Le conseil d'État Neuchâtelois complice de Genolier

La grève des 22 employé·e·s de l’Hôpital de la (mal nommée) Providence pulvérise tous les records précédents de grèves dans le canton : 96 jours.

La ténacité de ces grévistes – en grande partie des femmes – est emblématique de l’affrontement entre celles et ceux qui défendent les droits sociaux acquis de haute lutte, et les multiples tentatives du régime néolibéral de « flexibiliser » le travail, de baisser les salaires de la majorité, tout en multipliant les hausses pour les médecins-chefs et la « crème de la crème ». En d’autres mots, il est patent que le système capitaliste veut casser les syndicats et régner en maître. 

Pour ce faire, il a trouvé un partenaire précieux dans un Conseil d’Etat docile : en paroles, celui-ci proclame son indépendance, et puis agit en sens contraire.  En septembre 2012, Mme Ory, ministre de la Santé, s’était engagée à «sortir La Providence de la liste hospitalière au cas où GSMN (Genolier Swiss Medical Network) n’appliquerait pas la Convention collective de travail Santé 21 » (CCT). Cet engagement, comme d’autres, n’a pas été tenu.

 

Un gouvernement aux ordres

Le Conseil d’Etat s’est partialisé avec l’entreprise Genolier, ainsi que le démontre son communiqué dans la Feuille officielle du 15 février. Il a proposé aux grévistes et aux syndicats d’autoriser dès 2014 le groupe repreneur à «flexibiliser et annualiser le temps de travail». Il a promis que l’Etat assurerait les coûts supplémentaires de l’application de la CCT. C’est un comble : ce serait aux contribuables de cofinancer Genolier ! Il a en outre proposé aux partenaires à la médiation d’«annuler toute action de soutien aux grévistes sur le canton de Neuchâtel comme ailleurs en Suisse.?» (sic !) Après cela, le Conseil d’Etat, par son président Philippe Gnaegi – un ancien membre du Conseil de fondation de la Providence ! – «regrette l’échec des négociations». Plus que d’une partialisation, il s’agit là d’une collusion.

Samedi 16 février, plus de 2000  personnes défilaient dans les rues de Neuchâtel, la meilleure manif depuis quasi une génération (le 26 janvier, nous étions déjà 1000 dans les rues du chef-lieu). Certains médias ont parlé de «centaines de mani­fes­tant·e·s»,  ce qui est ridicule, mais bien au service d’une entreprise internationale dont l’administrateur-délégué, Antoine Hubert, avait lancé à la TV que son groupe était là pour faire du fric avec notre santé «comme avec les banques, le chocolat et les coucous» !

Le 5 décembre 2012 déjà, le Grand Conseil neuchâtelois, avait approuvé, par 57 voix contre 53, une motion populaire urgente «pour le maintien de la CCT à l’Hôpital de la Providence». Dans sa session des 19-20 février, le Grand Conseil a maintenant exigé que le gouvernement nomme une personne extérieure comme médiateur, ce que le Conseil d’Etat s’est empressé de refuser. Face au blocage provoqué par cette gestion calamiteuse de la crise, les syndicats SSP et SYNA ont fait un geste inattendu. Ils ont accepté de réouvrir immédiatement «les négotiations sur le contenu de la CCTsanté21» qui vient pourtant d’être signée, geste balayé par le Conseil d’Etat qui n’a qu’une idée en tête : faire venir Genolier pour déréglementer.

 

Droit de grève bafoué: la lutte continue

Quel va être à présent le sort des grévistes, embarqués dans un drame à rebondissements ? Pour ce qui va se passer à Genolier, Le Temps, journal du monde de l’économie, ne camoufle rien «Genolier appliquera son régime de médecins indépendants agréés, flexibilisera les horaires et annualisera le temps de travail dès le 1er mars 2014».

Le directeur d’Hôpital Neuchâtelois a immédiatement fait savoir que si son concurrent Genolier n’a pas à respecter les conditions de la CCT, il doit être logé à la même enseigne. Un conflit à long terme s’annonce ici. Il s’ajoute au dossier déjà tortueux de la santé neuchâteloise. Courte vue que celle du Conseil d’Etat in corpore, qui a choisi de se placer du côté de Genolier, bafouant au passage le droit de grève inscrit dans la constitution. Le dernier mot n’est pas encore dit : la grève continue. 

 

Théo Buss, député