GB, le rouge l'emporte sur le jaune


Le rouge l’emporte sur le jaune !


La poste britannique a été transformée en SA, sous le nom de Consignia. Son capital est pour le moment encore aux mains de l’Etat. Les travailleuses/eurs et les usagers/ères se mobilisent. Une grève nationale vient de se terminer par une victoire ouvrière!

Pierre Vanek *


L’une des première performance remarquées de la nouvelle SA postale a été d’enregistrer une perte de 264 millions de livres dans ses comptes de l’an passé …ceci malgré des rentrées record: en effet, ils ont dû passer par pertes et profit près de 600 millions de livres sur un milliard d’«inves-tis-sement» dans un système informatique imposé par une direction incompétente qui s’est révélé immédiatement spectaculairement inadéquat.


Offices fermés, travailleurs surexploités


Pendant ce temps et en conséquence de la politique mise en oeuvre par cette même direction, ce sont 3000 emplois qui ont été supprimés l’an dernier et 400 bureaux de poste par an que l’on ferme en Grande-Bretagne au détriment des usagers/ères et du service public. Ces fermetures de postes suscitent des protestations et un mouvement de résistance. Samedi passé par exemple nos camarades de la Socialist Alliance appelaient, avec d’autres, à une manifestation organisée à Islington dans le Nord de Londres contre la fermeture d’un centre de tri local. Cette protestation s’inscrivait dans le fil d’une mobilisation et d’un succès remarquable des travailleuses/eurs des postes britanniques. En effet, ce ne sont pas moins de 50’000 postiers/ères qui la semaine dernière se sont mis en grève, grève «sauvage» et illégale autant que massive et légitime, par solidarité avec les 800 employé-e-s d’un centre postal à Watford. Ceux-ci étaient eux aussi en arrêt de travail, pour 24 heures une nouvelle fois, vendredi 11 mai, après trois mois de campagne, visant à s’opposer aux dégradations des conditions de travail, aux humiliations et à la pression intolérable qu’on cherchait à leur imposer: changement radical des tours de travail (début à de la journée à 4h. au lieu de 5h25), nombreuses semaines d’affilées avec jusqu’à dix heures de travail le samedi, pauses et bonus supprimés, un seul point d’eau potable pour 250 personnes au tri, etc.


La classe !


Ce mouvement national exemplaire a été déclenché quand la direction a cherché à faire effectuer le tri d’objets bloqués par la grève de Watford dans un des centres de tri de Liverpool (Copperas Hill). Cette tentative de leur faire effectuer un travail de jaunes a été considéré à juste titre par la base syndicale com-me un affront et véritable déclaration de guerre visant à briser la plus élémentaire solidarité entre travail-leurs/euses.


Six postiers de Liverpool qui refusaient de traiter les envois de Watford ont été immédiatement mis à pied par la direction: l’ensemble du centre de tri a en conséquence, tout aussi immédiatement, arrêté le travail. La direction a alors tenté de transférer du personnel d’un autre centre de tri de Liverpool (Merseyside) pour reprendre le travail des grévistes. Mal lui en a pris, le personnel de ce deuxième centre de tri a non seulement refusé mais s’est mis en grève de solidarité à son tour. Un troisième centre (Stockport) a suivi le même chemin. Une assemblée commune de 600 travailleurs/euses confirmait unanimement leur volonté de poursuivre le mouvement, malgré les appels en sens contraire de la direction syndicale. Il faut souligner qu’au regard de la législation antisyndicale scélérate imposée par Margaret Thatcher, et conservée religieusement sous le régime de Tony Blair, cette grève, constituant pourtant un acte syndical élémentaire …violait la loi.


Ce n’est qu’un début…


Lundi 14 mai, ils étaient 3500 à être en grève à Liverpool et de là le mouvement s’étendait comme une traînée de poudre à travers l’ensemble du pays. Au final, ce sont environ cinquante mille postiers/ères qui se sont engagés dans ce mouvement prenant chaque jour plus d’ampleur et qui s’est arrêté vendredi 18 mai seulement, après que la direction ait accepté, sous la pression la lutte, de signer un accord avec les grévistes de Watford et de renoncer aux mises à pied décrétées pour tenter de briser le mouvement.

A travers le pays, des nombreuses boîtes au lettres ont dû être scellées et ce sont, selon des estimations parues dans la presse, cinquante millions d’envois qui sont restés en rade. Il faudra plusieurs semaines pour purger le retard accumulé. Si le mouvement s’était poursuivi c’était l’élection du 7 juin qui risquait de connaître des problèmes «techniques» du fait du développement du vote par correspondance. Au-delà de cet aspect, le pouvoir blairiste ne pouvait guère se payer un conflit et une confrontation aiguë avec les travailleurs/euses à la veille du scrutin. Partie remise?

En effet, cette lutte victorieuse n’est pas un épiphénomène. L’an passé, dans des conflits successifs et locaux, sur les mêmes thèmes, la poste britannique a perdu 62’000 jours de travail pour faits de grève. Aujourd’hui, les postières/ers britanniques ont montré qu’ils connaissent le sens réel du mot solidarité et qu’unis ils étaient forts. Cette leçon promet de porter ses fruits à la veille des nouvelles étapes de libéralisation/privatisation des services postaux britanniques, dont on prévoit de brader les tranches les plus juteuses à des opérateurs privés, comme la multinationale américaine UPS, qui contribue financièrement de manière régulière à la cagnotte du parti travailliste…


* Sources: Socialist Alliance, Labournet, The Guardian, The Times…