Comptes du canton 2000 : L'alliance de gauche compte


L’Alliance de gauche compte..


Notre camarade Bernard Clerc est intervenu au parlement genevois pour livrer l’apréciation politique générale de l’ADG sur les comptes 2000 du Canton. Une appréciation lucide… et anti-capitaliste!

Bernard Clerc

Les comptes sont l’occasion de dresser un bref bilan de la situation économique et politique de l’année 2000. La croissance économique s’est poursuivie l’an dernier permettant une progression du P.I.B. suisse de 3% en valeur réelle. Cette croissance s’est traduite à Genève par une baisse du taux de chômage annuel moyen de 5,1% en 1999 à 4,4% en 2000. A la fin de l’an dernier, plus de 14’000 personnes étaient encore inscrites comme demandeurs d’emploi auprès de l’Office cantonal de l’emploi. Ces données sur le chômage et d’autres sur l’aide sociale montrent que la croissance économique ne profite pas à l’ensemble de la population et marginalise celles et ceux qui sont écrasés par les restructurations économiques permanentes de l’économie capitaliste.


Capital contre salarié-e-s


Sur le plan des salaires, l’année 2000 a été marquée sur le plan suisse par une baisse réelle de 0,3%. Ce chiffre indique bien qu’il n’y a plus de corrélation entre la croissance économique et la redistribution des revenus. Il faut rappeler que, dans notre canton, le salaire médian réel a baissé de 6,7% entre 1992 et 1999. A l’évidence le capital s’approprie une part croissante de la richesse produite au détriment des salarié-e-s et accentue toujours davantage les inégalités de revenus.


En ce qui concerne les comptes 2000 de notre collectivité cantonale nous pouvons relever à la fois des éléments de satisfaction et des sources d’inquiétude.


Satisfaction d’abord de constater que les comptes sont légèrement bénéficiaires avec un boni de 21 millions, dont la moitié est attribuée à la réserve conjoncturelle, alors que le budget prévoyait un déficit de 276 millions. Ce résultat est obtenu avec la constitution de provisions de 369 millions contre 261 millions aux comptes 1999. Relevons également l’autofinancement des investissements nets à hauteur de 218%, investissements que nous avons voulu raisonnables dans une perspective anticyclique. Enfin le ratio de la dette brute au regard des revenus du canton est redescendu au niveau de l’année 1993 avec un taux de 164%. Ces résultats comptables ont été réalisés tout en respectant les accords passés avec la fonction publique, en finançant par rapport à 1997 les 1100 postes nouveaux qui sont nécessaires au maintien des prestations et en assurant les allocations sociales.


BCG: la facture de la spéculation


Mais cette satisfaction ne doit pas occulter les éléments négatifs. En premier lieu la nécessaire constitution de la provision de 2 milliards 700 millions relative à la déconfiture de la Banque cantonale. Les partis de droite qui chipotent à longueur d’année lorsqu’il s’agit de relever le montant des prestations sociales sont responsables directement et indirectement de cette débâcle. Directement parce qu’ils étaient majoritaires au sein des organes de direction de la Banque cantonale et indirectement parce que ce sont généralement les milieux économiques qu’ils représentent qui ont profité des largesses de la BCGe. Il faut rappeler ici que la perte probable sur les crédits immobiliers à risque représente un montant correspondant à sept ans de déficits moyens de notre canton! Pour être plus concret encore les 2,7 milliards de provision sont l’équivalent de la prise en charge pendant dix ans de plus de 11’000 bénéficiaires de l’assistance publique ou encore de 9’000 personnes âgées ou invalides! Voilà le prix de vos spéculations. Mesdames et Messieurs des partis de l’Entente, lorsque vous viendrez nous dire qu’il n’est pas possible de fixer des revenus minimums corrects, nous vous rappellerons ces chiffres.


Libéraux pompiers-piromanes


Le deuxième élément d’inquiétude provient du manque de recettes de 300 millions découlant de l’adoption de l’initiative libérale de réduction de 12% des impôts. Sous le régime monocolore, les pompiers qui criaient au feux en parlant de la dette se sont empressés deux ans plus tard d’allumer l’incendie en diminuant les recettes du canton.


Ainsi vous mettez un frein au désendettement qui permettrait, avec une orientation anticyclique, d’affronter la prochaine récession dont les signes annonciateurs se multiplient. La croissance proche de zéro aux Etats-Unis, la crise au Japon, les signes avants coureurs d’une récession en Allemagne, un système bancaire international fragilisé, des pays du sud en pleine décomposition et surtout une politique néolibérale qui persiste dans la fuite en avant, tout cela ne peut que conduire à plus ou moins brève échéance à une nouvelle crise économique majeure.


Les millionaires prolifèrent


Nous terminerons cette appréciation politique des comptes 2000 par un examen de l’évolution des revenus et de la fortune imposable dans notre canton qui traduit bien le développement des inégalités. Par rapport à l’année précédente, le nombre de contribuables disposant d’un revenu imposable de plus de 1 million est passé de 258 à 305 soit une augmentation de 18%. Depuis 1991, ces contribuables ont progressé de 63% alors que la récession est passée par là! A l’autre bout de l’échelle, le pourcentage de contribuables disposant de moins de 50’000.- Fr. de revenus imposables est en hausse de 0,6%. Crise ou pas crise, l’accaparement des richesses par une minorité se poursuit de manière scandaleuse.


Lorsqu’on examine l’évolution des fortunes, le tableau est tout aussi saisissant. Par rapport à l’an dernier, le nombre de contribuables disposant d’une fortune imposable supérieure à 1 million est passé de 6667 à 7300 soit une hausse de 9,5% et le total de leur fortune cumulée a progressé de 11,5%. Depuis 1991, leur nombre a cru de 65% et leur fortune imposable cumulée de 97% pour atteindre 35,7 milliards. A l’autre extrême de l’échelle des inégalités, les contribuables sans aucune fortune imposée représentent le 76% des contribuables. Ces chiffres tirés des rapports de gestion du Conseil d’Etat apportent une réponse sans équivoque à la question de savoir qui profite d’une politique de baisse des impôts.


Pour les personnes morales, en une année, le nombre d’entreprises réalisant un bénéfice imposé de plus de 1 million connaît une progression de 14% comme le montant total de leurs bénéfices cumulés qui atteint 2,9 milliards. Depuis 1991, ces entreprises ont augmenté de 86% alors que pendant ces dix dernières années les salarié-e-s de notre canton se sont serrés la ceinture.


Résistance !


Ces chiffres illustrent bien, année après année, la tendance structurelle de l’évolution économique de notre canton qui est en phase avec l’économie mondiale. La production de richesse découlant du travail des salariés et des progrès technologiques est accaparée par une minorité d’individus et d’entreprises grâce à la politique néolibérale de dérégulation, de privatisation et d’affaiblissement du rôle des Etats pratiquée ces vingt dernières années. Cette politique a été mise en oeuvre par des gouvernements de droite mais aussi par des gouvernements prétendument de gauche qui ne prennent même plus la peine de l’enrober d’un vernis social. L’oppression appelle la résistance et aujourd’hui cette politique est contestée. Il n’est plus de sommets mondiaux, de Seattle à Davos, de Göteborg à Barcelone, qui ne soit perturbés par celles et ceux qui refusent cette logique destructrice pour les humains et leur environnement.


Au Forum social mondial de Porto Alegre, les opposants dont nous sommes ont affirmé: «Un autre monde est possible», nous ajoutons «Parce qu’il est indispensable».