Amiante et délai de prescription

Amiante et délai de prescription : Le Conseil des États décide de «ne pas donner de faux espoirs aux victimes»

Les délais de prescription sont tellement courts que dans les cas de maladie due à l’amiante les victimes sont en fait privées de la possibilité de faire valoir leur droit. Rallonger le délai de prescription? Pas nécessaire, a décidé le Conseil des Etats.

Dans la navette parlementaire  sur le projet d’allongement du délai de prescription à 30 ans, c’était au tour du Conseil des Etats de se prononcer après que le Conseil national l’a ramené à 20 ans. La Chambre haute a, elle, opté pour le retour au statu quo. Les éminents progressistes qui la peuplent ont suivi le Glaronnais Thomas Hefti (PLR) qui les priait de «ne pas donner de faux espoirs aux victimes», sous prétexte que plus le temps passait, moins les preuves de l’atteinte étaient évidentes. Cet avocat doit se prendre pour une référence médicale depuis qu’il siège à la direction de la Ligue pulmonaire de son canton…

Ce n’est toutefois pas à ce titre qu’il est intervenu dans le débat, mais bien plus sûrement en tant que dirigeant d’Eco Swiss. Sous ce nom sympa agit le lobby patronal spécialisé dans la protection de l’environnement, la sécurité et la santé au travail. Et dans la famille Hefti, servir les intérêts du patronat et de l’économie privée, ça on sait faire.

 

Thomas Hefti

 

Passons sur l’arrière-grand-père et le grand-père, tous deux membres du gouvernement glaronnais. Arrêtons-­nous toutefois sur le père, lui aussi représentant au Conseil des Etats (1968–1990) du canton portant Saint Fridolin sur son blason. Collectionneur invétéré de siège dans les commissions fédérales, Peter Hefti fut un défenseur systématique des intérêts des assurances privées, qui l’accueillirent en retour dans leur conseil d’administration. Gageons qu’un retour d’ascenseur du même type attend aussi le fiston, s’il continue à faire si bien son travail.

La décision du Conseil des Etats avait été précédée d’un intense travail de pression, qui avait fini par énerver même Christian Levrat (PS), pourtant habitué: «Je suis frappé de la tonalité des courriers que nous avons reçus ces dernières semaines, de l’intensité du lobbying auquel nous sommes exposés dans cette affaire, et surtout du côté unilatéral de ce lobbying. Tout se passe comme si seuls les auteurs des dommages en question avaient des organisations aptes à les défendre».

On peut se demander pourquoi ce lobbyisme est passé par Glaris avant de s’exprimer pleinement à Berne. La réponse est simple : il y avait deux usines Eternit en Suisse. L’une à Payerne, l’autre à Niederurnen, dans le petit territoire du canton de Glaris. L’amiante laisse des traces partout, pas seulement dans les poumons des travailleurs.

Daniel Süri