Travail de nuit: l'exception ne doit pas devenir la règle !


Travail de nuit: l’exception ne doit pas devenir la règle !


Un premier jugement vaudois précise les limites au travail de nuit. Malheureusement, cet arrêt arrive tard pour les travailleuses/eurs qui ont déjà effectué des heures de nuit. C’est tout le problème des voies de recours et du contrôle a posteriori qui est posé.

Jean-Michel Dolivo

Le Tribunal administratif du canton de Vaud (TA), dans un arrêt du 30 avril 2001 a admis le recours déposé par le Syndicat COMEDIA – Syndicat des médias et l’Union syndicale vaudoise (USV) – contre une décision du Département de l’économie (DECO) rejetant le recours interjeté par ces associations contre la décision du Service de l’emploi du 25 mai 2000, délivrant une autorisation temporaire de travail de nuit à l’entreprise Säuberlin & Pfeiffer SA à Vevey.


Dans les considérants de l’arrêt, le Tribunal administratif critique le raisonnement du DECO qui fondait son autorisation notamment sur le «caractère absolu des contraintes économiques issu de la situation actuelle du marché du travail et de la concurrence» (consid. 5 lit. b) de l’arrêt, p. 10). En particulier, le Tribunal administratif souligne que l’entreprise concernée n’a pas apporté la preuve que les retards pris par suite de pannes de machines n’auraient pas pu être rattrapés par une planification du travail différente, par une modification de l’organisation du travail de jour qui aurait pu y remédier efficacement (consid. 5 lit.b) de l’arrêt, p. 11).


Comme le relève le TA, «une planification différente ou la modification de l’organisation diurne et de la coordination entre les secteurs d’activité de l’entreprise auraient peut-être permis de faire face aux retards accumulés et de combler ces derniers rapidement et surtout durablement». L’autorité de recours considère dès lors que la décision du DECO «procède d’une interprétation trop souple de la notion de besoin urgent et qui contrevient au caractère exceptionnel des dérogations à l’interdiction du travail nocturne». Comme le relève le TA, «même en admettant que Säuberlin & Pfeiffer aient démontré la survenance imprévue de travaux supplémentaires impossibles à différer et dus aux pannes de machines, rien de permet d’affirmer qu’aucune planification ou mesure organisationnelle n’aurait permis d’exécuter ces travaux de jour pendant les jours ouvrables».


Cet arrêt fixe ainsi des limites précises face à l’extension du travail de nuit temporaire. D’une part, il souligne que c’est à l’employeur d’établir l’existence «du besoin urgent», condition pour obtenir une dérogation à l’interdiction du travail de nuit. D’autre part et surtout, on ne saurait interpréter de manière trop extensive la notion même de besoin urgent: faute de quoi le principe, posé par la loi, de l’interdiction du travail de nuit serait vidé de son contenu. Or ce principe est lié au but même de la législation sur le travail, à savoir la protection des salarié-e-s, eu égard aux effets négatifs du travail de nuit, sur leur santé ainsi que sur leur vie familiale et sociale.


A son art. 16, la Loi sur le travail (LTr) définit une règle, celle de l’interdiction du travail de nuit. A son art. 17, la LTr fixe les conditions des dérogations à cette règle, notamment celle concernant le travail de nuit temporaire «en cas de besoin urgent dû-ment établi» (art. 17 al.3 LTr). L’Ordonnance 1 relative à la Loi sur le travail (OLT1) précise en outre à son art. 27 par ce qu’il faut entendre par «besoin urgent».