Égypte

Égypte : Une Élection en forme de désaveu

La victoire du Maréchal Sissi aux élections égyptiennes, qui se sont déroulées entre le 26 et 28 mai, s’est transformée à bien des égards en véritable désaveu pour ce dernier et le régime militaire.

Les résultats officiels de 96,5 % en faveur de Sissi et de 3,3 % pour le candidat nassérien Hamdeen Sabahi, avec une participation officielle globale de l’ordre de 47 % ne dupent personne et ne sont pas pris au sérieux. Les bureaux de votes étaient vides lors du premier jour des élections le 26 mai, poussant le régime militaire a annoncer lundi soir que le mardi serait jour de congé pour les institutions gouvernementales et privées et que les transports seraient gratuits.

Rien n’y fait, les bureaux de vote sont restés tout aussi déserts, malgré la menace d’une amende pour les fonctionnaires n’ayant pas voté. Face à cette situation, le régime annonçait simultanément que les bureaux de vote seraient ouverts jusqu’à 22 h et que le vote serait prolongé au mercredi. Les médias pro-régime se lançaient de leur côté dans une véritable campagne pour pousser la population à participer aux élections, tandis que les mosquées et les églises appellent les fidèles à aller voter au risque d’aller en enfer… Tous ces efforts auront été vains… les Egyptien·ne·s, dans leur très grande majorité, ne se sont pas déplacés pour voter.

 

Un signal politique clair des classes populaires

L’enjeu des élections n’était en effet pas l’élection de Sissi, annoncée depuis longtemps, mais le taux de participation. Et c’est la que le bât blesse, car c’est bien la très forte abstention qui a caractérisé ces élections. Il n’y a pas eu de plébiscite pour le Maréchal Sissi, malgré le soutien sans faille de tout l’appareil étatique et médiatique, sans oublier les millions dépensés en communication, meetings, affiches, banderoles, achats de voix…

Le Maréchal Sissi avait déclaré, quelques jours avant le scrutin, qu’il estimait que la participation serait de 75 %. On en est bien loin, les résultats officieux annoncent une participation réelle qui aurait oscillé entre 7,5 % (Centre Egyptien d’Etude des Médias et de l’Opinion Publique) et 15 % (nassériens), pour les deux premiers jours de scrutin et une participation quasi nulle le troisième jour.

Ces élections marquent le second échec du Maréchal Sissi dans un cadre électoral après le faible taux de participation lors du referendum sur la nouvelle constitution en janvier 2014, la participation réelle aurait tourné autour de 37 %.

Cette forte abstention, qui dépasse de loin l’audience des partis et personnalités (Frères Musulmans, le parti de l’Egypte Forte d’Abdel Fotouh, le Mouvement du 6 avril ou encore Khaled Ali candidat de gauche aux présidentielles de 2012) qui avaient appelé aux boycotts mais sans faire campagne massivement dans les rues au risque de se faire arrêter, est un signal politique clair des classes populaires égyptiennes envers Sissi : «aucune confiance ne t’est accordée et tu n’es pas le sauveur de la révolution comme tu le prétends», lui disent-elles.

 

La bataille pour réaliser les objectifs de la révolution continue

La perspective d’un retour à l’ère de Moubarak, avec sa répression et ses mesures autoritaires ne réjouit guère les Egyptien·ne·s, tandis que la question sociale est loin d’être résolue. Cette dernière va en effet très probablement revenir rapidement au premier plan, car les ouvriers qui avaient suspendu les grèves de masses, fin février ou fin mars, à la suite de l’annonce de la candidature de Sissi qui avait promis de satisfaire leurs revendications après les élections, sont prêt à recommencer le combat si leurs demandes tardent à se réaliser…

Il s’agit maintenant de réunir les voix qui ont voté pour Hamdeen Sabahi et celles qui ont boycotté les élections dans un front large pour réaliser les objectifs démocratiques et sociaux de la révolution et, dans le court terme, pour faire abroger la nouvelle loi sur les manifestations qui limite grandement l’exercice de ce droit et pour demander la libération des prisonniers politiques, dont plus de 20 000 vont vraisemblablement décider de se mettre en grève de la faim pour protester contre leur conditions de détentions et les mauvais traitements qui leurs sont infligés.

Sissi, leader de la contre-révolution, doit se faire du souci, sa lune de miel avec la population semble prendre fin et ses mensonges apparaissent de plus en plus, tandis que la révolution, malgré qu’elle soit attaquée et blessée, est toujours là et n’a pas dit son dernier mot.

 

Joseph Daher