Elections portugaises: succès du Bloc de gauche

Elections portugaises: succès du Bloc de gauche



Les récentes élections
portugaises ont été marquées par
l’effondrement du PS et du principal parti de droite, le PSD. En
revanche, l’extrême droite parlementaire s’est
renforcée et le Bloc de gauche a fait un grand bond en avant.

L’un des principaux dirigeants du Bloc, Francisco Louça,
propose une analyse de ces résultats que nous reprenons ici dans
ses grandes lignes.

1. Le PS va poursuivre son orientation à droite

Après son grave échec aux élections
européennes, le PS n’a pas infléchi sa politique.
Il obtient cette fois-ci son pire résultat depuis 20 ans. Et
pourtant, il ne semble pas mettre en cause son programme
économique et social (démantèlement du code du
travail et de la sécurité sociale), qui suscite une
flambée de mécontentement, ni son programme de
privatisations. Il y a des raisons structurelles à cela.

2. Un changement du paysage politique sous pression d’une politique libérale de droite

Les élections révèlent aussi la
déroute du PSD, principal parti de droite (29 % des
suffrages), face à un PS qui occupe le même terrain
social : une bourgeoisie de plus en plus liée aux
prébendes de l’Etat (privatisations, concessions de
travaux publics, subsides, etc.) Même l’extrême
droite parlementaire (le CDS), qui s’est renforcée avec un
discours anti-immigrés autoritaire, ne rêve que d’un
retour au pouvoir, pour participer aux bénéfices de ses
trafics d’influence.

3. La victoire du Bloc de gauche consacre la principale force socialiste de l’histoire du Portugal

Avec 560 000 voix et 9,9 % des suffrages, le Bloc de
gauche double son nombre de député-e-s, qui passe de 8
à 16, et obtient des élu-e-s dans la plupart des
régions du pays. Il opère aussi une percée dans
les districts les plus populaires : 20 % à Marinha
Grande, 15 % à Rabo de Peixe (la commune la plus pauvre
du pays), 10 % dans les régions intérieures les
plus marginalisées…
    Jamais le Bloc n’avait obtenu un tel
succès dans l’électorat populaire. Pourquoi
cela ? Parce que son programme « était le
plus clair, le plus lu, le plus discuté », et que
sa force résidait « dans la mobilisation à
laquelle il convoquait pour répondre concrètement
à la crise », répond Francisco Louça.

4. Les milieux dominants ont fait feu de tout bois contre le Bloc et ils vont continuer

Le Bloc fait peur aux milieux dominants, parce qu’il entend
reconfigurer la gauche et constituer une nouvelle force pour disputer
la majorité au PS de José Socrates (premier ministre) et
à la droite. Or, il n’y aura de gouvernement de gauche au
Portugal que s’il est porté par une force sociale de
combat pour la justice économique.

    « Pourquoi le Bloc dérange-t-il
tant ? Parce qu’être socialiste et lutter pour la
justice économique exige d’abord de révéler
la portée de cette crise comme un crime contre la population,
les travailleurs et les retraités ». Le Bloc exige
ainsi la renationalisation de la majorité du capital des
compagnies énergétiques, GALP Energia (pétrole et
gaz) et EDP (électricité), ce qui met en péril de
très puissants intérêts privés.

5. La gauche à la croisée des chemins

La crise économique n’est pas une perturbation
passagère. Et si le PS a perdu la majorité absolue,
c’est précisément parce que de nombreux
électeurs et électrices socialistes ont
réalisé que le gouvernement avait facilité la
spéculation et volé au secours de la BPN (Banco
Português de Negócios), tandis qu’il
démantelait la sécurité sociale.

    La nécessité de reconfigurer la gauche
découle du constat suivant. La crise va continuer à
s’aggraver, avec un taux de chômage structurel
insupportable et une débâcle des finances publiques qui
imposera des choix douloureux: soit la dégradation des services
publics et la hausse des impôts pour les plus démunis;
soit la lutte contre l’injustice fiscale et un effort de
redistribution accru en faveur de celles et ceux qui en ont le plus
besoin.


Jean Batou