Théâtre

Théâtre : Le mémorial de l'église rouge

Un spectacle créé pour le Théâtre du Passage de Neuchâtel revient sur le Chili de la répression et de la dictature. Deux représentations, les 14 et 15 décembre 2013, à ne manquer sous aucun prétexte.

«Je prends congé… je rentre chez moi, dans mes rêves… je retourne en Patagonie où le vent frappe les étables où l’océan disperse la glace…. Je ne suis qu’un poète et je vous aime tous, je vais errant par le monde que j’aime: dans ma patrie on emprisonne les mineurs et le soldat commande au juge.?»

(Pablo Neruda, Canto General). 

 

En 1973, à l’Église rouge de Neuchâtel se réfugient bon nombre d’exilé·e·s chiliens fuyant la répression de l’armée. Parmi eux, la jeune Amanda qui, suite à la mort de son compagnon, membre du MIR, a perdu la raison. Face au « mur assourdissant de silence » qu’elle dresse entre elle et le monde, entre son passé chilien et son présent décomposé, un médecin de la Croix-Rouge tente d’aller à sa rencontre et de décoder les bribes de chansons et les poèmes de Pablo Neruda qu’elles scandent et chantent. Quatre musiciens et cinq comédiens vont ainsi l’espace de dix tableaux reconstruire sa vie… et un peu la nôtre.

 

«Le monde appartenait à l’attente de l’air…»

 

«Mon amour, avant de t’aimer je n’avais rien: j’hésitais à travers les choses et les rues:

rien ne parlait pour moi et rien n’avait de nom: le monde appartenait à l’attente de l’air.?»

 

Le spectacle créé par Vincent Prezioso et Khany Hamdaoui, autour des poèmes de Pablo Neruda et des musiques d’Atahualpa Yupanqui, Astor Piazzolla, Victor Jara, Quilapayun etc.., se présente ainsi comme une magnifique dentelle portée par une très belle distribution. Pas de grandiloquence hors de propos ici, mais une pièce construite dans la douceur des vers et des musiques… omniprésents. Une histoire racontée, incarnée sur scène par cette immense artiste qu’est Marthe Keller… l’amour à l’unisson de la jeune et talentueuse comédienne Khany Hamdaoui et de Boris Terral, inoubliable Lully dans Le Roi danse de Gérard Corbiau. 

Artiste aux multiples facettes, Vincent Prezioso, compositeur, arrangeur et directeur musical parisien, n’est pas seulement le concepteur du spectacle, mais il en signe également la mise en scène et la direction musicale. Il a à son actif de très belles créations musicales dont, parmi tant d’autres, Mémoire de deux jeunes mariées (n’entendons-nous pas  encore le violon exceptionel de Laurent Korcia sublimé sa musique ?), ou la chanson phare de la BO du film de Tommy Lee Jones, Trois enterrements. A chaque fois, il offre au public une même combinaison de talent et de sensibilité. 

 

Un mémorial… des mémoires

 

«Exils! La distance / devient épaisse / nous respirons par la blessure: / vivre est un précepte forcé. / L’âme déracinée pratique l’injustice: / elle refuse la beauté qu’on lui propose: / elle recherche son territoire infortuné : / et sur celui-ci seul le martyre ou le calme.?»

(Pablo Neruda, Mémorial de l’île noire)

 

Le Mémorial de l’Église rouge, référence directe au récit autobiographique en plusieurs tableaux et couleurs de Pablo Neruda, est enfin une pièce porteuse d’espoir au titre de la rédemption des vaincus dont parlait Walter Benjamin. Il est temps, plus que jamais de faire  trésor de cette expérience. 

Et Amanda de réciter « Ce jour est bien ce jour, dans son poids de passé. Dans son essor vers tout ce qui sera demain. C’est le sud de la mer, le vieil âge de l’eau. Et c’est aussi un jour nouveau qui se compose…» 

 

Amandine Trevi

 

Interprétation :

Jean-Pierre Althaus, Khany Hamdaoui, Marthe Keller, Jacques Serres, Boris Terral
Texte :

Khany Hamdaoui, Vincent Prezioso
Musique :

Nelson Gomez, Francisco González, Rafael Mejias Vegas, Vincent Prezioso
Production : CDS PROD

Pour réserver vos places : theatredupassage.ch