Stop à la spéculation

Le dimanche 14 juin nous voterons sur le projet de loi Zacharias qui prévoit une modification de la LDTR, loi qui offre une réelle protection des locataires. Lors d’un débat, Dov Gabbaï, avocat à l’Asloca, a fait face à R. Zacharias pour montrer la duplicité de ce projet de modification de la LDTR. Entretien.

Le député MCG affirme que son projet de loi favorise les transformations de locaux commerciaux en appartements. Mais qu’en est-il réellement? Que contient ce projet de loi?

 

Le changement de loi proposé n’apporte en réalité rien quant à la possibilité de faire du logement avec des locaux commerciaux, puisque cela est déjà possible. Il a donc surtout pour objectif de favoriser les intérêts des propriétaires, dont on veut nous faire croire, à coups de slogans fallacieux, qu’ils convergent avec ceux des locataires.

Il s’agit en effet de casser le cadre légal qui protège aujourd’hui les locaux d’habitations. D’une part, en supprimant le contrôle des loyers que la LDTR prévoit pendant les 3 ans qui suivent des travaux. D’autre part, en donnant aux propriétaires la garantie de pouvoir retourner à une affectation commerciale lorsque les perspectives de gains sur ce marché seront plus attractives qu’elles ne le sont aujourd’hui, raison pour laquelle ils souhaitent d’ailleurs dans l’intervalle engranger des profits auprès de locataires d’habitations. Ils veulent donc n’avoir aucun compte à rendre à l’Etat aussi bien quant aux niveaux des loyers pratiqués que quant aux circonstances dans lesquelles ils reviendraient à une affectation commerciale.

Aussi, ce que souhaitent favoriser les milieux immobiliers, c’est la possibilité de maximiser leurs profits en tout temps, notamment en s’exonérant d’un contrôle des loyers de 3 ans qui selon eux les découragent de faire des logements par des travaux qui pourtant s’amortissent en 15 à 20 ans.

 

 

Lors de votre débat, Zacharias affirmait que la LDTR ne permettait que des transformations temporaires? Est-ce vrai?

 

C’est faux. De deux choses l’une. Soit il ne sait pas lire la loi, soit il ment. Le mot temporaire (art. 3 al. 4 LDTR) a uniquement le sens indiqué supra, à savoir que des locaux transformés en logements pendant maximum 20–30 ans peuvent revenir à une affectation commerciale. Au-delà de cette période, le principe de l’interdiction des changements d’affectation s’applique.

 

 

Pourquoi la LDTR est-elle si importante pour les locataires?

 

La LDTR vient compléter le droit du bail en protégeant le marché locatif (nombre de logements et niveau des loyers notamment) et les conditions d’habitations des locataires (83% de la population à Genève). L’interdiction de sortir du marché un locatif d’habitation et le contrôle automatique des loyers après travaux favorisent la disponibilité de logements accessibles au plus grand nombre. 

Par ailleurs, le contrôle LDTR des loyers après travaux permet d’atténuer l’inflation généralisée et injustifiée des loyers à laquelle on assiste et dispense ainsi les locataires de faire des procès pour contester le loyer à la signature ou en cours de bail. Le maintien d’un parc locatif suffisant, de qualité et dont les loyers répondent aux besoins prépondérants de la population est le cœur de la LDTR. C’est à cette loi que les genevois doivent le fait que la situation du logement ne soit pas pire qu’actuellement. Les Zurichois ont supprimé leur LDTR il y a une quinzaine d’années et s’en sont ensuite mordus les doigts. Cela a amené les électeurs, afin de rectifier le tir, à adopter en 2011 une loi imposant qu’une proportion de 30% du parc immobilier soit du logement sans but lucratif.

 

 

Que pensez-vous des méthodes de campagne des personnes qui soutiennent la loi Zacharias, notamment l’utilisation du slogan «valeurs de gauche »?

 

Deux choses. De telles tentatives de manipulation de l’opinion publique sont pitoyables, mais suscitent étonnement peu de réactions de la classe politique. Il est par ailleurs piquant de relever que le Mouvement des citoyens genevois compte dans ses rangs un spéculateur qui habite dans un manoir, vit de ses placements immobiliers et prétend faire du logement à loyer abordable, à condition seulement de ne plus avoir de compte à rendre à l’Etat quant aux loyers pratiqués. Autrement dit: moins on nous surveille moins on sera gourmand. En passant, je précise que la plupart des « membres » de l’association fantoche « des locataires progressistes » sont des membres de la famille de M. Zacharias et des proches. 

 

Propos recueillis par Pablo Cruchon