En quatre ans on prend racine


En quatre ans on prend racine


Face à l’aveuglement et l’acharnement pathétique du Conseil d’Etat vaudois à vouloir les renvoyer, le mouvement des Kosovars vaudois entre en résistance et trouve refuge dans une église.

Yves Sancey*

«En 4 ans on prend racine» ou «Un bon réfugié ne coûte rien, se tait et repart vite»? Telle semble être en résumé le nœud du conflit entre les tenant-e-s d’une politique minimale d’accueil envers les requérant-e-s d’asile originaires de la Kosovë contre les tenant-e-s de la «rauspolitik» de la fermeture et de l’exclusion par peur de l’envahissement étranger. Au-delà du mythe de la Suisse terre d’accueil, la réalité est une politique de xénophobie d’Etat qui encourage tous les stéréotypes envers les étrangers, renforce le discours de la droite populiste de type blochérienne. A peine la guerre était-elle finie que la Suisse voulait expulser 65’000 Kosovars à coup de petites carottes et de gros bâtons. Au début de la phase finale (III), en mai 2000, il en restait 16’500 à expulser, dont 4700 «romands».


Pour lutter contre ces renvois iniques, le mouvement «En quatre ans on prend racine» s’est alors mis sur pied, regroupant 150 personnes (hommes, femmes et enfants) en Suisse depuis plus de 4 ans, parlant le français et ayant un emploi. Ils et elles refusent de partir tout de suite. Aujourd’hui, alors que nous sommes à un mois de la fin officielle de la phase III des renvois, ils et elles sont encore presque tous là. Le mouvement est pourtant l’objet d’un durcissement de la part des autorités exécutives vaudoises pour que de foutus quotas de renvoi décrétés arbitrairement par Berne soient remplis (environ 150 à 200 par mois) sous peine de sanctionner le canton qui tarde à faire sa sale besogne.


Le Conseil d’Etat reste sourd à ses demandes légitimes d’obtenir des permis humanitaires, des permis de séjour ou de travail annuel stable. Arrestation sur les lieux de travail, à domicile aux petites heures du matin, dans les locaux de l’administration pour les personnes qui font prolonger leurs attestations de séjour, tout est bon pour intimider et renvoyer les «récalcitrant-e-s». C’est en toute conscience qu’il favorise ainsi la «disparition» de ces personnes qui entrent ainsi en clandestinité et viennent grossir les rangs des sans-papiers. Pour elles: incertitude du lendemain, boulots mal payés au noir.


Le mouvement «En 4 ans on prend racine» est impertinent car il ne respecte pas la dernière condition tacite de l’accueil: repartir le plus vite possible. Après plusieurs années de travail dans des conditions difficiles, un apprentissage du français, avoir tissé un réseau de relation et d’amitié ici, ils et elles ne sont pas prêt-e-s à repartir toute de suite dans un pays en ruine, sans eau et qui connaît un taux de chômage énorme (90%). Le retour dans leur pays ne peut que déstabiliser une économie déjà très fragile et une situation politique encore instable. Ils rendent de bien plus grands services à leur pays depuis la Suisse qui du reste est justement à la recherche de travailleurs en provenance… d’ex-Yougoslavie. Le mouvement a récolté deux pétitions de plusieurs milliers de signatures, a obtenu le soutien quasi unanime du Grand Conseil et de la délégation vaudoise au Conseil national.


Face à un mur


Face à cet aveuglement et cet acharnement pathétique du Conseil d’Etat vaudois à appliquer une politique injuste, inhumaine et absurde économiquement, le mouvement a tout tenté, pour l’instant sans succès. Pétition, contacts informels, lettres, manifestations à la gare, en ville, stands au marché. A l’instar des sans-papiers français de St-Bernard, il ne restait plus qu’une alternative pour changer le rapport de force : le refuge symbolique qu’offre l’église de Bellevaux à Lausanne. L’entrée en refuge se fait au moment où ses lignes sont écrites, pour alerter l’opinion publique sur leur situation et espérer que l’élan de sympathie et de solidarité qui en résultera forcera le Conseil d’Etat à soutenir plus fermement le mouvement face à Berne, comme il l’a fait avec succès pour les ex-saisonniers de l’Ex-Yougoslavie et stopper ces renvois scandaleux et cette mascarade de la politique des charters.


Pour toutes les personnes intéressées à venir nous donner un coup de main, donner de son temps, apporter de la nourriture ou un soutien sous toutes ses formes, une adresse e-mail : enquatreansonprendracine@bluewin.ch ou internet : www.refuge-kosovo.ch

Vos dons sont indispensables, en raison du coût de ce refuge pour les familles kosovares, et sont à verser au CCP 17-733814-3

EN QUATRE ANS ON PREND RACINE, MOUVEMENT DE REFUGE

pa SOS Asile Vaud, CP 3928,

1002 Lausanne

tél : 021-351.25.
51,
fax : 021-351.25.52



  • * Assistant à l’Université de Lausanne