Chili: éléctions présidentielles

Chili: éléctions présidentielles : Lea forces anticapitalistes avec Marcel Claude

Le 17 novembre prochain le Chili élira son ou sa futur·e président·e, dans un contexte marqué par un regain des mobilisations sociales. Selon toutes les prévisions, Michelle Bachelet, candidate de la « Nueva Mayoria » (ex-« Concertacion », coalition de centre-gauche réunissant notamment les partis socialiste, communiste et démocrate-chrétien) devrait l’emporter face à sa principale rivale de droite Evelyn Matthei.

Quant aux différentes forces politiques et sociales de la gauche radicale, elles se sont rassemblées derrière la candidature de Marcel Claude, sur les bases d’un programme anticapitaliste. Entretien avec Carla Amtmann, porte-parole de cette campagne et leader de l’Union nationale des étudiants.

 

Quel est la situation politique et sociale actuelle au Chili ?

 

Carla Amtmann : Pour comprendre la situation actuelle, il faut la replacer dans un contexte marqué par les 40 ans du coup d’Etat. Le mouvement social doit faire face à deux principaux héritages : celui de la dictature et celui des années post-dictature. Le discours hégémonique et officiel, incarné ces dernières années aussi bien par la droite que par la Concertation, est clair : la dictature fut néfaste pour les droits humains, mais elle fut bénéfique pour les transformations économiques. Le principal clivage au niveau politique est depuis longtemps entre celles et ceux qui avaient appuyé la dictature et celles et ceux qui s’y opposaient.

Mais avec le regain des mobilisations sociales récentes (mouvements étudiants du secondaire et de l’université, des Mapuche, des ha­bitant·e·s, des tra­vail­leurs·euses, mouvement écologiste, etc.) un nouveau cycle politique est en train de s’ouvrir, et il est en pleine effervescence. Le principal triomphe de ces mobilisations, c’est d’avoir pu en finir avec ce discours hégémonique qui considère la dictature comme une période bénéfique pour l’économie. Cette année, nous avons commémoré non seulement les 40 ans du coup d’Etat, mais aussi les 25 ans du triomphe du NON à Pinochet, et ceci sous un gouvernement de droite qui célèbre la victoire du NON et critique le coup d’Etat ! Cela signifie que nous entrons dans une nouvelle ère où la politique cesse d’être marquée par cette opposition « pour ou contre » la dictature, mais se concentre désormais autour du modèle social, politique et économique que nous voulons pour l’avenir.

Dans ce contexte, ce qui se passe dans les mouvements sociaux va être clé. Et si l’on constate un renforcement du mouvement populaire, il manque toujours une véritable alternative politique et militante anticapitaliste. C’est notre principal défi parce que les partis traditionnels de la Concertation et la droite vont chercher par tous les moyens de contrôler ou coopter le mouvement social et le mécontentement populaire. Nous devons au contraire unir les mouvements politiques et sociaux pour qu’ils se renforcent l’un l’autre.

 

 

La candidature de Marcel Claude incarne cette nouvelle alternative anticapitaliste ?

 

Nous craignions que cette élection présidentielle ne comporte aucune candidature qui porte un programme de rupture pour répondre à ce mécontentement social. Sans proposer d’alternative aux forces traditionnelles, on laissait la porte ouverte aux autres pour coopter les demandes sociales et les transformer en demandes moins radicales qui affaibliraient à nouveau le mouvement social. Pour cela, il était très important de mettre en avant une candidature qui défende ouvertement les demandes du peuple, afin de consolider un axe programmatique qui unisse les secteurs anticapitalistes. Cela, seule la candidature de Marcel Claude le permet, en proposant de rompre avec le capitalisme, avec des demandes programmatiques structurelles comme par exemple la récupération des ressources naturelles, l’accroissement des droits sociaux ou encore pour un changement politique profond (assemblée constituante, démocratisation du pays, etc.).

Malgré ce programme radical, cela reste une candidature à prétention « majoritaire ». Nous parlons depuis le centre de la place publique, depuis la rue, et pas depuis la marge. Cela nous permet de contribuer à résoudre un problème central : le peuple chilien veut une alternative mais ne croit toujours pas que cela soit possible. Nous voulons lui donner cette opportunité.

 

 

Quelles sont vos perspectives post-élections ?

 

Les grandes transformations nécessaires dont le peuple chilien a besoin nécessitent un mouvement populaire renforcé, des organisations de masse robustes et une alternative de gauche militante au niveau national. Les élections contribuent à ce processus, mais elles n’en sont évidemment pas l’aboutissement ni même l’élément central. La prochaine période va très probablement être marquée par le gouvernement de Michelle Bachelet. Ceci implique le danger qu’il y ait une baisse des mobilisations. Notre responsabilité va être au contraire d’impulser toujours plus de mobilisations. Ces élections doivent nous permettre de continuer sur la lancée d’une plateforme d’organisation entre les divers mouvements et organisations de gauche, qui nous permette d’affronter cette nouvelle période plus fort·e·s et mieux or­ganisé·e·s.

En effet, avec cette élection beaucoup de groupes se sont unis. Des groupes qui ont certes des différences stratégiques, mais que nous avons pu fédérer autour d’un programme de rupture, avec des revendications que tous considèrent comme nécessaires pour le Chili aujourd’hui. Après les élections, le défi pour toutes ces forces va être de trouver un mécanisme organisationnel qui nous permette de continuer à travailler ensemble, dans la rue.

 

Propos recueillis par Giulia Willig