L'égalité concerne aussi les hommes

L’égalité n’est pas qu’une affaire de femmes. Les hommes aussi s’y mettent et revendiquent des droits spécifiquement masculins. Mais de quoi s’agit-il?

Grande première en Suisse, Zurich crée un poste de préposé aux questions masculines dépendant du bureau de l’égalité. Le canton estime que la situation des femmes s’est bien améliorée ces dernières années et qu’il faut maintenant également prendre en compte les préoccupations des hommes. Ces derniers n’ont, semble-t-il, pas toujours la vie facile. Beaucoup éprouveraient des difficultés à concilier vie familiale et vie professionnelle. La charge de défenseur des affaires masculines revient à Markus Theunert, militant pour le droit des hommes et des pères. Il occupera ce tout nouveau poste dès le mois de juillet.

   Il y a donc, semblerait-il, des revendications “typiquement masculines“ en ce qui concerne l’égalité. Le site de maenner.ch, faîtière suisse des organisations masculines et paternelles dont le président n’est autre que Markus Theunert, en énumère quelques-unes. Pour ses militants, les hommes doivent pouvoir travailler moins afin d’avoir plus de temps pour leurs enfants. Ils revendiquent un congé paternité et un droit de garde partagé. Ils pensent que les hommes doivent apprendre à parler plutôt qu’à frapper et que l’enrôlement militaire ne doit plus être obligatoire. Les membres de maenner.ch sont également pour une reconnaissance juridique des travailleuses et travailleurs du sexe.

 

L’égalité par le féminisme

Selon maenner.ch, les féministes luttent uniquement pour les droits des femmes et ne prendraient pas assez en compte les perspectives masculines et la situation des pères. Pourtant, les revendications de ces hommes font également partie du répertoire d’actions des femmes et des féministes. Le 14 juin 2011, par exemple, les femmes soutenues par leurs partenaires masculins revendiquaient une réduction généralisée du temps de travail qui permettrait, entre autres, aux mères comme aux pères d’avoir plus de temps pour leurs enfants. Récemment encore, la commission femmes du SSP a appelé à se mobiliser en faveur du congé paternité. Les féministes luttent également contre les violences faites aux femmes, pour la paix et pour une meilleure reconnaissance des travailleuses du sexe.

   Sur les questions d’égalité, il semble difficile de délimiter ce qui relève typiquement des hommes ou ce qui ne concerne que les femmes. Le congé paternité, par exemple, est bénéfique pour les hommes qui pourraient s’impliquer dès le début dans leur rôle de père. Les femmes en profiteraient également, car elles ne seraient plus seules pour gérer la venue du nouveau-né. L’égalité ne concerne donc pas que les femmes (ou que les hommes). Il est important que les hommes aussi se mobilisent. Ils apportent avec eux de nouvelles forces, de nouvelles idées et de nouvelles thématiques qui ne peuvent que renforcer les mouvements pour l’égalité entre hommes et femmes.

 

Dérives masculinistes

La lutte pour le droit des hommes uniquement mène rapidement à des dérives. En effet, les hommes sont alors considérés comme les seules victimes et la domination masculine est niée. Cette tendance masculiniste est reprise en Suisse par le Parti des hommes ainsi que par la communauté d’intérêt anti-féministe (IGAF). Pour ces hommes, les féministes auraient comme unique but d’exterminer la gent masculine et de mettre en place un tout puissant matriarcat. Alfredo Stüssi, membre du Parti des hommes, compare les féministes à  «[…] un ramassis de lesbiennes qui haïssent les hommes.?» (Le Matin, 04.07.2011). Les clichés utilisés sont les mêmes que ceux utilisés par certains mouvements d’extrême droite dans les années 1970. IGAF prône une véritable haine contre les féministes, notamment à l’aide de diaporamas des ministres de l’égalité soi-disant les plus moches.

     Ces dérives masculinistes sont extrêmement dangereuses. Les hommes sont considérés comme les seules victimes, alors que les femmes souffrent encore actuellement de la domination masculine. En effet, elles sont toujours peu représentées dans les sphères de pouvoir. Elles sont moins bien payées que les hommes. Elles sont victimes de viols et de violence. Les masculinistes attaquent également les acquis du féminisme. Ils critiquent la pension alimentaire, alors qu’il s’agit, pour certaines mères qui ont dû abandonner leur emploi ou travailler à temps partiel pour élever leurs enfants, de leur seule chance de vivre dignement. Ils sont également réactionnaires en matière d’avortement qui, selon eux, doit être soumis au consentement du partenaire. Les femmes ne disposeraient donc plus librement de leur corps.

   L’égalité concerne les hommes et les femmes. Le bureau de l’égalité doit donc être composé d’hommes comme de femmes. La création d’un poste séparé de préposé aux questions masculines, par contre, est quelque peu douteuse. En effet, cela tend à masquer que la société actuelle discrimine plus particulièrement les femmes que les hommes et que les revendications masculines concerne dans les faits aussi les femmes. Surtout, on s’étonne du constat de la ville de Zürich quant au fait que la situation des femmes s’est bien améliorée ces dernières années. Ce constat minimise les inégalités contemporaines, que ce soit au niveau des salaires, du partage des tâches ménagères ou encore des normes sociales et fait comme si les femmes étaient aujourd’hui mieux loties que les hommes. Espérons que Markus Theunert s’en tienne aux revendications de son association maenner.ch, lie ses revendications à celles des féministes et ne sombre pas dans les dérives les plus graves des masculinistes anti-femmes.

 

Nora Köhler