Portugal

Portugal : Succès de la mobilisation contre l'austérité

Samedi 15 septembre dernier, d’importantes manifestations ont eu lieu dans quelques villes européennes, puisque c’était un jour de mobilisation internationale. Mais ce que nous avons vécu à Lisbonne et dans une vingtaine de villes portugaises ne peut se comparer qu’à la Révolution de 1974 –?1975. Dans le pays entier, on estime le nombre de manifestants à un million, à Lisbonne à un demi-million. 

 

L’association des officiers des forces armées a appelé ses membres à refuser toute répression. L’organisation des soldats est allée jusqu’à exiger le retrait du Gouvernement. Cette fois, la police s’est montrée prudente et même si elle a été attaquée à plusieurs reprises, elle n’a guère réagi aux provocations. 

Le plus petit des Partis formant la coalition gouvernementale actuelle, le CDS démocrate-chrétien, a déclaré au lendemain des manifestations qu’il s’opposerait à la principale des mesures annoncées par le Premier Ministre une semaine auparavant.

Cette mesure consiste dans l’augmentation de la cotisation versée par les salariés à la sécurité sociale. Jusqu’à présent, notre cotisation s’élevait à 11 %, les employeurs devant payer 23,5 %. Désormais, nous devrions verser 18 % alors que la contribution des patrons devrait régresser à 18 %. En clair, un cadeau aux employeurs et une augmentation considérable de la pression fiscale pesant sur nous. Cela signifie que le Gouvernement veut réduire notre salaire d’environ 8 % supplémentaires alors que les mesures qui ont déjà été prises ont diminué notre rétribution d’environ 30 %, de telle sorte que nous ne gagnons actuellement plus que 70 % de ce que nous gagnions il y a une année. Parallèlement, tous les prix s’accroissent fortement: ceux de l’électricité, de l’eau, des produits alimentaires, de l’essence, des transports, de toutes les taxes, alors que ces prix étaient déjà parmi les plus élevés en Europe.

 

La goutte qui fait déborder le vase

Même les organisations patronales ont sévèrement critiqué la mesure annoncée par le Gouvernement parce qu’elles considèrent que le seuil de tolérance de la population est déjà dépassé et qu’elles redoutent que cette nouvelle baisse du pouvoir d’achat n’aggrave la récession. On peut illustrer l’ampleur de l’attaque récente par un exemple: une personne qui gagne un salaire moyen, disons 1400 euros bruts, devait payer 154 euros pour la sécurité sociale. Désormais, il devrait verser 252 euros. Au bout d’une année, la perte de revenu équivaut quasiment à un mois de salaire.

            Jusqu’ici, la politique d’austérité a été tolérée passivement par la grande majorité de la population. Mais le cadeau de nos cotisations aux patrons semble être la goutte qui fait déborder le vase. Les manifestations de samedi dernier pourraient constituer un tournant. La genèse de ces manifestations est intéressante. L’initiative a été prise, à la mi-août, par une association de travailleurs et travailleuses précaires et de chômeurs et chômeuses. Cette association est influencée par le Bloc de Gauche et il s’agissait pour ce dernier de n’organiser qu’une sorte de rassemblement destiné à couper l’herbe sous les pieds d’une fraction qui venait de scissionner du Bloc. Mais soudainement, le Premier Ministre a tenu son discours annonçant la mesure mentionnée plus haut, provoquant une énorme irritation. L’appel à manifester et la date avaient déjà été publiés, et tout à coup, chacun voulait y participer. Ce qui avait débuté comme un appel motivé par la concurrence entre deux petits partis de gauche s’est transformé en un gigantesque événement.

 

Frilosité des syndicats

De leur côté, les directions locales des syndicats sont demeurées obstinément opposées aux manifestations. Dans la société où je travaille, à Lisbonne (la Radio-Télévision portugaise), lorsque le Comité d’entreprise a appelé à sortir dans la rue, la bureaucratie syndicale a organisé une assemblée, trois jours avant le samedi 15 septembre, en proposant une série de petites actions mais sans appeler à la grande manifestation. Cette assemblée est restée relativement petite (environ 120 personnes) et n’a pas pu contrer les décisions prises par l’assemblée que nous avions organisée dix jours auparavant (environ 400 personnes). Nous avons donc pu conserver une marge de manœuvre suffisante pour accepter de prendre part aux petites actions mais sans renoncer à appeler à la grande manifestation. Cette dernière a pleinement confirmé que notre orientation était la bonne. Plus de 200 membres de l’entreprise ont défilé dans notre tronçon et beaucoup d’autres dans le reste de la manifestation.

            Dans la semaine qui a suivi, beaucoup d’entre nous ont participé aux différentes actions prévues, à l’origine, par la bureaucratie syndicale pour court-circuiter la grande manifestation. De nouveau le même paradoxe : ce qui avait commencé comme une manœuvre sectaire a soudainement gagné de la force d’attraction parce que les gens qui avaient vécu le succès de samedi se sentaient maintenant stimulés à poursuivre la mobilisation.

 

Antonio Louça (traduction, titre et intertitres de notre rédaction)