Rhino gagne à Strasbourg de dix sous à 100 000 francs

Rhino gagne à Strasbourg de dix sous à 100 000 francs



Une étape de
démantèlement des droits démocratiques avait
été franchie, à Genève début 2006,
avec la décision d’un tribunal de décréter
la « dissolution » de l’association
RHINO. Décision cassée à Strasbourg !

Au-delà du soutien aux occupant·e·s de ce
haut-lieu culturel alternatif, symbole de la défense du droit au
logement contre les spéculateurs, nous avions à
l’époque dénoncé une décision
scandaleuse pour tous·toutes les démocrates pour qui la
liberté d’association est un droit essentiel. En effet, si
le principe de la dissolution de RHINO était admis, il n’y
a pas d’association, de syndicat, de mouvement progressiste, qui
n’aurait été potentiellement menacé par
l’épée de Damoclès d’une interdiction,
avec saisie à la clé de ses moyens matériels. Il
faut remonter aux années brunes, avec l’interdiction et la
dissolution du Parti communiste suisse, en 1937 à Genève
et en 1940 sur le plan fédéral, pour trouver une mesure de
ce type…

    Or que reprochait-on à l’association
RHINO ? De ne pas considérer que le sacro-saint
« droit à la propriété »
primait sur tous les autres droits. En effet, dans la demande de
dissolution de RHINO, déposée par le cabinet de
l’avocat Benédict Fontanet, on trouvait des
griefs – dont l’immoralité
prétendue de RHINO – démontrés
comme suit :

    Non seulement le droit suisse mais aussi la
« morale dominante » (sic !)
« garantissent la propriété
privée ». Dans les statuts de Rhino figure
notamment comme objectif le fait que « l’association
s’efforce de soustraire les immeubles qu’elle occupe du
marché immobilier et de la spéculation. »
« Or une telle soustraction, contre la volonté des
propriétaires, est illicite et évidemment contraire aux
mœurs. » CQFD. On présentait ainsi comme criminel
non pas des actes concrets, mais l’objectif idéal de
soustraire un bien de première nécessité
répondant à un besoin vital – du logement –
au marché et aux spéculateurs.

    Or nos ami·e·s de RHINO n’ont
pas baissé les bras, au contraire. D’abord
déboutés par le Tribunal fédéral,
ils·elles n’ont pas
hésit頖 avec leur avocat Me Pierre
Bayenet – à saisir la Cour européenne des droits de
l’homme (CEDH) pour demander l’annulation de leur
dissolution. Or dans un arrêt rendu public ce 11 octobre, la CEDH
casse les décisions successives des tribunaux suisses en
déclarant la dissolution de RHINO disproportionnée et les
motifs invoqués à l’appui de celle-ci non
pertinents.

    Les frais de justice sont en outre mis à la
charge de la Confédération, qui devra verser à
RHINO plus de 100 000 francs d’indemnités.

    Nous reviendrons évidemment sur cette
affaire. Signalons juste encore deux réactions
différentes. Le candidat libéral aux Etats Christian
Lüscher – mauvais perdant – n’a pu se retenir de
remettre en cause la décision de la CEDH, annonçant de
son chef que l’association ne recevrait « pas un
centime » !

    Le conseiller municipal Pierre Vanek du groupe
«Ensemble à Gauche » a – quant à
lui – interpellé derechef les autorités municipales
de la Ville de Genève, demandant qu’elles ressuscitent la
corne rouge de RHINO sur l’un de nos édifices publics,
pour saluer cette victoire des droits démocratiques et
commémorer la contribution de RHINO à la culture et
à la lutte conter la spéculation. Affaire à
suivre, donc…

Pierre Vanek