleux en provenance de pays lointains et destinés à quelques initiés.


Un musée d’ethnographie, c’est, finalement, un regard sur le monde, sur les gens, sur les peuples. Comme me le disait une ethnologue: un regard sur tout ce qui fait que les hommes sont des hommes. Ce regard est absolument essentiel à notre compréhension du monde et c’est bien lui que l’on retrouve dans les thèmes des expositions du musée proposées ces dernières années: le feu, les jeux, la mort, la classe, l’éducation des filles, mais aussi le théâtre d’Orient.


Pour ceux qui ont vu ces expositions, il apparaît à l’évidence que l’ethnographie en essayant de comprendre ce qui fait la vie de gens est amenée constamment à être proche de ceux-ci, sur le terrain de son étude. L’ethnologue, qu’il s’intéresse à un village valaisan, aux Indiens d’Amazonie ou à ce qui constitue l’essentiel de la vie d’une classe, est toujours amené à s’intéresser de près aux gens, aux lieux, pour en comprendre ce qui fait leur vie. Et c’est cette proximité qui nous touche dans ces différentes expositions que le musée nous propose, toujours avec le même succès.


J’ai eu la chance, il y a bien des années de visiter l’extraordinaire musée d’ethnographie de Mexico. Et j’avais été frappé de voir le dimanche matin un nombre important d’Indiens venir retrouver leur origine, leur civilisation à travers les objets exposés dans ce musée. Musée pour initiés ?


Echanger plutôt qu’exposer


Il est vrai que le nouveau musée d’ethnographie se constituera d’une somme extraordinaire d’outils culturels complexes: département d’anthropologie de l’Université, ateliers d’ethnomusicologie, médiathèque comportant des documents inestimables, salles d’expositions temporaires, salle capable de recevoir des spectacles et des conférences, esplanade, «l’esplanade des mondes», comme lieu de rencontre. Et, bien évidemment, une place importante pour montrer les trésors extraordinaires qui, en partie, remplissent actuellement les greniers du musée. Place pour les objets eux-mêmes, mais aussi place pour les histoires que ces objets nous racontent, place pour l’histoire des objets eux-mêmes.


De ces instruments, nous attendons beaucoup. A ce point l’acception usuelle du mot «musée» nous rend peut-être un mauvais service. Car il s’agira moins d’exposer que d’échanger. Et l’idée d’un bouillonnement autour de ce lieu, aiguise ma curiosité.


Un projet multiculturel pour une ville qui l’est aussi


La construction du musée d’ethnographie est nécessaire. Peut-être plus à Genève qu’ailleurs, lorsque l’on sait la réalité multiculturelle de la ville. S’intéresser à des pays et à des manières de vivre qui semblent lointains, pour nous, habitant-e-s de cette ville, c’est toujours finalement s’intéresser à la vie de gens qui vivent avec nous et que nous côtoyons tous les jours.


Mais, plus encore, nous vivons actuellement une transformation fondamentale de l’organisation sociale avec, en particulier, une révolution des moyens de communication, qui semblent entraîner le développement d’une uniformité culturelle qui a de quoi faire peur et qui, souvent, nous fait peur. Il est donc de plus en plus nécessaire d’avoir le regard critique et aiguisé de l’ethnologue et de l’ethnographe sur nos manières de faire et nos manières de vivre. Et c’est ce regard qui motive l’enthousiasme de solidaritéS pour le projet.


Le lieu est particulièrement bien choisi. Son insertion au centre de la ville, à proximité d’autres musées, sa facilité d’accès seront un facteur de son succès plus que probable.


Une place rendue aux habitant-e-s

De plus, la transformation de la place Sturm en «esplanade des mondes», est une idée excellente. Je devrais d’ailleurs plutôt parler de la restitution de cette place à la population car, depuis 50 ans, elle est occupée par la laideur des bâtiments «provisoires» qui l’encombrent. Je crois que les activités du musée animeront cet espace de manière très intéressante. L’ensemble urbanistique réalisé sur la butte de Sturm me plaît beaucoup et je dois avouer avoir quelque peine à comprendre la violence des critiques qu’il provoque parfois.


Quant à l’architecture intérieure, elle donne envie d’entreprendre la ballade à travers le musée, la ballade dans ce village d’une salle d’exposition à l’autre. Bien entendu, la question du financement n’est pas une question simple. Nous avons eu à solidaritéS des discussions à ce sujet, car l’investissement est d’importance et nous avons eu à discuter de priorités. Au cours du développement du projet, les possibilités de financement ont évolué. La proposition amendée telle qu’elle ressort du rapport de majorité nous paraît raisonnable. D’autant qu’elle limite l’apport de la Ville, tout apport extérieur venant précisément diminuer celle-ci.


Il est tout à fait vrai que laisser la plus grande partie de cet investissement à la seule ville n’est pas juste. Tout le monde dans cette enceinte sait qu’une redistribution de certains rôles entre l’Etat et la Ville sur le plan des activités culturelles devront être rediscutés. Cependant, tout le monde sait également qu’une solution sera sans doutes assez longue à trouver. Et ce n’est pas au musée d’ethnographie d’en être pénalisé.

Cela dit, les élu-e-s de solidaritéS exigeront un contrôle des coûts extrêmement sérieux tout au long de la construction et réclameront une transparence absolue durant le temps des travaux.


Quant aux craintes sur les dépassements de coûts que certains opposants au musée avancent, ne tient-il pas plus de la démagogie politique que d’une réalité quelconque.?


En conclusion, c’est un soutien enthousiaste à ce projet de construction d’un nouveau musée d’ethnographie que j’apporte maintenant et j’engage le conseil municipal à faire de même.