Élection au Conseil d’Etat: pas de consigne de vote

Élection au Conseil d’Etat: pas de consigne de vote

Les licenciements se multiplient, le chômage croit, la pression sur les salarié-e-s augmente, la «flexibilité» est à l’ordre du jour pour les travailleurs-euses, les conditions de vie sont de plus en plus dures pour la majorité. Les inégalités croissent, le nombre de working poor se multiplie, les primes d’assurance maladie explosent, les propriétaires profitent de la crise du logement pour faire hausser les loyers, les services publics sont menacés…


A Genève, la majorité de droite à des projets concrets. Par exemple: démonter la protection des locataires et faire passer 450 millions de cadeaux fiscaux aux nantis, grâce à un train de projets de loi libéraux. L’Entente bourgeoise a choisi un candidat, le radical François Longchamp, qui a fait ses premières armes sous Guy-Olivier Segond, à l’époque du gouvernement monocolore de droite, en préparant la fermeture de la clinique de Montana comme projet pilote pour le «redimensionnement» des hôpitaux genevois…

Un-e candidat-e de la gauche?

Dans cette situation, le PSG a décidé seul de désigner Charles Beer comme «le candidat socialiste» à la succession de Micheline Calmy-Rey au Conseil d’Etat. Il n’a jamais eu l’intention de construire une base quelconque pour présenter une candidature de gauche qui porte un minimum de contenu politique… qui le soit aussi. Charles Beer quant à lui n’a – à ce jour – pas pris position sur des questions essentielles liées au département des finances, dont il brigue pourtant la présidence: soutiendra-t-il l’initiative populaire de l’ADG pour taxer les grandes fortunes et les gros bénéfices, qui a recueilli une majorité de suffrages populaires et qui doit être concrétisée, fera-t-il tout pour s’opposer aux cadeaux fiscaux aux riches auxquels travaillent la droite, dans le but d’étrangler les prestations sociales et le service public par une politique des caisses vides? On l’a vu – par contre – demander que soit étudié «l’application des critères de Maastricht à notre économie cantonale»1.

Charles Blair?

Dans ces conditions, le choix de Charles Beer illustre l’orientation de la majorité de ce parti, qui envisage sereinement une participation minoritaire, archi-consensuelle, à un Conseil d’Etat majoritairement de droite, appuyé par une majorité parlementaire des partis de l’Entente, avec comme béquille l’UDC. Ce sont des politiques de cet ordre qui ont amené récemment la social-démocratie européenne aux défaites que l’on sait dans la plupart des pays.


La désignation de ce candidat, par une courte majorité du PSG, constitue un important signal. Tout d’abord, comme a pu le relever un commentateur, Charles Beer a un profil politique qui le situe comme «fils spirituel de Tony Blair»2, un syndicaliste «pragmatique», d’appareil et de compromis, qui a soutenu l’extension des horaires d’ouverture des magasins, sous les applaudissements nourris des libéraux au Grand Conseil… et refusé que le personnel soit consulté à propos de cette mesure!

Dialogue à la Davos

Le candidat du PS affirme que la collégialité au Conseil d’Etat ne serait plus «une fin en soi»… s’il n’était pas élu!3 Il s’est aussi distingué en appuyant la participation de Genève comme membre du World Economic Forum de Davos, lieu utile pour «faire discuter les entreprises et les gouvernements», des «associations non gouvernementales et des syndicats» et en défendant le WEF contre l’accusation d’être «un club de multinationales»4.


Il a participé au comité «transpolitique» (sic!) de soutien à l’initiative pour la fusion Vaud-Genève, qui s’appuyait sur une étude de l’officine Eco’diagnostic, qui y voyait une solution au «problème principal de la région Vaud-Genève [qui] réside dans un marché du travail peu flexible, une administration publique pléthorique (y compris une offre excédentaire d’institutions d’enseignement et de santé d’origine étatique)»5.


Au chapitre de la «flexibilité» justement, Charles Beer a été l’un des chauds partisans de l’initiative fédérale pour l’annualisation du temps de travail, lancée par l’USS, saluant son «pragmatisme» qui offrait aux «branches» économiques «la possibilité d’adapter à la fois le rythme et l’organisation même du temps de travail»6.

Fatal aux femmes

Le PSG brigue un second siège au gouvernement pour un homme qu’il a préféré à trois femmes, dont l’une avait été pressentie pour le Conseil fédéral (!). Il foule ainsi au pieds, de façon délibérée, ses engagements publics réitérés en faveur de la parité. «Quand les femmes n’avancent pas elles reculent…»7 a affirmé une oratrice lors de l’AG du PS – nous ne pouvons que lui donner raison sur ce point. C’est bien à un recul pour les femmes qu’on nous appelle à consentir avec cette candidature.


Fin 2001, solidaritéS avait appelé à soutenir la liste déposée par l’ADG: elle présentait alors deux femmes (Micheline Calmy-Rey et Erica Deuber Ziegler) et deux hommes (Robert Cramer et Laurent Moutinot). Nous n’avions pourtant signé aucun accord de gouvernement avec le PSG et les Verts, prenant seulement des engagements par rapport au programme électoral de l’Alliance de Gauche.


Cette fois-ci, le PSG a décidé seul de présenter un candidat ultra-centriste et de renoncer à promouvoir l’élection d’une femme. On verra donc trois hommes se disputer le siège laissé vacant par une femme.

Pas de chèque en blanc

Dans de telles conditions, solidaritéS estime qu’il appartient à Charles Beer et au PSG de convaincre les électrices et les électeurs que son candidat défendra une politique de gauche et féministe au Conseil d’Etat. En ce qui nous concerne, nous refusons de lui signer un chèque en blanc. Nous renonçons donc à donner une consigne de vote en sa faveur, tout en appelant bien entendu à ne pas voter pour les candidats de la droite.


Cependant, nous ne resterons pas les bras ballants, bien au contraire. Quel que soit le résultat de ce scrutin, nous continuerons à recourir à tous les moyens à notre disposition – initiatives, référendums, mobilisations sur les lieux de travail, dans les quartiers et dans la rue – pour résister et proposer des alternatives au démontage social en cours.


Nous nous efforcerons aussi de relayer ce mouvement social au sein des parlements cantonal et municipaux afin de battre sur le terrain les projets de la droite, des patrons, des propriétaires et des régisseurs, comme nous y sommes parvenus en décembre, en obtenant le rejet en votation populaire d’une première attaque de la majorité de droite à la protection des locataires.


Ce texte reflète la prise de position unanime (moins deux abstentions) de l’AG de solidaritéS, tenue à Genève, le 12 janvier 2003 à laquelle il a été soumis.

  1. Le Temps, 11 janvier 2001
  2. Commentaire de J-P. Gattoni dans Le Matin du 9.1.03
  3. Cité in Tribune de Genève du 10.01.03
  4. Mémorial du Grand conseil genevois du 26.01.01 (nuit)
  5. Vaud-Genève: aspects socio-économiques de l’union des deux cantons (février 1999)
  6. Charles Beer, L’invité, dans la Tribune… du 25.1.02
  7. Christiane Brunner, citée dans Le Courrier du 8.1.03