Livres en lutte

Léon Trotsky

Jean Jaurès

Paris, Ed. de Matignon, 2014 (Hier et aujourd’hui)

 

«  Artisan, avec Lénine, de la révolution d’octobre 1917, Léon Trotsky admirait le réformiste Jean Jaurès, auquel il consacra deux articles dans la presse russe en 1909 et en 1917. Ce sont ces textes qui sont proposés ici, avec une préface de l’ancien député socialiste (1981–1993) Jean-Pierre Fourré. Le portrait que dresse Trotsky, à la fois critique et indulgent, donne une idée de ce que Jaurès représentait pour le mouvement ouvrier international de l’époque » (présentation : Le Monde diplomatique, août 2014).

 

 

Soha Bechara

La fenêtre. Camp de Khiam

Tunis, Editions elyzad, 2014

 

On connaît Guantánamo, mais qui a entendu parler de Khiam au Sud Liban (voir le documentaire de Jean-Marc Sroussi vudici.midiblogs.com/archive/2007/01/06/la-prison-de-khiam-au-liban)  ? Rayé de la carte depuis un bombardement israélien en 2006, une manière de pulvériser la mémoire. Soha Bechara, membre du parti communiste libanais, y a été torturée et détenue pendant dix ans, sans jugement ! Elle en témoigne dans un livre révoltant.

L’Etat d’Israël est connu pour sous-traiter ses œuvres les plus basses comme à Sabra et Chatila. Un an après ce massacre, c’est à Khiam que l’armée israélienne va sous-traiter la torture et l’emprisonnement de milliers de ré-sis-tant·e·s libanais, palestiniens…

A la suite de l’invasion du Liban par Israël en 1988, Sohah Béchara, âgée de 20 ans, tire sur le chef de l’armée du Liban-Sud, la milice libanaise des troupes d’occupation. Aussitôt arrêtée, transférée en Israël, elle sera rouée de coups, afin qu’elle dénonce ses complices.

En dix ans de détention dans ce camp de concentration, Soha Béchara, comme les milliers de détenu·e·s, n’a jamais vu un juge, n’a jamais été condamnée. La force qui l’a fait tenir au fond de son cachot, malgré la torture à l’électricité, c’est l’exceptionnelle solidarité des pri-son-niers·ères du camp, et au-delà, de toute la population résistant à l’occupant. Le témoignage d’une mutinerie est bouleversant : une petite intifada éclate afin de réclamer des conditions humaines de détention. Elle est violemment réprimée, Bilal El-Selman et Ibrahim Abou Azza périssent.

Après sept ans de détention, la situation semble s’améliorer pour Soha Bechara, on lui donne un lit et quelques affaires, c’est le prélude à la visite d’un délégué du CICR. Le livre est illustré par une collection de photographies représentant les objets de fortunes fabriqués par les détenu·e·s, touchante trace de l’humanité à laquelle ils-elles s’accrochaient.

Ce témoignage nous rappelle qu’à l’heure où Tsahal commet quotidiennement des carnages à Gaza, 8000 prisonniers et prisonnières palestiniens croupissent en Israël dans des conditions inhumaines, parmi eux de très nombreux enfants. Certains sont en grève de la faim%u200A; en juillet, le gouvernement israélien a autorisé leur alimentation de force ! DK

 

 

Abdul Rahman Mounif

Villes de sel : l’errance

Arles, Actes Sud, 2013

Un magnifique roman de lutte, de résistance du regretté écrivain Abdul Rahman Mounif sur la découverte du pétrole et ses terribles conséquences pour un village de la péninsule arabique. Véritable choc des cultures entre Occidentaux (compagnie pétrolière étatsunienne) et un peuple indigène nomade, ce livre raconte les terribles bouleversements subis par un peuple et une région au nom de la toute–puissance de l’or noir. Ces pages montrent aussi avec vigueur le surgissement d’une conscience de classe parmi ceux qui n’ont rien d’autre que leurs forces de travail face à ceux qui « suivent » les Occidentaux et s’embourgeoisent.

Né en 1933 à Amman, en Jordanie, d’un père saoudien et d’une mère irakienne, Abdul Rahman Mounif est l’auteur d’une dizaine de romans qui lui ont valu en 1998 le premier Grand Prix du roman arabe. Il est mort à Beyrouth en 2004. En France ont paru À l’est de la Méditerranée (Sindbad, 1985), Une ville dans la mémoire: Amman (Sindbad /Actes Sud, 1996) et Villes de sel. L’errance (Sindbad /Actes Sud, 2013). Un ou plusieurs tomes de Villes de sel ont déjà été traduits en anglais, en allemand, en espagnol et en italien. (Biographie de l’éditeur) RD

 

 

Paola Salwan Daher

Oublier Alep

Paris, Tamyras, 2012

 

Dénonçant la condition des femmes soumises à un mari, à des traditions, ce roman féministe est une ode à la lutte. Il raconte l’histoire de deux femmes dans la ville syrienne d’Alep, juste avant la Révolution.

L’une, Noha, bourgeoise, semble résignée à sa condition de femme vivant dans l’apparence et sans joie. L’autre, Shirine, est une femme forte, qui par ses idéaux ne peut se soumettre aux carcans imposés aux femmes. Elle vit dans la nostalgie de son amour – un révolutionnaire mort – et rejette son Liban natal qui a entraîné ce décès, tout en conservant force et espérance. Noha et Shirine sont voisines, se dévisagent et ne se comprennent, de prime abord, pas. Leurs destins vont pourtant se lier et changer à jamais leurs vies. Le tout sous le regard nostalgique d’un vieux Palestinien, pleurant son amour perdu et sa terre volée, et accompagné de chansons de la chanteuse libanaise Fairouz.

Un très bon roman de Paola Salwan Daher qui a reçu le prix du roman anticolonial 2014. A la remise du prix, notre camarade s’exprimait ainsi : «Merci beaucoup pour cet honneur que le salon fait à Oublier Alep. Ce livre m’a été inspiré par une région dont je suis issue et que j’aime profondément, et par des peuples, surtout des femmes, dont la combativité, le courage et la résilience me donnent chaque jour de nouvelles raisons de continuer à me battre. Comme me l’ont dit de nombreux Syrien·ne·s, on ne peut oublier Alep: il ne faut surtout pas oublier Alep, ni la Syrie, ni le Liban et la Palestine, et continuer chaque jour nos mouvements de solidarité avec ces peuples en lutte qui n’ont de cesse de s’opposer à la barbarie et à l’impérialisme de tous bords. J’espère que ce livre peut aider à garder ces peuples dans nos esprits et cœurs. Merci encore.%u200A» RD