Vote du 8 février: exorcisme europhorique…

Vote du 8 février: exorcisme europhorique…

59,6% de celles et ceux qui ont voté, le 8 février, ont
approuvé la reconduction par la Suisse de l’Accord sur la
libre circulation des personnes (ALCP)  avec l’Union
européenne (UE) et son extension à la Bulgarie et
à la Roumanie. C’est avec soulagement que
l’establishment politique helvétique a accueilli ce
résultat. Sur fond de crise économique majeure, les
associations patronales, les directions syndicales, le Conseil
fédéral, ainsi que les partis gouvernementaux, sauf
l’UDC, ont mené une campagne massive, fondée sur la
peur, matraquant à l’envi leur message sur le
prétendu effet d’amplification de la récession que
provoquerait un refus populaire.

La ministre socialiste des Affaires étrangères, Micheline
Calmy-Rey, va même jusqu’à déclarer, au
lendemain du scrutin, que «la libre circulation s’est
jusqu’à maintenant révélée un moteur
économique. Elle est un programme conjoncturel à elle
toute seule». Les 9668 chômeuses et chômeurs
supplémentaires, en janvier 2009 par rapport à celles et
ceux de décembre 2008, comptabilisés par le
Secrétariat d’Etat à l’économie,
apprécieront… tout comme du reste les jeunes, dont le
taux de chômage, en une année, a augmenté de 18,6 %
!

L’UDC a, quant à elle, mené une campagne
également fondée sur la peur, celle de
«l’invasion» étrangère et des
soi-disant abus en matière de prestations sociales, liés
à l’extension de l’ALCP aux ressortissant-e-s
bulgares et roumains. Une campagne xénophobe, nourrie par la
précarité et l’insécurité face
à l’avenir, ressenties par de nombreux salarié-e-s
et retraité-e-s. D’où un taux de rejet
supérieur à celui de la moyenne cantonale, à
Genève, dans des communes comme Onex, Meyrin ou Vernier, ou dans
la canton de Vaud, dans des communes comme Renens, Chavannes
près Renens, Yverdon-les Bains, Prilly…

Un constat s’impose: le résultat du vote du 8
février a été largement déterminé
par la manipulation des peurs ressenties par une grande part de la
population, en lien avec les conséquences de la crise sur les
conditions de vie et de travail.

Le mouvement solidaritéS a appelé à voter OUI,
parce que nous défendons des droits inscrits dans l’ALCP
pour les ressortissant-e-s de l’UE: droit au séjour, aux
prestations sociales, au regroupement familial. Nous défendons
également la nécessité d’étendre tous
ces droits à toute personne vivant et travaillant en Suisse,
quelque soit son pays d’origine.

Agir contre le dumping salarial et social passe aujourd’hui, plus
que jamais, par la régularisation des quelque 150 000 à
200 000 travailleuses et travailleurs sans-papiers, corvéables
et malléables à merci du fait même de leur absence
de statut légal. C’une mesure immédiate à
prendre pour aller à l’encontre de la sous-enchère
salariale! Ces femmes et ces hommes sont en effet très souvent
exploité-e-s avec des salaires de misère. Elles-ils
n’ont pas véritablement la possibilité de 
défendre leurs droits face à des employeurs qui tirent
profit de leur extrême vulnérabilité.

Pour contrer les pressions à la baisse sur les salaires,
solidaritéS se bat pour l’introduction du droit à
un salaire minimum, sur le plan cantonal et fédéral. Un
cran d’arrêt indispensable et un droit sur lequel
s’appuyer pour défendre le pouvoir d’achat!

Ces luttes doivent se coordonner à l’échelle
européenne, sur le plan syndical. Notre OUI du 8 février
est aussi un OUI à la libre circulation des luttes! Ce
d’autant que l’on assiste aujourd’hui à une
mise en concurrence toujours plus féroce des salarié-e-s
entre eux, dans le cadre de l’UE. Les arrêts récents
de la Cour de justice des Communautés européennes
(arrêts Viking, Luxembourg, Rüffert et Laval) ressuscitent
la directive Bolkenstein. Au nom du droit à la libre prestation
de services, des règles essentielles de protection des
salarié-e-s dans le pays d’accueil sont remises en cause;
ce sont celles du pays de provenance de l’entreprise, bien
entendu moins protectrices, qui s’appliqueraient…

L’enjeu est d’importance: qui va payer cette crise
économique? Les réponses de Couchepin, Merz, Calmy-Rey,
Sarkozy, Merkel ou Berlusconi ne sont pas les nôtres! La
mobilisation de deux millions et demi de grévistes dans les rues
des principales villes de toute la France, le 29 janvier 09, montrent
qu’une autre réponse est possible, celle de la
résistance contre la résignation, celle de l’action
collective et de la solidarité contre la mise en concurrence, le
chacun pour soi et la xénophobie.

Jean-Michel Dolivo