Université de Genève, les étudiant-e-s s'en prennent aux multinationales


Uni Genève, les étudiant-e-s s’en prennent aux multinationales


A l’appel d’un collectif d’une trentaine d’étudiant-e-s de l’Université de Genève ont
occupé les stands des entreprises privées installées dans le hall d’Uni-Mail.

Julie de Dardel

Dans la semaine du 26 au 30 mars, une quarantaine de firmes privées, dont les multinationales Nestlé, IBM, Procter&Gamble, British American Tabacco, Ernst&Young, UBS, etc., se sont succédées à l’intérieur des stands installés dans le hall d’Uni-Mail et dans les auditoires où elles donnaient des conférences, afin de promouvoir leurs entreprises et de recruter de futurs collaborateurs parmi les étudiant-e-s. Elles étaient en effet invitées dans le cadre de la semaine Interface organisée par l’AIESEC, l’Association Internationale des Etudiants en Sciences Economiques et Commerciales, qui se voit chaque année grassement rémunérée par ces entreprises pour l’organisation de cette activité.


C’est avec étonnement et colère que certain-e-s étudiant-e-s ont découvert les installations de ces entreprises en arrivant lundi matin. Une poignée d’entre eux, essentiellement issus de Sciences sociales, a donc décidé de mener une action de protestation. Le jeudi suivant, une trentaine d’étudiant-e-s ont fait irruption dans l’Uni et, sous un lâché de tracts et de confettis lancés du dernier étage, ont jeté dans de grands sacs poubelles tout le contenu des stands. Ils les ont ensuite occupés pour y installer une fête rythmée par le son endiablé des tam-tam. Le hall s’est alors transformé en vaste espace de débats animés entre les participants à l’action, les étudiants curieux et souvent solidaires et les organisateurs d’Interface hors d’eux et très agressifs. Au

bout d’une heure, la manifestation a pris fin et des étudiants ont sagement balayé les confettis afin d’éviter ce travail supplémentaire aux nettoyeuses.


Dans l’ensemble, cette manifestation a été très bien ressentie par les étudiant-e-s et a encore donné lieu a de nombreuses discussions les jours suivants dans les différentes facultés. A parier qu’ils seront encore bien plus nombreux l’année prochaine, à moins que les multinationales ne renoncent à Interface comme certaines l’ont déjà promis…






Tract du collectif d’étudiant-e-s AÏÔFES


Jour après jour, les expositions se succèdent dans le hall d’Uni-Mail: avant-hier les mines antipersonels, hier Falun Gong et Amnesty, aujourd’hui le Capitalisme transnational. Nous réagissons: contrairement aux campagnes pour les droits humains, ces entreprises ne sont pas des bonnes oeuvres mais des rapaces avides de profit qui représentent une nuisance pour la planète. Quelques morceaux choisis à deux pas de votre porte:



  • Ernst&Young est accusé par le Conseil d’Etat genevois de s’être rendu complice du pillage de la BCG. Les Genevois se sont donc fait délester de 5 milliards grâce à leurs bons et loyaux services.
  • Procter&Gamble, qui s’installe à Genève, s’est récemment débarrassé de 25’000 employés (15’000 en 1999, 10’000 la semaine dernière), alors même que ses bénéfices s’élevaient déjà en 1999 à 3970 millions d’Euros.

En dehors du canton de Genève les choses sont bien plus graves. Les multinationales exercent sur toute la planète un pouvoir dévastateur: corruption, pollutions et surexploitation des ressources naturelles, exploitation massive des employé-e-s, augmentation sans précédent des inégalités, dégradation des conditions de vie, destruction des économies locales de subsistance (famines), standardisation culturelle…Bref, la liste de leurs méfaits est inépuisable. Pourtant, l’Université continue de les recevoir avec la plus grande bienveillance !


Interface est une des expressions de la tendance actuelle de l’Université : devenir une machine à produire du carburant pour le profit des entreprises. Les petits chefs qui sont recrutés ici seront les petits soldats du putsch culturel et politique initié avec l’accélération du processus de globalisation capitaliste.


Contrairement à sa vocation affichée de transmettre un savoir universel et scientifique, l’Université est de plus en plus au service d’intérêts privés qui impliquent un matraquage de l’idéologie néo-libérale. D’un côté les multinationales investissent les laboratoires et facultés «rentables» par le financement direct. De l’autre, l’Etat délaisse la recherche fondamentale et les sciences sociales potentiellement critiques par la restructuration budgétaire et la sélection orientée des chercheurs et des enseignants1.


Par notre présence aujourd’hui, nous tenons à signifier aux entreprises présentes et à leurs laquais et boniches qu’ils ne sont plus les bienvenus à l’Université. Aux pontes de l’Université de comprendre que les temps changent et que la résistance aux multinationales et aux idéologies capitalistes ne fait que commencer. Vous pouvez maintenant compter sur une opposition croissante à l’hégémonie néolibérale dans cette Université.


L’Université n’est pas un supermarché. Remballez votre marchandise !





  1. N° Mars-Avril 2001 de Campus 51, on apprend que la Confédération n’a retenu aucun programme émanant des Sciences humaines dans sa sélection pour les dix pôles de recherche nationaux (PRN). Suite aux critiques, le Conseil Fédéral a ouvert quatre pôles supplémentaires : seules les «technologies de l’information» (management, marketing, évaluation financière…) ont été retenues.