Devaud poursuivi pénalement pour avoir alerté le parlement?

Selon La Tribune, la Commission législative du Grand Conseil, siégeant à huis-clos, a proposé de lever l’immunité de magistrat de Daniel Devaud, donnant suite à une demande du procureur général Jornot qui entend le poursuivre pénalement.

 

Cette position est inadmissible parce qu’on reproche à Daniel Devaud d’avoir transmis au Grand Conseil (plus exactement au bureau et aux chefs de groupe) des informations couvertes par le secret de fonction, à l’appui des allégations concernant les dysfonctionnements de la Cour qu’il a formulées. Or, le Grand Conseil est – de par la loi – l’autorité de surveillance de la Cour des comptes, qui peut et doit connaître les faits concernant le fonctionnement de la Cour pour exercer son rôle de surveillance.

Si le matériel fourni par Daniel Devaud au seul Grand Conseil a fait l’objet d’une diffusion publique inappropriée ou illégale, c’est qu’il s’est trouvé, au sein du Grand Conseil, des député·e·s pour ne pas respecter leur « secret de fonction » propre. Il est d’autant plus choquant de voir une commission dudit parlement décider, unanimement, que Daniel Devaud doit être poursuivi pénalement en la matière.

Relevons qu’on nous a vendu la nouvelle Constitution en vantant en particulier – notamment du côté du PLR – son art. 26 sur la Liberté d’opinion et d’expression. Celui-ci contient un alinéa sur la protection des « lanceurs d’alerte » ainsi libellé :

 

« Toute personne qui, de bonne foi et pour la sauvegarde de l’intérêt général, révèle à l’organe compétent des comportements illégaux constatés de manière licite bénéficie d’une protection adéquate. »

 

Or par sa décision, avant que l’encre de ce texte ne soit sèche, la Commission législative du Grand Conseil, composée majoritairement de représentant·e·s de partis gouvernementaux, en viole tant la lettre que l’esprit, en considérant qu’un magistrat qui «de bonne foi et pour la sauvegarde de l’intérêt général » a simplement communiqué « à l’organe compétent » des comportements qu’il a considérés comme non conformes à la loi « constatés de manière licite », non seulement ne bénéficie d’aucune protection, mais se voit dépouillé de celle que la loi lui confère !

C’est grave, pas principalement pour Daniel Devaud, qui saura se défendre, mais parce que le signal donné est détestable pour tous les citoyen·ne·s, pour tous les salarié·e·s, qui seraient appelés, au nom de la défense du bien commun, à prendre leur courage à deux mains et à dénoncer des comportements inacceptables ou illégaux de plus puissants qu’eux.

 

Pierre Vanek