Femmes des quartiers: l’égalité en marche

Femmes des quartiers: l’égalité en marche

Après les états généraux des femmes des quartiers tenus en 2001, qui a débouché sur un livre blanc, les états généraux
nationaux de janvier 2002, à La Sorbonne, ont débouché sur un manifeste. Sur cette base, la Fédération Nationale des Maisons des Potes, qui rassemble plusieurs centaines d’associations de quartiers en France, lançait la pétition: «Ni putes, ni soumises» (plus de 8000 signatures aujourd’hui). Entre-temps, des femmes s’en sont emparé pour organiser des mobilisations dans leurs quartiers. Le 8 mars, la Marche des femmes contre le ghetto et pour l’égalité, issu de ce mouvement, arrivait à Paris. Nous reproduisons ici l’interview de Fadéla Amara, présidente de la Fédération nationale des Maisons des potes, réalisé en novembre 2002 par UNSA Magazine1.

Quand a été créée la Fédération nationale des Maisons des potes et dans quel but?

La Fédération des Maisons des potes a été créée en 1988 pour faire émerger sur le terrain des actions pour que les citoyens des quartiers soient actifs et non plus passifs (…). Ce travail a permis à la Fédération de faire le constat que le statut des femmes et des jeunes filles des quartiers est en régression; elles sont de plus en plus victimes de violences psychologiques, physiques, sexuelles; elles subissent les pressions de l’entourage familial et dans leur vie de tous les jours. Certains quartiers fonctionnent en vase clos repliés sur des formes d’organisations sociales traditionnelles fondées sur le patriarcat et le machisme dans lesquelles les jeunes filles n’ont qu’une place marginalisée où leurs droits les plus élémentaires sont bafoués. Le but de la Fédération des Maison des potes c’est de changer la donne, c’est de restaurer et de faire respecter les droits fondamentaux des femmes des quartiers et leur donner les outils nécessaires à un processus d’émancipation qui les affirmera en tant que citoyennes.

Comment travaillez-vous et avec qui?

La Fédération regroupe près de 300 associations de quartiers réparties sur tout le territoire. Elle est un relais visant à donner les moyens à ces associations pour mener à bien leurs actions de proximité. La Fédération se veut un point de repère sur le terrain pour opposer à la violence un autre mode de relation sociale basée sur le respect et pour redonner la parole à ceux qui vivent et agissent dans les quartiers.

Quel bilan tirez-vous de votre action aujourd’hui?

Nous sommes assez fières du chemin parcouru même si la lutte continue et que beaucoup de travail reste à faire. L’année dernière, nous avons créé des commissions de femmes de quartier qui ont pour mission d’accueillir, d’écouter, d’informer, d’orienter les femmes et les jeunes filles qui rencontrent des difficultés.


Ensuite nous avons organisé les Etats Généraux locaux des femmes des quartiers qui se sont tenus tout au long de l’année 2001 afin de faire émerger les revendications de ces femmes. Un questionnaire a été réalisé pour recenser toutes les demandes et constatations portant sur la violence, mais aussi la religion, l’accès à l’emploi, la sexualité. Tout ce travail a été capitalisé dans le livre blanc des femmes des quartiers qui illustre bien, grâce à des témoignages, la réalité dans laquelle vivent ces femmes.


Ce livre blanc a été le support des Etats généraux nationaux qui se sont déroulés les 26 et 27 janvier 2002 à la Sorbonne et qui ont réuni plus de 250 femmes toutes issues des quartiers de France autour de 4 thèmes: la violence, la formation, le poids des traditions, la sexualité avec en fil rouge, les discriminations.


Suite à ces Etats généraux, nous avons publié un manifeste des femmes des quartiers qui reprend des propositions concrètes pour faire avancer la cause des femmes des quartiers et nous avons lancé la pétition «ni putes, ni soumises».

«Ni putes, ni soumises» n’est-ce pas provocateur?

«Ni putes» c’est pour répondre à l’intérieur des quartiers aux mecs qui prétendent que les femmes libérées sont toutes des putes,


«Ni soumises» c’est pour casser l’idée à l’extérieur du quartier que nous sommes soumises et que nous ne savons pas nous battre.


La situation des femmes dans les quartiers en 2002 est inacceptable dans une république laïque, alors qu’importe le choc des mots.

Et maintenant quels sont vos projets?

Nous allons continuer le combat sur le terrain en développant des partenariats, en créant des comités de vigilance qui devront réagir, proposer mais aussi intervenir en cas de menace, en favorisant le développement des commissions «femmes des quartiers». Et puis, nous allons organiser une marche qui aboutira le 8 mars prochain: Marche des femmes contre le ghetto et pour l’égalité.

  1. www.unsa.org/mag/2002/49/zoom.html