Pour Samuel Schmid: «Dunant lave plus blanc que Guisan»

A l’Ere des guerres humanitaires


Pour Samuel Schmid: «Dunant lave plus blanc que Guisan»


Un Comité de gens de bonne société, dont la vice-présidente, Françoise Buffat, chantre du libéralisme, de la lutte contre les subventions au profit de l’initiative privée, a décidé de célébrer une Genève, lieu pour la paix, à l’occasion du centième anniversaire de la remise du prix Nobel de la paix à Henry Dunant.

Daniel Künzi

Coût de l’opération: près de 800’000.- Fr. Dans la Tribune de Genève du 28 octobre, l’un des responsables mentionne que le Comité est formé de bénévoles! Heureusement, car on peut imaginer à quelle altitude la note se serait élevée, dans le cas contraire. La ville de Genève était invitée à participer au financement de ces manifestations à hauteur de 302’000.- Fr. (seulement). solidaritéS est monté au créneau du municipal pour dénoncer la participation de l’armée suisse que le comité voulait honorer en plaçant des pancartes laudatrices devant les officines qu’elle patronne à Genève, ainsi que dans une brochure et dans des dépliants. Nous avons déclaré que, si vraiment il était nécessaire de célébrer cet anniversaire, on pouvait verser cet argent au CICR. Voilà qui serait une action concrète dans la droite ligne de l’œuvre de Dunant. Au cours des débats, notre magistrat «allié», sous le label de l’Alliance de gauche, André Hediger, a expliqué que ce n’était pas avec l’armée que le Comité voulait travailler, mais avec le DDPS1 de Samuel Schmid, colonel UDC bien connu, et conseiller fédéral patron de l’armée. Cette déclaration, d’une rare stupidité, a fait rire tout le monde !


Refus des crédits pour redorer le blason de l’armée


Les socialistes, aimables conciliateurs, ont donc présenté un amendement stipulant qu’il n’était pas question que la ville, directement ou indirectement, verse des fonds à un comité travaillant avec l’armée. La suite allait confirmer mes pressentiments! C’est donc Samuel Schmid qui est venu ouvrir ces manifestations à Balexert2. Il était entouré d’un magnifique capitaine au képi impeccable, ainsi que par un (ou plusieurs ?) membre de l’ancienne armée secrète, J.-S. Egli. Dans un long discours il affirma que pour le bien de la paix, il fallait renforcer les armées, et que l’on pouvait le faire lors de votations. Allusion à la votation pour l’abolition de l’armée du 2 décembre prochain. Au moment même ou les USA renvoient poliment à leur expéditeur, le protocole du CICR qui leur recommande de ne pas utiliser de bombes nucléaires en Afghanistan, Samuel Schmid n’a pas eu un seul mot pour dénoncer les bombardements criminels de l’armée américaine, particulièrement sa destruction d’un centre de déminage de l’ONU. Ou mieux encore, aucune protestation contre les bombardements répétés d’entrepôts du CICR.


A Balexert comme à Bagdad…


Un petit groupe du GSsA a tenté de déployer une banderole sur laquelle il était écrit: Tout soldat fait le métier d’assassin, signé Henry Dunant. Aussitôt la sécurité est intervenue pour nous empêcher de déployer cette banderole, prendre nos identités et nous menacer d’arrestation immédiate. Cela ne se passait pas sur la Place Rouge dans les années 70, mais à Genève le 23 octobre 2001. Encore une fois, une socialiste qui faisait partie de ce beau monde, Elisabeth Reuss, a voulu jouer la conciliatrice en se proposant de parler à la place du GssA (comme si il n’avait pas de langue!). Nous l’avons invitée à lire notre communiqué de presse. Le GSsA a profité de la présence du patron de l’armée pour dénoncer l’hypocrisie de l’armée suisse qui finance à Genève un Centre international de déminage humanitaire, mais fabrique des bombes à fragmentation dans une usine dont elle est actionnaire principale à Thoune3. Ces bombes sont fabriquées en collaboration avec Israël, qui les teste dans le désert du Neguev, et les utilise probablement à des fins pacifiques! Je repense à une vieille définition de la Croix Rouge de l’époque de la guerre du Biafra: la Croix-Rouge, c’est le service après-vente du marchand de canons Büehrle!


… la répression!


Le CICR, ainsi que la Campagne suisse contre les mines antipersonnel, ont demandé l’interdiction de cette munition. Mais pour l’armée suisse ce n’est pas une solution réaliste: «La munition à fragmentation est trop importante du point de vue militaire» selon Martin Dahinden de l’Etat-major suisse. «Il faut plutôt réduire le taux de ratés». Notre brave socialiste, bien connue pour son combat contre les mines… a retiré sa proposition de parler à notre place: ça je ne peux pas le lire! La Tribune de Genève (27 octobre) a demandé à l’un des organisateurs pour quelle raison le GSsA n’était pas invité aux tables de discussion, étant donné que, tout de même, sa proposition d’abolition de l’armée avait été acceptée dans notre canton. Ce brave homme a expliqué qu’il ne fallait pas tout confondre: ce n’est pas parce qu’on est pour l’abolition de l’armée que l’on est pour la paix! Tout ce beau monde se retrouvera à la Cathédrale le 9 novembre pour la cérémonie de clôture. Et il est bien possible que leurs prières d’un monde meilleur, pour les riches, soient entendues! Au même moment, la gauche organisera une série de manifestations qui débuteront à Plainpalais. Le 9 novembre 1932 l’armée tirait sur une foule antifasciste faisant une treize morts et 80 blessés.


Cet épisode laisse quelques questions en suspens. Qu’en est-il du pouvoir du municipal de la Ville de Genève…sur son exécutif? On comprend toujours mieux pour quelles raisons les électeurs des couches populaires s’abstiennent: si sur une question de principe aussi élémentaire l’Alternative s’acoquine avec l’armée! Le magistrat du Parti du Travail, André Hediger, porte la responsabilité de cette affaire. L’UDC n’est pas encore (?) au municipal, que la Ville contribue à l’inviter à Genève, en violant un vote majoritaire de l’Alternative! Est-ce que solidaritéS peut encore se revendiquer de faire de la politique autrement en étant lié à l’Alliance de gauche? Qu’en est-il de notre crédibilité?4



  1. Dép. de la défense de la population et des sports
  2. Le catalogue Geneva a place for Peace mentionne que: La réalisation matérielle de cette exposition a été prise en charge par la Confédération suisse, plus particulièrement le Département de la défense, de la protection de la population et des sports(…).
  3. Voir à ce sujet l’article de Tobbia Schnebli dans le journal du GssA d’avril 2001
  4. Voir mon article sur la culture à Genève, paru dans Le Courrier du 24 octobre.



conférence-débat Genève un lieu de paix, vraiment?


9 novembre Plaine de Plainpalais


L’historien Marc Vuilleumier fera un exposé. En première partie, nous diffuserons un documentaire de la TV suisse alémanique sur les missions, dites sanitaires, du colonel Bircher avec la Croix Rouge, sur le front de l’Est pendant la deuxième guerre mondiale. Ce documentaire est inédit en Romandie, et pour cause, il relate ce qui constitue pour moi le plus grand scandale de l’histoire suisse: la coopération de l’armée suisse et de la Croix Rouge à la guerre d’extermination des nazis à l’Est. Le travail commun de l’armée et de la Croix Rouge ne date pas d’hier!